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Pourquoi la France est la championne d’Europe de la présence de pesticides dans les paniers de course
©Reuters

Bzzzz

L'agence de sécurité européenne a pointé du doigt l'usage excessif de pesticides dans l'agriculture française. Le signe d'une nécessité d'accompagner les évolutions environnementales dans l'agriculture.

Marc Dufumier

Marc Dufumier

Marc Dufumier, ingénieur agronome, est l'un des spécialistes mondiaux de l'agriculture. Directeur de la chaire d'agriculture comparée à AgroParistech, il est régulièrement sollicité par les gouvernements étrangers pour les aider à réformer leurs systèmes agricoles.

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Atlantico : La France est un des mauvais élève de l'Europe en matière de pesticides selon l'agence de sécurité européenne (Efsa). Pour lutter contre ce phénomène, le gouvernement a annoncé entre autres un déblocage de 2 millions d'euros pour aider au développement des firmes Dephy dont le leitmotiv est d'utiliser beaucoup moins de pesticides. Mais est-ce suffisant pour combler cette dépendance aux pesticides que l'on semble avoir en France ?

Marc Dufumier : D'abord les fonds sont très largement insuffisants donc il y a fort à parier que nous resterons épinglés, Il faut maintenant savoir opter non pas pour diminuer l'utilisation des pesticides car nous connaissons leur nocivité, nous savons que les prédictions concernant la jeune génération stipulent que cette dernière aura une espérance de vie en bonne santé d'une dizaine d'années inférieure aux générations d'avant. Nul ne peut dire que c'est statistiquement avéré évidemment car nous n'avons pas encore le recul pour cela. C'est l'argument des gens qui disent qu'il faut continuer avec les pesticides mais c'est exactement la même chose qu'il y a 30 ans avec le réchauffement climatique. Aujourd'hui plus personne ne peut le contester sérieusement et il en sera de même pour les pesticides.

Mais ce problème des pesticides est préoccupant car on sait qu'il est lié aux maladies neurodégénératives comme l'alzheimer, parkinson ou encore les cancers hormonaux dépendants (sein, prostate...)

Ainsi comment parvenir à ne plus en mettre ou le moins possible ? Évidemment il faudra une transition mais l'objectif devrait être l'éradication totale de l'utilisation de ces produits sinon nous n'y arriverons jamais. Quand les ambitions sont faibles (comme aujourd'hui) on peut dire sereinement que ce n'est que de la frime.

Quelles sont les alternatives ?

Aujourd'hui on entend dire que « l'on ne peut pas interdire le glyphosate, il faut trouver une autre molécule de substitution». Mais l'alternative ne pourra pas être une molécule de substitution. Ce sont vers d'autres méthodes de contrôle des ravageurs, des insectes qu'il faut s'orienter et orienter les fonds. L'agriculture de demain sera une agriculture qui cessera de tuer, qui cessera d'utiliser les fongicides, les pesticides, les herbicides et autres... Il nous faut terminer au plus vite avec ces produits.

Pour se substituer à ces derniers les solutions ne manquent pas et il faut s'inspirer de l'agroécologie. Tendre vers une agriculture diversifiée qui va non pas tuer les insectes ravageurs mais permettre aux plantes et animaux de vivre avec les agents ravageurs et pathogènes mais en minorant leur prolifération et leurs ravages. Les alternatives techniques existent déjà. On pourrait réorienter les fonds alloués à l'agriculture vers les nouveaux systèmes techniques de production.

En plus de résoudre les problèmes de santé publique inhérents à l'utilisation des pesticides cela bénéficierait grandement à l'environnement. On lutterait contre la perte de biodiversité dû à l'utilisation des produits chimiques par exemple.

Une agriculture diversifiée qui réconcilie agriculture-élevage qui met des barrières végétales à la prolifération des ravageurs, qui sélectionne des variétés tolérantes des agents pathogènes est possible et il y a déjà des agriculteurs qui mettent en œuvre ces moyens.

Quels seraient les inconvénients de ces techniques ?

C'est plus artisanal, moins industriel, plus diversifié plus spécialisé et comme c'est plus exigeant en travail cela doit être correctement rémunéré. Si l'on veut que le bon produit sanitaire issu de cette agriculture diversifié soit accessible aux classes populaires, il va falloir apprendre à payer les services environnementaux. Il faudra négocier avec les agriculteurs et investir dans ce sens mais c'est tout le système qui est à repenser mais c’est une affaire d'intérêt général qui coûtera bien plus cher que les deux millions avancés par le gouvernement pour développer les fermes Dephy. Pour financer cette transition il faudrait regarder du côté des neuf milliards d'euros de subventions de la PAC qui retournent tous les ans à 300 000 agriculteurs qui devraient être réorientés pour payer les services environnementaux. C'est uniquement grâce à ces investissements que des produits bons d'un point de vue phytosanitaire pourront être accessibles aux couches modestes de la société.

Le gouvernement avec ce déblocage de deux millions d'euros espère aider à développer les fermes Dephy en les faisant passer de 3000 à 30 000 mais il est clair que cela n'a rien à voir, et dans les montants et dans les procédures avec l'objectif d'avoir un jour une alimentation saine. Cela n'a rien à voir avec la sauvegarde de l'environnement, les abeilles, les coccinelles, les insectes pollinisateurs... Surtout c'est un aveu de la volonté de continuer avec les pesticides, certes avec des moindres doses mais cela ne suffira pas à amorcer la transition brutale dont on a tant besoin. Aussi bien pour notre santé que pour la sauvegarde de l'environnement.

Le vrai problème de la ferme Dephy est que c'est une fausse piste car cela ne remet pas du tout en cause la totalité des systèmes de production.

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