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Guerre commerciale : cette hausse de 20% des excédents européens sur les Etats-Unis qui pourrait être perçue comme une provocation par Washington
©SAUL LOEB / AFP

Tensions en perspective ?

L'excédent commercial européen sur les États-Unis, sur les 6 premiers mois de 2018, aurait progressé de près de 20%. Comment expliquer une telle hausse sur le début de l'année ?

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Selon les dernières données publiées par Eurostat, l'excédent commercial européen sur les États-Unis, sur les 6 premiers mois de l'année, aurait progressé de près de 20%, pour s'afficher à 66.9 milliards d'euros. Comment expliquer une telle progression sur le début de l'année 2018 ?

Nicolas Goetzmann : On peut en effet constater une hausse de l'excédent commercial européen sur les Etats-Unis pour un montant supérieur à 10 milliards d'euros, passant de 56.2 milliards pour le 1er semestre 2017 à 66.9 milliards pour le 1er semestre 2018. Et pour mesurer les causes de cette importante hausse, il faut regarder les évolutions des importations d'une part et des exportations d'autre part. Concernant les exportations européennes vers les Etats-Unis, on peut constater une progression de 3.9%, passant de 190.3 milliards à 197.8 milliards entre les deux périodes. Du côté des importations européennes en provenance des États-Unis, on peut voir une baisse de l'ordre de 2.4%, passant de 134.1 à 130.3 milliards d'euros. Et si certains vont vouloir voir dans ces chiffres une illustration des choix faits par les consommateurs des deux côtés de l'Atlantique, laissant penser que nos produits seraient meilleurs que les leurs, il ne faut pas se laisser abuser.
Depuis le début de l'année, l'économie américaine a été très robuste, avec une croissance au second trimestre qui a atteint 4.1%. Ce 16 août, le géant de la distribution Walmart a présenté une hausse de 4.5% de ses ventes au 2e trimestre aux Etats-Unis, ses meilleurs résultats depuis 10 ans. Ce qui témoigne de la vigueur de la consommation aux Etats-unis. La perception du marché de l'emploi par les américains est au plus haut depuis 17 ans, et les recherches d'emplois sont au plus bas depuis près de 50 ans dans le pays. Les Etats-Unis sont donc sur la bonne voie pour retrouver une économie qui se dirige vers son plein potentiel. Et cela se traduit par une demande forte, notamment pour des produits étrangers, c'est la raison pour laquelle les exportations européennes vers les États-Unis progressent aussi fortement.
Du côté de la déception des importations européennes, c'est le constat inverse. Le ralentissement de la croissance en Europe participe de ce résultat, et on constate également une forte hausse des importations énergétiques, ce qui vient assombrir le tableau. Ainsi, la hausse de l'excédent européen, paradoxalement, est le symptôme d'une économie américaine plus dynamique que la tendance européenne. On ne peut donc pas voir cela comme une bonne nouvelle pour notre continent.

Quelles pourraient en être les conséquences dans un contexte de guerre commerciale opposant notamment les Etats-Unis à L'Europe ? 

Évidemment, ce chiffre vient alimenter, de la plus belle manière, la rhétorique de Donald Trump. Alors que le président américain demande des efforts de la part de ses partenaires pour rétablir les écarts de balance commerciale, les Européens publient une hausse de 20% de leurs excédents sur une période de 6 mois. Du côté de Washington, il serait logique d'analyser cela comme une provocation pure et simple. Parce que le narratif de cette situation est tout simple. L'excédent commercial européen se matérialise par un simple différentiel de croissance, les Etats-Unis progressant plus vite que les européens, ce qui signifie que leurs importations sont plus dynamiques que les nôtres, ce qui aboutit à un tel résultat. Pour les Etats-Unis, cela est perçu comme un déséquilibre important, parce que la croissance européenne pourrait être bien plus forte qu'elle ne l'est aujourd'hui, mais les décisions pour en arriver à un tel résultat ne sont pas prises sur notre continent. Au niveau mondial, cela signifie que les États Unis sont un moteur puissant de l'économie globale, alors que l'Europe en est son principal boulet, en termes de différentiel entre croissance observée et de croissance potentielle.

Quelles seraient les solutions permettant de résoudre cette question dans un contexte "gagnant-gagnant" pour les deux parties ? 

Pour que le jeu soit équilibré, il faudrait que l'Europe participe à la croissance mondiale de façon plus soutenue, en arrivant à équilibrer son économie pour que celle-ci atteigne son plein potentiel. Quand on regarde tout simplement les chiffres du chômage, qui sont plus de deux fois plus élevés en Europe qu'ils ne le sont aux Etats-Unis, on se rend compte que le continent est en capacité d'absorber une demande beaucoup plus forte que ce qu'elle connaît actuellement. Or, la demande peut soit provenir de l'extérieur, par le biais des importations de pays étrangers de biens et services européens, soit de l'intérieur, c’est-à-dire la demande intérieure européenne. Le niveau de cette demande intérieure européenne dépend de l'action de la Banque centrale. Aux Etats-Unis, la FED soutient son activité pour que celle-ci atteigne son niveau maximal, tout en évitant la surchauffe qui se traduirait par une progression trop forte de l'inflation. En Europe, l'aversion à l'inflation est beaucoup plus forte, ce qui conduit la Banque centrale à mener une politique beaucoup moins expansionniste que celle des Etats-Unis. Le résultat, c'est une demande intérieure trop faible en Europe par rapport au potentiel du continent. C'est précisément cette stratégie économique qui est à revoir. Aussi bien parce qu'elle est génératrice de chômage en Europe, que parce qu'elle est à l'origine de déséquilibres macroéconomiques mondiaux qui sont en train de susciter la colère, légitime, des États Unis. Les Européens parasitent la croissance mondiale en profitant des efforts fournis par ses partenaires, tout en ne participant pas comme ils le pourraient à cette même croissance mondiale. 

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