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Canicule : ce risque santé que courent une bonne partie des Français sans le savoir
©OLIVER BERG / DPA / AFP

Chaleur et médicaments

L'exposition à de fortes chaleurs est dangereuse. Conjuguée à la prise d'un certain nombre de médicaments, le "cocktail" peut s'avérer néfaste. L'ANSM a ainsi dressé des listes de médicaments à proscrire et de conseils à suivre.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : L'exposition à de fortes chaleurs est en soi dangereuse, mais peut l'être encore plus si elle est conjuguée à la prise d'un certain nombre de médicaments. L'ANSM a ainsi dressé plusieurs listes de médicaments à proscrire et de conseils à suivre en pareille situation. Qu'est-ce qui explique le fait qu'il soit déconseillé, en pleine canicule, de prendre :

- un certain nombre d'antalgiques ?

Stéphane Gayet : Les deux antalgiques (médicaments destinés à atténuer une douleur) en vente libre les plus consommés sont : l'aspirine (acide acétylsalicylique) et le paracétamol (DOLIPRANE, DAFALGAN…). D'une façon générale, une forte chaleur peut entraîner une déshydratation, particulièrement aux deux extrêmes de la vie (les nourrissons et personnes âgées). La déshydratation extracellulaire s'accompagne d'une diminution du volume sanguin (hémoconcentration : les médicaments y sont plus concentrés), de la pression artérielle ainsi que du débit sanguin ; la déshydratation intracellulaire provoque une souffrance des cellules dont l'effet sur le cerveau est souvent bien perceptible (une apathie, une asthénie ou fatigue et dans certains cas une obnubilation).
Quand il est déshydraté, le corps humain fonctionne en mode dégradé. Tous les organes en sont affectés et fonctionnent moins bien. C'est la sudation qui entraîne cette déshydratation. Elle est destinée à refroidir la peau et par voie de conséquence le corps entier. La sueur est essentiellement composée d'eau, de chlorure de sodium, d'autres sels et d'acides gras. Or, la sudation (transpiration abondante) est le principal processus physiologique qui permet au corps de se refroidir par la peau. La surface de celle-ci est d'un peu moins de deux mètres carrés chez l'adulte, pour une masse d'environ cinq kilos. C'est un assez puissant échangeur thermique.
La sueur refroidit la peau en s'évaporant, du fait du caractère endothermique du phénomène d'évaporation (cette dernière absorbe la chaleur de la peau et donc la refroidit). En suant, on peut se déshydrater rapidement et sans s'en rendre compte. Or le plus souvent, la personne âgée est moins réactive et ressent moins la soif. Une dose journalière d'aspirine supérieure à 500 mg (dose relativement banale) peut, en cas de déshydratation, provoquer une atteinte de la fonction rénale, ce qui n'est jamais anodin et surtout chez le sujet âgé dont la fonction rénale est toujours diminuée du fait de la sénescence. Le paracétamol est quant à lui toxique pour le foie à très forte dose. En cas de déshydratation, sa toxicité hépatique est favorisée.

- les diurétiques ?

Un diurétique ou salidiurétique est un médicament qui fait éliminer du sodium (Na) par les deux reins. Cette élimination de sodium entraîne une élimination d'eau. Ce médicament est prescrit en cas d'œdèmes, d'insuffisance cardiaque ou d'hypertension artérielle. Il est clair que l'action salidiurétique aggrave la déshydratation. Les diurétiques sont parmi les produits les plus dangereux en cas de forte chaleur. C'est l'occasion de pointer du doigt les risques liés à ce type de médicament chez une personne âgée fragile.

- les antiépileptiques ?

Les antiépileptiques nécessitent une certaine concentration dans le sang pour être efficaces. Leur marge thérapeutique est souvent réduite, c'est-à-dire qu'ils peuvent se révéler toxiques dès que la concentration sanguine est élevée, ce qui peut arriver en cas de déshydratation. C'est d'autant plus préoccupant que la déshydratation est déjà par elle-même une source de souffrance cérébrale.

- les neuroleptiques ?

Les neuroleptiques sont des médicaments psychotropes que l'on prescrit chez des patients atteints de psychose, notamment dans la schizophrénie et les psychoses délirantes de façon plus générale. Qu'ils soient incisifs (action contre le délire et les hallucinations) ou sédatifs (action contre l'agitation), ces psychotropes ont une toxicité bien réelle. La déshydratation risque de la majorer et ils sont susceptibles d'aggraver la situation en perturbant le centre de la régulation de la température (hyperthermie provoquée par un neuroleptique).

- certains antidépresseurs ?

Ils peuvent perturber la fonction de transpiration et ainsi majorer l'hyperthermie. Car bien des antidépresseurs ont une action sur le système nerveux végétatif qui régule en particulier la température du corps et donc les fonctions qui y interviennent. Une diminution anormale de la transpiration réduit la déshydratation, mais favorise l'hyperthermie. En outre, les sels de lithium (prescrits dans le trouble bipolaire ou état maniaco-dépressif) risquent eux aussi de se montrer toxiques en cas de déshydratation.

- certains antiparkinsoniens ?

Ces médicaments prescrits pour améliorer l'état d'une personne souffrant de maladie de Parkinson (akinésie ou réduction et lenteur des mouvements ; hypertonie ou diminution du relâchement musculaire ; tremblement de repos) peuvent eux aussi modifier la transpiration avec les mêmes conséquences que celles déjà décrites.

La liste complète des médicaments qu'il est recommandé d'arrêter de prendre est ici disponible : http://ansm.sante.fr/Dossiers/Conditions-climatiques-extremes-et-produits-de-sante/Canicule-et-produits-de-sante. Que faire si un des médicaments qu'on prend est sur cette liste ?

Il ne faut jamais arrêter de soi-même un médicament. L'arrêt brutal d'un médicament peut en effet avoir une conséquence très grave. D'une part, il peut produire un accident de santé de type métabolique en particulier, du fait que le corps y était habitué au point de rendre cette substance pratiquement nécessaire à l'organisme. D'autre part, la maladie qu'il soigne n'est donc plus traitée comme c'était prévu et elle se trouve de ce fait abandonnée à sa tendance évolutive naturelle. Cette reprise évolutive de la maladie peut s'avérer plus ou moins sévère. Elle est malheureusement la preuve a posteriori que le médicament était non seulement utile, mais nécessaire.
Il est crucial d'insister sur ce point : il est toujours dangereux d'arrêter brutalement la prise d'un médicament, s'agissant bien sûr des produits allopathiques prescrits pour soigner telle ou telle pathologie. En cas de forte chaleur, si l'on prend l'un des médicaments cités comme pouvant présenter des risques lors d'une élévation importante de la température ambiante, le plus sage est de contacter soit son médecin, soit son pharmacien. Dans l'impossibilité de le faire et si l'on est en mesure de bien appréhender le risque, on peut tout au plus prendre l'initiative de réduire – ne serait-ce que temporairement – la dose quotidienne (posologie) du médicament en question. Il faut le faire progressivement et prendre soin de noter le jour de cette réduction de dose, l'importance de la réduction et de relever les effets perceptibles de cette modification posologique, afin de les inscrire pour en conserver une trace.
On se rend compte à cette occasion à quel point il est non seulement important, mais dans certaines circonstances comme celle-ci vital, qu'une personne traitée connaisse bien le motif de la prescription de tous ses médicaments ainsi que leurs effets. Cela peut paraître évident, mais l'expérience montre que ce n'est pas toujours le cas.

Enfin, pouvez-vous nous rappeler les gestes élémentaires à suivre en cas de chaleur ?

Chacun sait que le corps humain doit pour bien fonctionner conserver une température aussi constante que possible, car nous sommes des êtres vivants homéothermes. La température dite centrale est très proche de 37°C. Au-delà de 41°C, la vie est immédiatement menacée. Pour maintenir cette température la plus constante possible, nous avons des mécanismes de régulation thermique. On peut dire que dans l'ensemble, nous avons plus de possibilités de lutter contre le froid que nous n'en avons de lutter contre la chaleur. C'est notamment lié au fait que le froid n'est pas un phénomène thermodynamique : seule la chaleur existe en tant que phénomène physique. Cela se traduit par la possibilité de produire de la chaleur, mais l'impossibilité de produire du froid (car on ne peut qu'évacuer la chaleur en excès).
Le corps humain échange de la chaleur avec son milieu ambiant par la peau et par l'appareil respiratoire. Le rôle joué par la peau est essentiel. C'est un échangeur thermique d'un peu moins de deux mètres carrés qui est assez puissant. La peau élimine la chaleur en excès de deux façons : par la radiation et par la transpiration. La radiation cutanée de chaleur s'accroît lorsque le flux sanguin cutané augmente (c'est la vasodilatation) et que les pores s'ouvrent. La chaleur radiée est emportée par les courants aériens de convection. En cela, la peau se comporte ni plus ni moins que comme un convecteur radiant : elle émet sa chaleur dans l'air, ce qui la refroidit et contribue un peu à la chaleur ambiante. La transpiration refroidit la peau du fait de l'évaporation de la sueur qui est un phénomène qui consomme de la chaleur.
Pour faciliter le rôle essentiel de la peau, il faut avoir le plus possible de zones cutanées non couvertes et porter des sous-vêtements qui facilitent les échanges thermiques (c'est-à-dire en fibres naturelles). Plus il y a de courants d'air, et plus la chaleur émise par la peau peut être évacuée, plus l'évaporation de la sueur peut s'effectuer. C'est pourquoi les ventilateurs qui sont dirigés vers les zones découvertes du corps contribuent à refroidir la peau et donc le corps. Il est important de favoriser les courants d'air dans une habitation, en ouvrant des fenêtres à des côtés opposés. Si l'on bénéficie d'un espace aérien à l'ombre et balayé par le vent, c'est une opportunité à utiliser. La douche à température tout juste tiède entraîne une réduction temporaire de la température cutanée et l'humidification de la peau. Si l'on peut se rincer les cheveux, c'est encore mieux : se sécher la peau et les cheveux le moins possible, car cette humidité en s'évaporant va refroidir la peau et le cuir chevelu. C'est pourquoi les bains en piscine, en lac, en rivière ou dans la mer font tant de bien (en plus de la réduction immédiate de la température de la peau au contact de l'eau).
Il faut éviter toute production de chaleur par le corps et toute entrée de chaleur. Avoir la plus faible activité physique possible. Manger des aliments froids ou à peine tièdes et éviter toute boisson chaude parait évident. L'alcool sous toutes ses formes est à éviter le plus possible, ne serait-ce que parce qu'il apporte de la chaleur au corps.
Repérer les endroits les plus frais et les favoriser pour s'y tenir. Dans un bâtiment qui n'est pas climatisé, les pièces les plus fraîches sont situées dans les étages inférieurs, puisque la chaleur monte toujours. Les vitres doivent être protégées des rayons solaires qui chauffent l'air intérieur (effet de serre) : il faut donc fermer les volets exposés au soleil. Faut-il préciser qu'il est capital d'éviter d'exposer son corps aux rayons solaires directs ?
Il faut également compenser la perte d'eau et de sel qui résulte de la sudation. Il faut donc boire de l'eau minéralisée et sans attendre la sensation de soif qui est trop tardive. Il est préférable de boire un peu trop que pas assez. Un moyen simple d'évaluer l'adéquation de la ration hydrique aux besoins : l'aspect et l'odeur de l'urine. Si l'urine a un aspect foncé, très concentré avec une odeur forte, cela signifie que la ration hydrique est trop faible. Mais ce signe est souvent absent chez les personnes âgées dont les reins concentrent mal l'urine.

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