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Non, les enfants uniques ne sont pas plus égoïstes que les autres
©Pixabay

Idée reçue

De récentes études montrent que les enfants uniques ont une propension à considérer les principes de coopération, et donc par extension de collectif, plus forte que les autres.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Atlantico : De récentes études comme celle menée par le Brain imaging and behaviour, ont démontré que les enfants uniques se révèlent avoir une propension à considérer les principes de coopération, et donc par extension de collectif, plus forte que les autres. De ce constat, peut-on alors souligner le fait que les enfants uniques ne sont finalement pas plus égoïstes que les autres ? D’où provenait cette idée reçue ?

Pascal Neveu : « Enfant unique, enfant pourri ! » était une terminologie encore récente. Plus précisément, égoïste, sans empathie, ne pensant qu’à lui, coupé du monde ! Bien heureusement, les études actuelles s'appuient sur un grand nombre de recherches sur « l'enfant unique » qui remettent en cause de telles affirmations.

Comme le discours totalement contesté de la fameuse Françoise Dolto qui n’hésitait pas à déclarer : « Quand ils grandissent, les enfants uniques sont hyperverbaux et hyposensoriels ; chez eux, la puberté n’arrive pas à se faire. A 15 ou 16 ans, ce sont des sujets d’élite d’un point de vue scolaire mais des êtres nuls du point de vue des échanges humains. »

Aujourd'hui, 22 % des couples ont un seul enfant. Faut-il stigmatiser ces couples ? Et surtout ces enfants ? Rappelons-nous la réprobation sociale qui laissait même planer un doute sur la sexualité de ses parents (« Ils n'en veulent pas d'autres ou bien ils ne peuvent pas ? »).

L’enfant unique subit donc une mauvaise réputation. Égoïste, asocial, fragile, immature… L’enfant unique a longtemps souffert d’une mauvaise réputation. Pourquoi ? Tout simplement car le soi-disant « syndrome de l'enfant unique », pose souci, car il ne correspond pas au stéréotype familial !

Selon une étude de l'Insee, un enfant sur trois qui naîtra à l'avenir dans les pays industrialisés sera probablement le seul enfant d'un couple. Françoise Dolto était et reste en totale déconnection avec la réalité de notre temps puisqu’elle préconisait devoir avoir 3 enfants minimum alors qu’elle-même n’en obtint que deux, et sans polémique.

Mais si l’enfant unique n’a pas une personnalité liée au manque de frère et sœur, il n’en demeure pas moins confronté à des problèmes spécifiques. En effet, plaçons-nous dans la tête de cet être unique objet d’amour de ses parents qui peut penser : « Papa et maman ont fermé la porte pour que je reste seul avec eux » et donc ma toute-puissance ?

Car il est une certitude : seule l’attitude des parents fixera le destin de l’enfant. L’enfant évolue dans un milieu face auquel il s’adapte, plus ou moins enfermé dans des carcans structurels.

Quels peuvent être les avantages, les inconvénients factuels et concrets du'un enfant unique ?

 Les dernières études montrent qu’il peut y avoir d'énormes avantages pour cette structure familiale d’enfant unique :

. les parents peuvent consacrer tout leur temps et leur énergie à un enfant unique
. ils continuent à avoir leur propre vie personnelle
. l’enfant n’est pas surprotégé, à condition que les parents considèrent que leur enfant ne sera pas stigmatisé, considéré comme appartenant à une minorité et tous les préjugés qui en découlent et donc mis de côté.

Car lorsque l'enfant ne se sent pas si inhabituel et qu'il ne se sent pas surprotégé, il se sent valorisé.

Côté inconvénients :

. même avec les meilleurs efforts des parents pour amener leur enfant à passer beaucoup de temps avec des enfants de son âge, ils se sentent souvent un peu gênés
. la vie familiale d'un seul enfant, orchestrée par des adultes, sera généralement relativement calme

Mais ce qui ressort de toutes les études est que l’âge des parents n’influe pas du tout sur le comportement des enfants et leur capacité d’adaptation. Ceci est en partie dû au fait que certains parents se souviendront avoir été traumatisés par un frère ou une soeur intimidant. Précisément l’âge n’a pas d’influence face à l’acte vécu. Plus pertinent est le temps que le seul enfant passe avec ses pairs.

La compagnie de semblables, de pairs (cousins, amis proches) peut-elle supplanter la présence d'un frère ou d'une sœur ?

Il me semble important de casser un préjugé : ce n'est pas le nombre de frères et soeurs qui est important, mais la qualité des relations.

La personne se construit à travers le fruit de rencontres qui se déroulent généralement dans un environnement supervisé, comme la famille, mais également l’école, les colonies de vacances… où l’enfant peut alors observer des comportements moins stéréotypés que dans une enceinte familiale bien structurée.

Les parents s'inquiètent que leur enfant unique puisse développer des tendances égoïstes. Ils peuvent essayer de favoriser des amitiés saines à la maison, inviter plus souvent les cousins ​​et modéliser des comportements pro-sociaux. Car ils pensent que leur enfant n’atteindra pas cette intelligence « de rue » que les enfants apprennent quand ils ont des frères et sœurs.

Il suffit seulement de se rendre en vacances avec d'autres familles avec des enfants du même âge ! Car c'est la plus proche situation comme frères et soeurs. Il suffit d’observer les enfants, leurs attitudes, leurs jeux, leurs interactions bienveillantes. Et que se passe-t’il ?  Du semblable ! L’étranger devient le cousin, le frère, ou autre… de part l’effet miroir révélateur naissant : « dis moi qui je suis ! » On oppose aussi souvent les propos des spécialistes aux témoignages. J’en livrerai quelques-uns qui ont souhaité participer à cet échange.

« Les preuves s'accumulent pour montrer qu'une famille d'un enfant peut être un choix positif pour les parents et l'enfant. »

 « Grandir principalement avec ma mère m'a rendu plus sensible et plus compréhensif envers les femmes, et m'a appris à me comporter lors de dîners. »

 « Grandir seul vous rend très autonome et capable de vous divertir, et les livres étaient mon monde. Avec le recul, je me rends compte que j'étais seul, mais cela ne semblait pas le cas à ce moment-là. »

 « Je pense que la vie aurait pu être plus stressante si j'avais eu un frère ou une sœur, mais peut-être que cela m'aurait rendu plus apte à m'identifier à mes pairs. »

L'actrice Elizabeth Hurley s’est exprimée concernant son fils de 16 ans, Damian après avoir déclarée que son seul regret était de ne pas avoir plus d'un enfant : « J'étais l'une des trois, une grande soeur et un petit frère à se chamailler et à aimer. Damian n'a pas ça. Ils sont très différents, enfants célibataires, plus insulaires mais très à l'aise avec eux-mêmes, très auto-possédés, concentrés. »

Car dès qu’un enfant ne se sent pas comme un choix, les témoignages d’actes d’amour s'accumulent pour montrer qu'une famille d'un enfant peut être un choix positif pour les parents et l'enfant.

En conclusion, les stéréotypes sur les enfants seuls gâtés, solitaires et particuliers ont duré plus d'un siècle, malgré de nombreuses recherches montrant que les enfants seuls font souvent mieux dans de nombreux domaines que les enfants frères et soeurs. En écoutant certains, la famille parfaite, si nous voulons les enfants psychologiquement les mieux adaptés, est le nombre d'enfants que vous avez, parce que si vous les aimez, ils seront heureux.

Vaste questionnement !

Hughes disait que « Il n'y a aucune garantie si vous avez eu un deuxième enfant que vos enfants vont se passer magnifiquement. Personnellement, je pense que le fait d'avoir un frère ou une sœur est une chose incroyable, mais je ne voudrais pas que les gens qui ont un enfant ne pensent pas qu'ils en auront une seconde, qu'ils aient l'impression que leur enfant va inévitablement perdre en dehors. » 

Je vous laisse réfléchir… et non pas être juges.

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