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Graham Bell : "j'ai peut être inventé le téléphone parce que la femme que je désirais était sourde"
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Série de l’été : Entretien avec ceux qui ont change le monde : les grands inventeurs de l’histoire. Aujourd'hui Alexander Graham Bell.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Dans cette série de l’été consacrée à l’histoire des plus grandes personnalités scientifiques, nous avons choisi de vous les présenter sous la forme d’interview. Interviews imaginaires évidemment mais pour le moins plausibles. Le plaisir du journaliste qui se fait plaisir en écrivant lui même les réponses ont consisté aussi à ne pas trahir l’historien qui lui, fait parler les écrits, les témoignages et les documents. Donc que l’historien nous pardonne de quelques imprécisions. Notre intention est aussi noble que la sienne, faire connaître ceux qui ont changé le monde en profondeur par leur réflexion, leurs découvertes ou leur imagination. Après avoir rencontré Christophe Colomb, Alexander Fleming, le père de la médecine moderne, après une visite chez le baron Haussmann ou dans le laboratoire d’Albert Einstein, c’est aujourd’hui l’inventeur du téléphone, Alexander Graham Bell qui évoque son histoire.

Alexander Graham Bell, qui est resté dans l’histoire comme celui qui a inventé le téléphone, a joué un rôle de pionnier dans l’exploitation de cette nouvelle forme de communication. Toute sa vie a été consacrée au langage et à la parole et à des inventions qui permettraient de faciliter la communication. Parmi elles, on retrouve un langage basé sur les signes ou le célèbre gramophone. Et puis, il y a eu cette fameuse nuit où Alexander Graham Bell, accompagné de son acolyte Watson, a réussi à transmettre une voix humaine par câble électrique. Pendant longtemps, il fut considéré soit comme un prophète, au moins comme un excentrique. Il a en tout cas  fondé de cette invention la première compagnie téléphonique, la Bell Telephone Company, qui allait devenir à terme le leader américain des télécommunications, AT&T.

Né en Ecosse en 1847, Alexander Graham Bell vient d’une famille de chercheurs et professeurs. En 1870, il quitte l’Ecosse pour le Canada, après le décès de ses deux frères morts de la tuberculose. L’année suivante, il s’installe aux Etats-Unis, à Boston, où il enseigne dans une école de sourds-muets. Il a pour élève particulière la fille d’un riche homme d’affaires que la scarlatine a rendu sourde. Elle a dix ans de moins qu’elle mais ils tombent amoureux et se marient. Le père, la fille seront partie prenante dans l’aventure du téléphone et de la Bell Telephone Company.

Mais l’invention du téléphone ne s’est pas fait sans heurts. La course à l’invention de l’époque faisait que de nombreux chercheurs étaient sur la piste. C’est en 1876 que la controverse autour de la paternité de l’invention du téléphone, entre Graham Bell et Elisha Gray est née. Les avocats respectifs de Gray et Bell étant tout deux passés déposer leur demande de brevets le même jour, le 14  février 1876.

Alexander Graham Bell, bonjour. Merci de nous accorder cet entretien par visioconférence, une version plus élaborée de l’invention que vous avez vous-même mis au point, il y a plus de 140 ans.

Alors, qu’est-ce qui vous a donné l’idée d’inventer ce moyen de communication orale, vous ne pouviez pas vous empêcher de ne pas pouvoir parler avec votre petite amie quand vous étiez loin d’elle ?

Alexander Graham Bell: Ma petite amie Mabel, qui est devenue mon épouse, était sourde. Donc l’invention du téléphone ne lui a pas tant profité que ça. Ma mère aussi, a été touché par ce  handicap. Toute ma vie, j’ai œuvré en faveur des sourds et des malentendants par l’enseignement, en leur faisant notamment ressentir les sensations de produire des sons, à défaut de les entendre. Je suis devenu assez professeur de diction et de langage pour malentendants dans des écoles appropriées. C’était ça, mon métier principal, il ne faut pas l’oublier.

Votre deuxième carrière, celle d’inventeur, c’était donc sur votre temps libre.

Alexander Graham Bell : Oui, j’aimais bricoler deux trois choses. Depuis petit, j’ai eu cette lubie d’inventer des objets qui pourraient faciliter le quotidien de mes proches, et par là même, le mien. Ma première invention remonte à l’âge de douze ans. Un jour, pendant l’été écossais, j’étais chez un copain dont les parents, agriculteurs, nous avaient demandé de les aider à décortiquer du blé, au lieu de faire ce que font tous les adolescents l’été, ne rien faire. Pensez-vous que je n’étais pas venu pour ça, et que je n’avais aucune envie de passer mon été à décortiquer du blé. J’ai élaboré une petite machine, composée de lames et de brosses à ongle, que j’avais récupéré dans le cabinet de sa maman. Et le tour était joué, nous étions sauvés pour le reste de notre été. Cette machine fut d’ailleurs utilisée pour le décorticage du grain encore quelques années après nous.

Les idées vous venaient donc en fonction des besoins ?

Alexander Graham Bell : Vers quinze ans, ma mère est devenue sourde et mon père et grand-père étaient dans le domaine du langage. Tout tournait autour de ça à la maison. J’ai vécu pendant quelques temps avec mon grand-père, qui était à Londres, spécialiste lui aussi de l’élocution et de la phonétique. Et à quinze ans, il m’a convaincu que la parole était la caractéristique ultime de l’être humain, celle qui le différencie d’un animal.

J’ai lu que vous aviez pourtant fait parler un chien ! Elle est vraie, cette histoire, celle d’un chien dont vous manipuliez la gorge et les lèvres. Pendant que celui-ci grognait, vous avez réussi à lui faire dire une phrase audible.

Alexander Graham Bell : Depuis quelques temps, avait commencé à me trotter dans la tête l’idée que la voix n’était pas destinée à sortir de nos seules bouches humaines. Trouvé, nous l’avions nommé ici car nous avions trouvé ce chien, m’a un peu aidé. Et un chien qui demande « Comment vas-tu, mamie », cela a beaucoup fait rire les voisins. Mais il a vite arrêté de coopérer.

Vous aviez des connaissances en sciences du langage, en audiologie. Mais vous n’étiez pas forcément ingénieur, alors comment avez-vous imaginé pouvoir transmettre une voix avec un appareil?

Alexander Graham Bell : Quand nous sommes arrivés aux Etats-Unis, mes parents et moi, deux phénomènes étaient à la mode, tout le monde en parlait. Il y avait Edison qui avait inventé l’électricité bien sûr, mais nous étudions aussi beaucoup l’électromagnétisme.

Du coup, j’ai décrypté le mécanisme du télégraphe, et je me suis dit qu’il fallait que l’on soit capable de transporter, cette fois, la parole humaine. On m’avait parlé d’un physicien allemand, Hermann von Helmholtz, qui travaillait sur la transmission de voix par câble électrique. Il avait écrit tout un livre dessus. Mais je  comprenais mal la langue de Goethe ; alors j’ai interprété les schémas à ma façon. Je pensais qu'Helmholtz avait réussi et que moi, mon échec était seulement dû à ma méconnaissance de l'électricité. Ce fut une erreur constructive car j’ai repris mes cours de physique aux chapitres de l’électricité. En fait, Helmholtz n’avait obtenu qu’un résultat mitigé, n’arrivant à transmettre que certaines voyelles.

Et vous, vous avez réussi comment ?

Alexander Graham Bell : Avec mon assistant, Watson, celui avec qui je passais mon temps à faire des expériences, nous avons, entre les deux étages de la maison où nous étions, tendu un fil, trempé préalablement dans de l'acide, car c’est un parfait conducteur d'électricité. Aux deux extrémités, chacun avait un même cône pour parler, ou en y collant l'oreille, pour écouter. Sur ce cône était fixé une membrane de vessie de porc, tendue comme une peau de tambour. Elle était censée vibrer sous l'effet de la parole et ses vibrations étaient transmises à un aimant entouré d'une bobine magnétique qui transforme les vibrations en impulsions électriques, avant ce fameux fil qui les amenait à l’autre bout. Dans la cave, une bobine identique retransformait le flux électrique en vibrations, et le tout repassait par la membrane. Un jour où nous sommes parvenus enfin à un résultat correct, Watson entend en collant l'oreille à son cône, la phrase que je lui ai dite à l’autre bout du fil. « Watson, come here. I want to see you».

Une petite phrase pour l’homme, mais des mots de géant pour l'humanité.

On raconte que vous avez eu du mal à vous faire attribuer la paternité de votre invention. La bataille de brevets entre avocats a été âpre.

Alexander Graham Bell : Il est évident que d’autres étaient sur la piste du téléphone. Les grandes découvertes comportent immanquablement la coopération de nombreux esprits. Il y a eu cette histoire avec Elisha Gray, qui a déposé le brevet pour la transmission de parole par câble électrique le même jour que moi. Mais la question n’est pas de savoir qui a déposé le premier, car l’invention n’était à ce moment-là que théorique, mais bien qui a réussi le premier à parvenir à nos fins. Les histoires de paperasses sur les termes exacts du brevet n’ont jamais été aussi importantes que décrites. L’Amérique est un pays d’inventeurs, vous savez. Et les plus grands inventeurs, ce sont les hommes de journaux.

Moi, je suis parvenu à ce que nous avions écrit. J’ai même du faire la promotion, un peu forcé c’est vrai, par mes avocats. En 1876, c’était l’année du centenaire de l’indépendance américaine, et l’Exposition universelle était hébergée à Philadelphie. Au pavillon des inventions, j’ai tenu un stand. On y voyait un peu n’importe quoi dans ce pavillon, moi j’étais juste à côté de l’inventeur du Ketchup. Avouez qu’il s’est quand même moins creusé les méninges que moi, même s’il a du tâcher plus de chemises. Toujours est-il que nous avons eu de la visite, et l’empereur du Brésil s’est arrêté à mon stand et a testé le téléphone. Tout cela a été repris par la presse et m’a fait une magnifique publicité.

Comme beaucoup de monde à l’époque je parie, vous étiez loin d’imaginer que vous veniez d’inventer l’objet, devenu pour beaucoup aujourd’hui, le plus important aux yeux de nos contemporains ? Vous savez qu’il y a dans le monde, plus d’abonnements téléphoniques que d’habitants ? Et avec un smartphone, la version ultra améliorée du téléphone, aujourd’hui on fait tout. C’est quasiment une relation charnelle que les gens entretiennent avec leur appareil, ils travaillent avec, mangent avec et dorment avec.

Alexander Graham Bell : Il est bien que d’autres aient repris et amélioré la voie que j’ai ouverte. Vous avez eu des tas d’inventeurs ingénieux. L’Iphone, malheureusement, je n’aurais jamais pu l’inventer à mon époque. Mais je savais que si le son passait, un jour nous arriverions à transmettre l’image. Je savais aussi que tous ces fils deviendraient vite inutiles.

Cette invention du téléphone, elle a eu lieu aux Etats-Unis, parce que vous y aviez émigré, avec vos parents, à la mort de vos deux frères. Le rêve américain, pour vous,  est devenue une belle réalité. Combien ça vous a rapporté, d’inventer l’ancêtre de l’Iphone ?

Alexander Graham Bell : Peut-être que j’ai touché du doigt le rêve américain, et même très tôt puisque j’avais 29 ans quand j’ai réussi à passer mon premier coup de fil. Mais le mot rêve est un peu galvaudé. Comme tout, ça ne s’est pas fait tout seul et j’ai sacrifié beaucoup de choses. En plus de mes cours la journée, c’est le soir que je travaillais sur mes inventions, avec mon assistant qui était lui, mécanicien en journée. La nuit est un moment plus calme pour travailler. Elle aide à penser. Ce n’est pas pour ça que l’on n’a pas essuyé d’échecs. Lorsqu'une porte se ferme, il y en a une qui s'ouvre. Malheureusement, nous perdons tellement de temps à contempler la porte fermée, que nous ne voyons pas celle qui vient de s'ouvrir. Les échecs sont constructifs, je vous l’ai dit.

Et quand le président américain vous réserve son premier appel, en 1878 après que le téléphone ait été installé dans son bureau ovale, c’est que vous êtes reconnu comme l’un des leurs. Mais le président Rutherford n’était pas très technophile, ses premiers mots ont été: "Please, speak more slowly."

C’est là que vous avez voulu vous lancer dans l’aventure de la production et de la commercialisation en lançant la Bell Telephone Company, qui après plusieurs transformations, est devenue AT&T, American Telephone & Telegraph.

Alexander Graham Bell : Est-ce que vous pouvez imaginer la solitude de celui qui est le seul homme au monde à posséder un téléphone ? Evidemment qu’il a fallu penser à mettre cette formidable invention à la portée de tout le monde.

En 1878 a suivi l’Exposition universelle de Paris où je suis également allé. Le téléphone était déjà devenu très populaire en Europe. Les français s’y sont mis, en maugréant un peu. Jules Grévy en a fait installer un à l’Elysée en 1879, tout en décrétant  quand même que ce n'était à ses yeux qu'un gadget amusant sans avenir. Ils sont drôles, ces français quand même.

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