Avignon : la plus grande scène du monde<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Avignon : la plus grande scène du monde
©BORIS HORVAT / AFP

Festival de théâtre

L’Eglise catholique, et par la suite, sa branche protestante, ont longtemps excommunié les comédiens. Depuis l’abandon de la sanction, ces derniers se sont bien vengés ! Comme un joli pied de nez à l’Institution religieuse, c’est en effet dans la Cité des Papes que l’un d’entre eux, Jean Vilar, avait choisi, en 1948, d’implanter un Festival de théâtre.

Dominique Poncet

Dominique Poncet

Dominique Poncet est est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
Voir la bio »

Un festival qui, vingt ans plus tard, comme une des conséquences de la révolution de Mai 68, devint deux, qu’on appela, le In, et le Off.

 Aujourd’hui, le premier, l’officiel, celui d’origine, créé par l’inventeur du T.N.P. (Théâtre National Populaire) est resté celui des théâtres subventionnés. Quant au second, le Off, décrété par des flibustiers de la scène, son destin est toujours entre les mains de producteurs privés. Comme il ne cesse de croitre à la vitesse des champignons en automne, Avignon  est devenu, au fil des ans, et grâce à lui ( à cause de ?) ,la plus grande scène mondiale  du spectacle vivant, qui, outre  des comédiens  pur jus, accueille, désormais, sans « communautarisme » des saltimbanques de tous poils, chanteurs, danseurs, mimes, musiciens, magiciens, circassiens, etc…Ce préambule pour ceux qui ne connaissaient pas la genèse de cette tentaculaire manifestation !

Jusqu’au 25 juillet cette année ( date de la fin des festivités), inutile de chercher un endroit calme dans la ville pour lire ou papoter, les artistes  ont envahi ,intra-muros, toutes les  parcelles de jeu possible: les théâtres évidemment, mais aussi les rues, les places, les porches , les trottoirs, les cours, les préaux d’école, les églises, les terrasses de café, toutes les surfaces disponibles, jusqu’aux garages (au sens propre du terme)… Il  faut bien  caser les spectacles dont le nombre a presque triplé ces vingt dernières années : ils sont 1650  à se bousculer sur  l’affiche 2018. Le Festival est devenu une foire d’empoigne !

Comptes tenus  du brouhaha et du (sympathique) chahut générés par les « parades » qui tentent de se faire remarquer, il est bien difficile, pour le spectateur de se retrouver dans le lacis  aussi indescriptible  qu’assourdissant des propositions.

Côté In, pas de problème. Le nombre des spectacles reste stable, voire (pour cause de baisse de subventions) en légère régression.  Olivier Py, son patron, a  en programmé une cinquantaine, qui, dans leur grande majorité, exploreront le thème transversal du genre, avec notamment un feuilleton en treize épisodes mis en scène par  David Bobée .

Vendredi dernier vers 22H, ce sont les trompettes de Maurice Jarre qui, comme l’exige la tradition, ont ouvert le ban des festivités  dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes. Quand elles ont cessé de résonner, c’est  la tragédie qui a pris place dans ce lieu prestigieux  et  grandiose (Deux mille spectateurs  qui font face à un mur de 30 m de haut). Le jeune metteur en scène Thomas Jolly avait choisi de donner  Thyeste de Sénèque, sans doute le drame  le plus atroce qu’on ait jamais écrit, dans lequel on voit un roi  fait cocu par son frère se venger de lui en lui faisant manger (sans qu’il ne s’en aperçoive !) la chair de ses enfant.  Même Shakespeare n’écrira pas plus noir et plus sanglant !

Ce qui est formidable, époustouflant dans cette mise en scène, c’est que Thomas Jolly arrive à passionner oreilles et yeux d’aujourd’hui, avec le texte d’un philosophe né quatre ans avant Jésus-Christ ! On le savait, mais cela se confirme de spectacle en spectacle : Thomas Jolly, enfant terrible des planches de 36 ans (qui  s’est octroyé ici le rôle du  frère vengeur dans une prestation  impressionnante de feu et de glace mêlés !) a un talent fou.

Ses acteurs aussi, qui traduisent chaque mot en image, ce qui met en branle l’imaginaire avec une force inouïe. Ils sont sidérants ! Et par dessus cela, le Mur, le fameux Mur qui, subliment éclairé, semble participer au propos comme un acteur à part entière… Et par dessus encore, le plateau qui, pour sa part, est magnifiquement habité, entre autres par deux sculptures monumentales, l’une, d’un masque, l’autre, d’une main. Ce Thyeste (Jusqu’au 15 juillet), qui saisit, transporte et interpelle,  se solde évidemment  par un triomphe. Olivier Py peut être content  et fier de son poulain ! Pour sa part de metteur en scène,  le « patron » du In a monté Pur Présent, un spectacle  composé par  trois de ses pièces inspirées d’Eschyle. Brillantes joutes oratoires en perspective ! (à la Scierie Jusqu’au 22 juillet).

 En ce qui concerne le Off, les choses sont beaucoup plus compliquées. Comme on ne pratique aucune sélection, selon le bon vieux  mot d’ordre soixante-huitard : « il est interdit d’interdire », le meilleur  côtoie le pire.

L’argent est devenu roi. Pas du côté des saltimbanques qui souvent se saignent aux quatre veines pour être là, mais de celui des propriétaires de salles. Ils louent leurs espaces, soit aux plus offrants, soit  aux compagnies qui leur permettront d’ « emboiter » un maximum de spectacles chaque vingt-quatre  heures. A part  ceux qui dirigent certains lieux pérennes, comme  le Chêne Noir, la Condition des Soies, le théâtre des Halles,  le Balcon, le Chien qui fume et quelques rares autres, ce sont, pour la plupart des Thénardier ! Attention donc aux arnaques !  Pour dénicher les pépites, car elles sont nombreuses, le bouche à oreille  peut être un bon truc. La notoriété des acteurs, des metteurs en scène et des auteurs est  aussi un bon fil rouge. Dans le catalogue-bottin du programme du Off 2018 (1538  spectacles donnés par 4667 artistes !), on a  retenu, parmi les metteurs en scène, Georges Lavaudant, Daniel Mesguisch, Virginie Lemoine, Gérard Gélas…Parmi les auteurs, tous les « classiques »  évidemment -gare toutefois aux pièces montées en « best-of », il y en a !- et quelques contemporains, dont David Foenkinos, Woody Allen, Sébastien Azzopardi et Jean-Louis Fournier…Quant aux « vedettes » des planches,  elles sont légion, de la reine Béatrice Agenin, sublime dans tous ses rôles,  à ce magnifique interprète qu’est Jean François Balmer, de la grande Nicole Calfan ( chic, la revoilà) à ce diablotin de Jean-François Perec…

Spectateurs à vos marques ! Les départs se font à toute heure de 10h à minuit !  Bons voyages ! Bon Festival !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !