Quand David Duke tentait de dédiaboliser le Ku Klux Klan aux États-Unis<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Quand David Duke tentait de dédiaboliser le Ku Klux Klan aux États-Unis
©SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Quand David Duke tentait de dédiaboliser le Ku Klux Klan aux États-Unis

Après avoir infiltré le Ku Klux Klan à la fin des années 70 au Colorado, le policier noir américain Ron Stallworth rencontre David Duke, Grand Sorcier de l'organisation. Extraits du livre "Le Noir qui infiltra le Ku Klux Klan" de Ron Stallworth, publié chez Éditions Autrement (2/2).

Ron Stallworth

Ron Stallworth

Policier américain désormais à la retraite, Ron Stallworth a infiltré le Ku Klux Klan à la fin des années 70 à Colorado Springs, dans l'État américain du Colorado. Il est l'auteur de l'ouvrage Le Noir qui inflitra le Ku Klux Klan, ainsi que Gangsta Code: The Sociological Implications of Gangster Rap Music and Hip Hop Culture et Bringing the Noise: Gangster-Reality Rap Music and the Dynamics of Black Social Revolution.

Voir la bio »

Le lendemain, le sergent Trapp a débloqué les dix dollars nécessaires au paiement de l’adhésion et j’ai envoyé mon dossier à Metairie, en Louisiane, quartier général des chevaliers de David Duke.

David Duke : l’homme au nom synonyme de haine. L’homme dont médias et politiques faisaient leurs choux gras et qui bientôt me considèrerait comme un « ami ».

À son titre de Grand Sorcier du Ku Klux Klan, David Duke pouvait alors ajouter celui de grand sorcier des relations publiques. Car il vendait brillamment son « produit » à la ronde, son « nouveau » Klan. Il était partout : dans les talk-shows télévisés du matin comme du soir, dans des magazines de l’envergure de Time et de Newsweek qui consacraient des articles à la soi-disant transformation du Klan, mais aussi dans des magazines de porno soft tels que Playboy et Oui.

Titulaire d’un diplôme universitaire de deuxième cycle, Duke avait la tête du gendre américain idéal, à qui toute maman voudrait confier sa fille pour le bal de promo. Toujours tiré à quatre épingles, bien élevé – du moins en apparence –, il s’exprimait avec aisance. Mais tel Dr Jekyll et Mr Hyde, il cachait une autre personnalité et un racisme partagé par bon nombre d’Américains blancs de l’époque. En public, il parlait seulement d’héritage et d’histoire, se gardant de laisser libre cours à ses pulsions haineuses. Politiquement à droite, il parsemait çà et là ses propos d’allusions racistes, qui mêlaient antipathie pour les Noirs et les minorités, insatisfaction vis-à-vis du gouvernement et peur d’un monde toujours plus complexe et mouvant.

En 1979, le magazine Oui le citait : « Je ne prêche pas la suprématie de la race blanche. » Ce qui ne l’empêchait pas, par ailleurs, de se dire convaincu de la supériorité de cette dernière. « Ce que je prêche, c’est le séparatisme, assurait-il. Idéalement, j’aimerais voir tous les Noirs rentrer chez eux, en Afrique, mais je serais même prêt à leur céder un bout de ce pays – peut-être un ou deux États – si c’était pour y bâtir une société séparée. »

Duke avait optimisé sa propagande en la professionnalisant. Lors de ses apparitions, il évitait de porter la robe du Klan, lui préférant un costume. Il s’abstenait de prononcer des propos désobligeants sur les Noirs, en particulier le mot « négro », et encourageait ses partisans à faire de même lorsqu’ils représentaient le Klan ou plaidaient sa cause devant un auditoire. En gros, il s’était lancé dans une entreprise de dédiabolisation, avec la volonté de faire du Klan une alternative acceptable pour ceux qui voyaient leur existence au point mort et cherchaient le moyen d’exprimer leur rancœur vis-à-vis du gouvernement.

En 1979, alors qu’on le savait proche du mouvement néonazi, alors qu’il avait paradé en uniforme d’inspiration IIIe Reich à la Louisiana State University où il avait étudié, Duke briguait un siège au Sénat de l’État de Louisiane en tant que démocrate conservateur. Il obtint 26 % des suffrages. En 1988, il s’attaqua sans succès aux primaires du parti démocrate avant de se rabattre sur le parti populiste. Sous cette étiquette, il put se présenter dans onze États, tandis que, dans quelques autres, les électeurs avaient la possibilité de voter pour lui en ajoutant son nom sur leur bulletin – ce qu’on appelle aux États-Unis les « candidats write-in ». 

Peu de temps après, il quitta officiellement le parti démocrate pour rejoindre les républicains et, en 1989, il décrocha un siège à la Chambre des représentants de Louisiane. L’année suivante, en revanche, il n’obtint pas la nomination du parti pour les sénatoriales et ne devint pas davantage gouverneur de Louisiane en 1991. Il tenta de nouveau sa chance à la présidentielle en 1992 lors des primaires du parti républicain sans atteindre 1 % des votes. Il échoua enfin lorsqu’il prétendit entrer au Sénat en 1996, et à la Chambre des représentants en 1999.

Extrait de "Le Noir qui infiltra le Ku Klux Klan" de Ron Stallworth, publié chez Éditions Autrement. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !