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Le salaire résulte-t-il uniquement de la confrontation de l’offre et de la demande sur le marché du travail ? Petit retour sur bac éco 2018
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Débat philosophique

Le salaire est-il le fruit de la lutte entre l’offre et la demande dans l'univers impitoyable du marché du travail ?

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Ah, si on pouvait répondre : « oui » ! Si « le salaire » pouvait traduire toutes les conditions monétaires et non-monétaires dans lesquelles « un salarié » (sans parler des autres) accepte (comment ?) d’échanger son temps (lequel ?) contre une activité codifiée, régulée (laquelle ?), avec un certain degré d’obéissance (lequel ?) et pour quelle durée ! Ah, si on pouvait savoir ce qui se joue dans l’offre de travail de l’entreprise, ses besoins précis, mais de combien, ses projets, ses attentes ? Ah, si on pouvait connaître ce qui se vit dans la tête de celui « qui demande du travail » : rémunération, avantages (cantine, intéressement, Comité d’Entreprise…), place dans la hiérarchie, possibilités de carrière et de formation, sans oublier l’ambiance, la qualité des relations sociales, l’image de l’entreprise, la « distinction », si importante, qu’elle offre à chacun ? Ah, si « un » prix se déterminait sans problème, entre celui qui, en théorie, veut plus d’argent, le salarié, et celui qui veut donner moins, l’entrepreneur ! Ah, si on vivait dans un monde transparent, sans « asymétrie d’information » ni « aléa de moralité », donc sans « comportement caché » ni « action cachée » !

Mais non, aucun prix ne résulte « uniquement de la confrontation de l’offre et de la demande », ni pour aucun bien ou service d’ailleurs, et moins encore pour « le salaire » sur « le marché du travail ». Et c’est heureux !
C’est heureux, dans ce monde économique et social de plus en plus complexe, qu’aucun prix ne dépende « uniquement » d’une confrontation entre offre et demande. Il faudrait que le produit soit simple, « le travail » contre « le salaire », avec de part et d’autre des agents informés et rationnels ! Nous serions dans les marchés parfaits du modèle néo-classique, celui qui donne des résultats dont la réalité s’écarte, par construction. Cependant, ce modèle sert doublement : par ce qu’il simplifie, et parce qu’il simplifie ! Le passage à la réalité se fait en ajoutant des contenus à l’accord, mais en pensant aussi au modèle original, comme une force de rappel.
C’est heureux, parce que la confrontation de l’offre et de la demande sur le marché du travail est complexe, chacun définissant ses objectifs, ses critères, avec un rang, voire un poids. Dans l’entreprise, cette recherche se fait en interne, en externe ou les deux. Le salarié, lui, crée une grille de choix plus ou moins élaborée, avec des aides, appuis, conseils et relations. Pour son premier emploi, les aides sont multiples : famille, amis, réseaux, enseignants, bureaux des centres de formation, sites des entreprises ou « sites de rencontre », allant de Pôle emploi aux plateformes spécialisées par métiers, plus les « petites annonces ».
Quand le salarié envoie son CV (pour les entreprises privées), il ajoute sa lettre de motivation. L’entreprise accuse réception, répond si elle est, ou non, intéressée. Si oui, elle analyse les profils, les hiérarchise, rencontre des candidats, organise des réunions, jusqu’à la décision finale, où s’affinent les modalités, salariales et non salariales, du contrat.
Souvent, pour des emplois importants ou spécialisés, l’entreprise confie son offre à un cabinet de chasseurs de têtes. Il ira « extraire » le salarié d’une entreprise où, par hypothèse, il réussit. Le processus sera plus subtil, délicat et coûteux.
On voit donc que l’embauche varie selon l’âge, notamment selon le premier emploi, la formation, le secteur, l’entreprise, le lieu et bien sûr le CV. En général, pour le premier emploi, c’est le demandeur qui a l’initiative : c’est lui qui cherche. Puis, pour des postes plus spécialisés ou de responsabilité, c’est bien souvent l’offreur qui est chercheur !
Surtout, l’accord doit se tester dans la durée pour vérifier et renforcer, non seulement les aptitudes techniques, mais plus encore les attitudes. C’est bien pourquoi les salaires montent, avec la maîtrise technique, mais surtout relationnelle. Elle légitime les prises de responsabilité, les salaires et les risques, pris de part et d’autre. Ainsi, pour les dirigeants très bien payés, le départ peut être immédiat : le salaire en tient compte.
Bref, heureusement que rien n’est simple !
Nota : pour avoir une très bonne note, vous répéterez que la théorie néo-classique ne répond pas à la réalité, que les syndicats sont nécessaires et un Etat régulateur indispensable.

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