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Vegans, mais qui sont-ils vraiment ?
©SAUL LOEB / AFP

Agriculture

Les vegans inquiètent de plus en plus les éleveurs, mais aussi les bouchers-charcutiers qui ont été reçus récemment par le ministre de l’Intérieur suite à de nombreux actes de vandalisme. Qui sont vraiment ces vegans ? Décryptage de ce qui est devenu en quelques années un véritable phénomène de société.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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WikiAgri est un pôle multimédia agricole composé d’un magazine trimestriel et d’un site internet avec sa newsletter d’information. Il a pour philosophie de partager, avec les agriculteurs, les informations et les réflexions sur l’agriculture. Les articles partagés sur Atlantico sont accessibles au grand public, d'autres informations plus spécialisées figurent sur wikiagri.fr

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Il y a seulement cinq ans, le grand public ne savait pas vraiment ou même pas du tout ce qu’était un vegan. Aujourd’hui, ce courant apparaît omniprésent dans l’espace public. Il s’est fait tout particulièrement connaître par le biais de la diffusion de vidéos filmées clandestinement dans des abattoirs ou des élevages en batterie par ou pour l’association de protection des animaux L214. La dernière en date, qui a suscité beaucoup d'émois et de réactions, a été diffusée le 20 mai 2018. L’actrice Sophie Marceau y dénonçait les conditions de vie des poules pondeuses dans les élevages en batterie.

Alors, qu’est-ce que le véganisme ? Qui sont les végans ? Combien sont-ils ? Comment agissent-ils ? Sont-ils dangereux ? Représentent-ils une menace pour l’agriculture française et plus particulièrement pour l’élevage ? Voici toutes les réponses aux questions que l’on se pose communément à propos des végans.

Quelle est l’origine du terme vegan et du veganisme ?

Le terme Végan est une contraction du mot anglais « VEGetariAN » (végétarien). Il a été créé en Angleterre en 1944 par un professeur de menuiserie, Donald Watson (1910-2005), qui est le fondateur de la Vegan Society. Lui-même végétarien depuis l’âge de 14 ans après avoir vu un porc terrifié abattu par son oncle agriculteur, il a arrêté de consommer des produits laitiers à l’âge de 32 ans.

Le végétarisme est un phénomène bien plus ancien puisqu’il était déjà revendiqué par les adeptes du jaïnisme, une religion apparue en Inde au Xe siècle avant J.-C., ou par le philosophe grec Pythagore et ses disciples au VIe siècle avant J.-C. D’après la sociologue Marianne Celka, auteure de Végan Order. Des éco-warriors au business de la radicalité (Editions Arkhê, 2018), cette vision est réapparue avec les Cathares, certains penseurs humanistes de la Renaissance et surtout avec les « transcendantalistes » du XIXe siècle incarnés par Henry David Thoreau et l’écologisme du XXe siècle. La première association végétarienne qui a été créée dans le monde l’a été, elle aussi, en Angleterre en 1847 avec la Vegetarian Society.

C’est également au XIXe siècle et toujours en Angleterre qu’émergent les premières associations de protection des animaux, avec la Society for the prevention of cruelty to animals, qui est créée en 1824, notamment pour la protection des chevaux d’attelage, puis avec la Society for the protection of animals liable to vivisection, fondée en 1875 pour lutter contre la vivisection. La version française de la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux sera créée en 1845 avec la Société protectrice des animaux (SPA).

Qu’est-ce que le veganisme ?

A la différence du végétarisme et du végétalisme, le veganisme est une véritable philosophie de vie et un mode de vie qui exclut toute forme d’exploitation et de cruauté envers les animaux. Les végans respectent donc un régime alimentaire végétalien : ils ne mangent pas de chair animale (viandes, poissons ou crustacés), mais aussi des produits issus d’animaux, tels que les œufs, les produits laitiers (lait et fromages) et le miel. Mais, ils vont aussi s’abstenir de consommer et d’utiliser des produits d’origine animale pour leur vêtements et leurs chaussures (pas de textile d’origine animale comme le cuir, la laine, la soie, le cachemire ou a fortiori la fourrure), leurs produits cosmétiques, d’hygiène ou d’entretien (ces produits ne doivent pas contenir d’ingrédients d’origine animale et/ou avoir été testés sur les animaux) ou leurs divertissements (chasse, pêche, cirque, zoo, corrida) ou pour n’importe quelle autre raison (utilisation d’animaux à des fins d’expérimentation ou de chiens d’aveugle, manipulation génétique des animaux). C’est donc un mode de vie basé sur différentes formes d’exclusions ou d’interdits.

Il existe d’ailleurs une certification végane avec le label Eve Vegan délivré par un « organisme de contrôle et de labellisation des produits veganes » qui s’appelle Expertise Vegane Europe (EVE). Ce label permet par conséquent aux consommateurs de pouvoir identifier facilement les produits végans. Le « référentiel EVE Vegan » définit une « liste des substances refusées » qui sont les suivantes : produits issus de l’abattage des animaux, de la chasse et de la pêche, sous-produits d’origine animale et dérivés (comme les produits laitiers ou de la ruche), les matières et fibres animales, les substances d’origine animale sous forme d’additifs (enzymes, arômes, huiles, etc.), les ingrédients traités avec des produits d’origine animale (gélatine ou collagène animal), les ingrédients ayant nécessité la fermentation animale et les substances dérivées des humains (kératine ou placenta).

A l’évidence, le véganisme apparaît comme un mode de vie particulièrement exigeant et contraignant dans la vie de tous les jours à partir du moment où les produits d’origine animale se nichent un peu partout. A l’instar des militants qui souhaitent sortir de la dépendance au pétrole, les végans entendent ainsi sortir, d’une certaine manière, d’une situation de dépendance économique vis-à-vis de l’exploitation des animaux.

Combien sont-ils ?

Il est très difficile d’évaluer leur nombre. Sur la base des quelques chiffres dont on dispose, on peut néanmoins estimer que les vegans sont ultra-minoritaires. Ainsi, dans l’enquête réalisée en mai-juin 2017 par l’Observatoire Société et consommation (ObSoCo), auprès d’un échantillon représentatif de 4 000 personnes, 0,4 % des personnes sondées se disaient véganes. Si l’on extrapole cette proportion à l’ensemble de la population française, cela donnerait environ 270 000 vegans en France. Le sociologue Eric Birlouez estimait, quant à lui, récemment dans L’Opinion la part des vegans en France à 0,25-0,5 % de la population.

Il est cependant aussi évident que leur « part de voix » dans l’espace public (médias, édition, réseaux sociaux) est sans commune mesure avec leur représentativité réelle. Ils correspondent, en effet, exactement à ce qui a été décrit par Gérald Bronner et Etienne Klein dans leur rapport publié en 2016 pour l’Académie des technologies à propos du marché de l’information : « Ceux qui règnent sur ce marché sont ceux qui ont le plus de temps à occuper l’"espace" de parole, c’est-à-dire ceux qui sont les plus motivés. Or, sur toute une série de sujets, les plus motivés sont les plus engagés, voire les plus "croyants". Pour cette raison, ils parviennent à instaurer, sur les forums ou dans le classement Google, une sorte d’illusion de majorité qui peut affecter le jugement de nos concitoyens les plus indécis ou bien qui n’ont pas le temps de défaire des arguments qui sont, par ailleurs, en apparence convaincants ».

Ils incarnent bien également ce que le psychologue social Serge Moscovici appelait une « minorité active ». Or, pour lui, « la plupart des changements sociaux sont l’œuvre de minorités ». Rappelons à ce propos les résultats significatifs d’une étude scientifique publiée en 2011 par des chercheurs du Rensselaer Polytechnic Institute aux Etats-Unis. Ceux-ci ont tenté d’évaluer à partir de quand une croyance jusqu’alors minoritaire se transforme en une croyance qui devient rapidement majoritaire. Ils ont évalué ce point de basculement à 10 %. Cela signifie qu’à partir du moment où 10 % de la population a une croyance inconditionnelle, celle-ci sera systématiquement adoptée par la majorité de la société.

Les végans sont par excellence un groupe de personnes ayant une croyance inconditionnelle. Or, avec une fourchette se situant entre 0,25 % et 0,5 % de la population, ils sont donc encore loin du compte, mais rien ne dit que cette situation n’évoluera pas. En outre, il faut regarder aussi la proportion de végans au sein des jeunes générations, qui deviendront majoritaires d’ici quelques années et quelques décennies, ou des catégories d’« influenceurs », comme les jeunes cadres citadins.

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