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Lancement de satellites : quand l’Europe consent à faire de la politique
©jody amiet / AFP

Un peu plus près des étoiles

L'Europe spatiale s'apprête à lancer quatre satellites Galileo. Ce projet vise à rendre l'Europe autonome par rapport au GPS américain. Sommes-nous là en train d'assister à une guerre des satellites ?

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico.fr : L'Europe spatiale va lancer quatre satellites Galileo. Un projet qui vise à rendre l'Europe autonome par rapport au GPS américain. Faut-il y voir uniquement un acte de souveraineté ou ce lancement a-t-il aussi pour but de se couper des systèmes de navigation américain sous fond de crise latente avec les États-Unis?

Olivier Sanguy : C'est bien évidemment un acte de souveraineté comme vous le soulignez puisqu'il s'agit pour l'Europe de maîtriser son propre système de navigation par satellites. En revanche, il ne découle pas d'une crise latente récente avec les États-Unis puisque la décision de mettre sur pied Galileo remonte à 1999. Il faut comprendre que le GPS américain est militaire et que les États-Unis n'ont aucune obligation quant à la disponibilité de ce service. Si le Pentagone le décide, il peut très bien revenir à un verrouillage partiel du GPS, comme c'était le cas avant, ce qui ferait que les utilisateurs autres que l'armée américaine n'auraient alors qu'une précision dégradée incompatible avec les nombreuses applications qui se sont développées. C'est bien évidemment fortement improbable en raison des conséquences économiques, mais il faut se poser la question dans l'autre sens : l'Europe peut-elle laisser un système de géolocalisation devenu aussi indispensable dépendre du seul bon vouloir d'un autre pays fut-il un allié ? La réponse c'est Galileo, un système civil financé par l'Europe dont le segment spatial a été confié à l'Agence Spatiale Européenne (ESA). De plus, cela permet à l'Europe de créer et de bénéficier du système économique qui découle du positionnement par satellites. Conception et fabrication des satellites, les lanceurs pour les envoyer, les centres de contrôle, les services de précision pour les utilisateurs professionnels (Galileo est gratuit pour les particuliers), la création de nouvelles activités, etc. À la clé, ce sont des emplois en Europe qui sont créés. Notons enfin que pour l'utilisateur, Galileo est transparent : les nouveaux smartphones ou appareils de localisation emploient Galileo ou le GPS sans qu'il soit nécessaire de demander l'un ou l'autre.

Ce déploiement sera-t-il pour autant suffisant pour rendre la France indépendante et parfaitement autonome ?

Plus que la France, c'est l'autonomie de l'Europe qui est en jeu. Galileo existe grâce au financement apporté par l'Union Européenne et au savoir-faire de l'industrie européenne. Actuellement, la constellation Galileo forte d'une vingtaine de satellites actifs apporte déjà un service de géolocalisation effectif. Les 4 nouveaux qui doivent être lancés par Ariane 5 le 25 juillet vont renforcer ce service. En effet, plus il y a de satellites et plus un récepteur sur Terre peut en capter suffisamment pour déterminer avec précision sa position. On estime toutefois que l'idéal est 30 satellites afin de disposer d'une réserve de satellites prêts à prendre le relais en cas de panne. Ensuite, il est d'ores et déjà prévu d'entretenir Galileo en lançant régulièrement de nouveaux satellites pour remplacer ceux qui auront atteint leur fin de vie et on en profitera certainement pour apporter des améliorations qui bénéficieront aux utilisateurs.

Sommes-nous là en train d'assister à une guerre des satellites ? Que font les autres pays en la matière et où la France se situe-t-elle par rapport à ces derniers ?

Guerre peut-être pas, mais prendre position pour affirmer son indépendance certainement ! Tout dépend si on veut ou non dépendre du bon vouloir d'un allié. La Russie dispose depuis longtemps de son propre système de géolocalisation par satellites appelé GLONASS. La Chine et l'Inde sont en train de développer le leur afin d'être également indépendants dans ce domaine devenu essentiel. L'Europe a choisi ainsi d'être indépendante pour la géolocalisation, mais aussi, et depuis plus longtemps, pour son accès à l'espace. Ce qui explique la famille de lanceurs Ariane ou encore les petits lanceurs Vega qui décollent du Centre Spatial Guyanais. Grâce à ce choix, les pays européens n'ont pas besoin de l'autorisation d'autres nations pour lancer leurs satellites. La France a toujours joué et continue de jouer un rôle essentiel dans le spatial et dans l'Europe spatiale aujourd'hui incarnée par l'Agence Spatiale Européenne. N'oublions pas que la filière Ariane est née d'une volonté française via son agence spatiale le CNES. Cette dernière est d'ailleurs un contributeur de premier plan de l'Agence Spatiale Européenne. L'excellence technique du CNES est de plus mondialement reconnue. Ce n'est pas un hasard si l'instrument scientifique principal de la sonde de la NASA Mars InSight est français ! Ce sismomètre SEIS qui mesurera avec une précision inégalée les tremblements de terre de la planète rouge a été fourni à l'agence américaine par le CNES.

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