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Pourquoi le macronisme ne pourra pas échapper à la nécessité de se définir enfin face aux enjeux brûlants du projet de loi de finances 2019
©ludovic MARIN / AFP / POOL

An II du quinquennat

La rentrée 2018 s'annonce encore plus périlleuse pour un gouvernement qui se trouve confronté à ses propres ambitions de déficit public. En quoi cette rentrée peut s'avérer déterminante pour le Chef de l'Etat, celui-ci se trouvant dans l'obligation de faire un choix, et par conséquent, de sortir de ce qui a été appelé le "en même temps" ?

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Alors que la rentrée 2017 avait été polluée politiquement par la question des APL, cette rentrée 2018 s'annonce encore plus périlleuse pour un gouvernement qui se trouve confronté à ses propres ambitions de déficit public, soit 2.3% pour 2018 et 1.5% pour 2019. Dans le même temps,la perception des Français vis à vis d'Emmanuel Macron reste ancrée dans celle d'un "président des riches"​ qui s'est accentuée avec le report du plan pauvreté. En quoi cette rentrée peut s'avérer déterminante pour le Chef de l'Etat, celui-ci se trouvant dans l'obligation de faire un choix, et par conséquent, de sortir de ce qui a été appelé le "en même temps" ? 

Philippe Crevel : Le « en même temps » ou « l’impressionnisme politique » touche ses limites. Le Président Emmanuel Macron diminue dans les sondages en perdant à droite et à gauche. En misant sur un savant mix de communication, il semble avoir perdu le fil conducteur de son action ou plutôt il semble avoir oublié que la politique, c’est choisir. Après plus d’une année à l’Elysée, la ou plutôt les réalités s’imposent au Président de la République, réalité économique, sociale, financière, internationale, européenne. La parole est un art dont il ne faut pas trop abuser. Au quart de son mandat, l’opinion veut des actes, des résultats avant de régler éventuellement ses comptes. En ce milieu d’été 2018, les signaux envoyés par l’Elysée n’impriment plus car ils sont trop nombreux et contradictoires. De la rodomontade d’un jeune freluquet impoli aux transgenres du 21 juin en passant par les errements sur les bateaux chargés de migrants, le report du plan pauvreté et la construction d’une piscine, les séquences se succèdent à un rythme trop rapide et s’autodétruisent. Elles contribuent à miner l’image présidentielle.
Pour la rentrée, le Président aura plusieurs rendez-vous à gérer, le premier concerne le projet de loi de finances pour 2019. En 2017, l’heureux retour de la croissance a permis le passage du déficit en-dessous des 3 % du PIB. En 2018, elle a cédé la place à un entre-deux économique rempli d’incertitudes. Or, le Président a beaucoup promis ces derniers mois. Les factures s’accumulent, armée, éducation, exonérations de la taxe d’habitation, etc.. La loi de finances pour 2018 élaborée durant l’été portait encore la marque de François Hollande, celle de 2019 sera celle du nouveau pouvoir. Ce dernier sera attendu sur le périmètre de l’Etat, les embauches de fonctionnaires, la remise à plat de certaines aides. Il ne pourra pas compter sur les plus-values fiscales. Il ne pourra pas non plus indéfiniment demandé aux collectivités locales de réaliser les économies que l’Etat ne fait pas. Le projet de financement de la sécurité sociale pour 2019 constituera un deuxième rendez-vous. En effet, il sera difficile de reporter la réforme de l’assurance maladie. Aujourd’hui, la Sécurité sociale est un véritable jeu de bonneteau. Les pertes sont mises sous le tapis en particulier ceux des hôpitaux, ce qui constitue une véritable bombe à retardement. Troisième rendez-vous, la réforme des retraites. Le gouvernement avance masqué en mettant en avant la consultation, la concertation ;mais, il faudra un jour ou l’autre sortir du bois et préciser les contours de ce big bang. Il ne faudrait pas que les Français apprennent que cette réforme vise avant tout à diluer les retraites du secteur public dans le nouveau régime universel, permettant à l’Etat d’économiser de nombreux milliards d’euros.

Ce budget 2019 n'est-il pas l'opportunité pour Emmanuel Macron de sortir de cette ambiguïté, d'assumer ainsi un clivage gauche-droite plus évident, ou de la notion qu'il a lui même mise en avant entre vieux et nouveau monde ? Quel est le réel enjeu pour Emmanuel Macron ?

Après un budget pour rien ou presque, celui de 2019 est celui à ne pas manquer. C’est la loi de finances de milieu de mandat. Elle fixe le cadre de l’action du pouvoir d’ici 2022. C’est la dernière à être établi hors période électorale.
Emmanuel Macron devra confirmer que la France s’engage réellement dans l’assainissement des comptes et tourne le dos à la facilité ou aux illusions d’optique permises par la croissance. Pour cela, il faudra comme l’a préconisé la Cour des Comptes s’engager dans un véritable programme d’économies. Le Président devra montrer qu’il est capable de résister aux lobbys. Sa victoire relative vis-à-vis des syndicats de la SNCF lui ouvre la voie pour réformer plus en profondeur l’Etat. Pour cela, il devra veiller à ce que ses mesures apparaissent équitables. Il ne faut pas être « dans le même temps », il faut être « juste et efficient ». L’objectif n’est pas de leurrer les Français en manipulant le gouvernail mais d’avoir une ligne. A force de regarder à gauche et à droite, le risque est de faire du surplace. L’impopularité est inévitable pour les gouvernants mais elle devient insupportable quand elle n’est que la traduction d’une impuissance.

Au regard de la tendance politique actuelle, quels sont les arbitrages qui pourraient être effectués par le gouvernement ? Le plus grand péril pour Emmanuel Macron ne serait-il pas justement de tenter de préserver cette image du "en même temps" ? 

Le Président de la République est plus libre que ses prédécesseurs vis-à-vis des différents réseaux qui existent en France. En effet, du fait de son âge et de son parcours, il a moins de comptes à rendre aux élus, aux différents corps intermédiaires. Il appartient à la haute fonction publique. Il a occupé des fonctions en cabinet ministériel et à l’Elysée. Il a fait un passage rapide dans la banque d’affaires. Il n’a jamais été élu local. Il n’a jamais été député ou sénateur. En cela, il n’est pas un héritier de l’ancien monde. En revanche, il a hérité de la prudence de la haute fonction publique. Il avance de biais, il ruse. Du nouveau monde, celui de la génération Y, de celle du digital, il a repris l’individualisme et l’omniscience qu’offre Google. Mais au-delà des postures, le Président devra trancher d’ici l’automne sur l’organisation de l’Etat, sur les effectifs, sur le rôle et place des aides sociales. Le « en même temps » est bien commode mais n’est guère opérationnel en période de gros temps. Les Français souhaitent un pouvoir qui s’affirme, qui assume. En 2022, si Emmanuel Macron est à nouveau candidat, il ne pourra pas se contenter de mettre en avant le « en même temps ». Il sera jugé sur son bilan. Evidemment que l’extrême gauche soulignera les mesures favorables pour les riches. S’il n’a pas de résultats en réponse, le Président sera dans les cordes.

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