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LR : y-a t-il encore quelqu’un ayant le courage ET le sens politique pour empêcher la dérive anti libérale du parti ?
©ERIC FEFERBERG / AFP

Pilote dans l'avion

Après l'éviction de Virginie Calmels et les déclarations de Guillaume Peltier sur l'augmentation du SMIC, une confusion générale semble régner sur les sujets économiques. Qui pourrait donc avoir l'autorité et le sens politique nécessaires au sein du parti pour clarifier la ligne économique ?

Guillaume Tabard

Guillaume Tabard

Guillaume Tabard est rédacteur en chef et éditorialiste au Figaro. 

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Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Atlantico : Entre l'éviction de Virginie Calmels et les déclarations de Guillaume Peltier sur l'augmentation du SMIC jusqu'à 20%, on a le sentiment d'une confusion générale sur les sujets économiques et d'un certain rejet du libéralisme. Qui pourrait selon vous, avoir l'autorité et le sens politique nécessaires au sein du parti pour clarifier la ligne économique ?

Erwan Le Noan : Depuis 2007, quand Nicolas Sarkozy avait été élu sur un projet de « rupture », la droite évoluait, non sans hésitation et difficultés, autour d’un projet visant à essiner un équilibre économique et social susceptible de prendre le relai de l’Etat-Providence en faillite. Ce processus n’était probablement pas parfaitement conscient, mais alors que la gauche avait un discours de préservation et de renforcement de ce modèle coûteux, la droite était plutôt sur l’esquisse d’une autre vision, appuyée sur une baisse des dépenses publiques et la promotion de l’économie de marché.
Depuis qu’il est Président de LR, Laurent Wauquiez semble avoir adopté une ligne radicalement inverse : il a d’abord dénoncé la concurrence pendant sa campagne (à Strasbourg), il a ensuite dénoncé sur France 2 les baisses d’impôt au prétexte qu’elles serviraient « les riches » (le nouvel ennemi de la droite, visiblement…), etc. Voilà maintenant que son vice-président prône l’augmentation du SMIC de 20% et reprend la rhétorique des extrêmes (s’indignant des « cadeaux » fiscaux aux « puissants », etc.) ! Même le PS n’oserait pas. En somme, toute une partie de son discours consiste à revenir sur les propositions d’inspiration libérale de la droite. Or, c’est spontanément lui qui devrait être en charge de définir la ligne…
Pour consolider leur doctrine, Les Républicains pourraient s’inspirer de ce que font leurs homologues ou concurrents, en France et à l’étranger : consulter les militants, les sympathisants, les citoyens. Pas uniquement dans un sondage factice, mais en reconstruisant un parti politique par la base plutôt que par le haut. Ce serait à ces sympathisants / militants / citoyens intéressés de définir la ligne. Il n’est pas certain qu’elle soit celle que définissent actuellement Laurent Wauquiez et Guillaume Peltier.
Guillaume Tabard : On observe une double tension sur le ligne économique des LR. La première est historique et a toujours été partagée entre une sensibilité libérale assumée, et une ligne plus étatiste et méfiante envers le libéralisme pur. Au fil des années, la vision libérale a pris le dessus, la droite a défendu la liberté d'entreprendre, l'assouplissement des réglementations et la baisse de la pression fiscale sur les entreprises. Même si dans les faits, les mesures adoptées par la droite quand elle était au gouvernement ont été plus timorées que dans les discours.
Le deuxième tension concerne la politique menée par Emmanuel Macron. C'est une politique libérale sur laquelle les LR ont des difficultés à s'opposer puisque le gouvernement applique des mesures prônées par la droite elle-même lors des présidentielles. C'est un vrai défi pour elle, d'où la tentation d'aller chercher des arguments non- libéraux.

Quelles personnalités pourraient intervenir dans ce débat et affirmer un projet qui intègre des idées libérales ? Valérie Pécresse et Xavier Bertrand le pourraient en théorie, mais ne le font pas. Selon vous, Nicolas Sarkozy peut-il jouer ce rôle ?

Erwan Le Noan : Valérie Pécresse et Xavier Bertrand sont, clairement sur des lignes différentes de celles de Laurent Wauquiez. Ils ont toutefois fait le choix, par intérêt ou par stratégie, de se concentrer sur leurs mandats régionaux : leur priorité (et qui peut le leur reprocher ?), ce n’est pas de se perdre en débats stériles au niveau national, c’est d’agir pour engranger des résultats et un bilan positif au niveau local. Ils ne sont pas seuls : c’est le cas de nombreux élus LR fatigués des querelles nationales. En somme, d’ailleurs, LR vit ce que le PS a connu entre 2002 et 2012. 
En outre, si Valérie Pécresse et Xavier Bertrand sont réformateurs / réformistes, il n’est pas certain qu’ils soient pour autant « libéraux ». Le ibéralisme n’est pas nécessairement leur source d’inspiration ni de référence, et ils ne semblent pas le revendiquer comme piste d’action.
Quant à Nicolas Sarkozy, ce n’est pas lui faire offense que de considérer que sa vie n’est plus consacrée à la politique.
La difficulté pour les LR c’est qu’aucune personnalité n’émerge qui semblerait, de façon claire, susceptible de porter un nouveau souffle. C’est normal : nous sommes à peine un an après une déroute historique et de très grande ampleur, qui a balayé une génération ou deux de représentants politiques – lesquels avaient pris soin de faire le ménage derrière eux pour ne pas avoir de concurrents. Le résultat est qu’aujourd’hui il n’y a plus personne.
Guillaume Tabard : Je ne crois pas à un retour de Nicolas Sarkozy et par ailleurs l'objectif des LR aujourd'hui c'est plus de s'opposer à Macron que de proposer un programme économique. Le discours de Laurent Wauquiez se focalise sur la hausse de la dette, les prélèvements obligatoires, la hausse des impôts et la dépense publique que Macron n'a pas endiguée. Les questions de programme économique ne sont pas à l'agenda, c'est surtout les questions politiques qui structurent le parti aujourd'hui. Sur ces sujets, il y a une entente avec les courants de Valérie Pécresse et Xavier Bertrand.

Les LR peuvent-ils attendre les élections européennes pour décider de leur programme politique et économique ? L'accélération actuelle peut-elle les conduire à agir vite ?

Erwan Le Noan : Tels qu’ils se comportent, les LR peuvent attendre les européennes, les régionales, les municipales et même la présidentielle de 2022 : ils n’ont aucune ligne, aucune envie d’en avoir une qui rassemble et ils se préparent donc à de lourdes mais évidentes défaites au niveau national (ou à une victoire par accident qui ne leur permettra pas de gouverner). Au niveau local, ce sera différent, de nombreux élus ayant choisi de s’y consacrer et s’y replier compte tenu de la médiocrité du débat national. 
Pour gagner une élection et surtout réussir un mandat, il faut avoir gagné avant la bataille des idées, pour emporter les électeurs avec soi. En leur présentant une ligne construite, robuste, cohérente. Quand on voit que les LR sont capables d’osciller entre un discours d’inspiration libérale d’un côté et un « néo-communisme » d’un autre côté (selon Guillaume Larrivé dénonçant les propositions de Guillaume Peltier), on peut avoir de sérieux doutes sur la capacité de la droite de remonter d’ici 2022…
Si la droite veut reprendre la voie des victoires électorales et tenter d’être prête en 2022, elle doit travailler dès maintenant en urgence à travailler une ligne cohérente
Guillaume Tabard : Les instances dirigeantes des LR travaillent leurs discours sur les sujets politiques actuels  : l'identité, les valeurs morales, la place de la France dans l'Europe et bien sûr les questions liées à l'immigration. C'est le socle qui permet de rassembler les différents courants et de construire un consensus idéologique. Laurent Wauquiez n'a pas intérêt à aller sur le terrain des questions économiques face à Macron, les aborder par la critique, par la défense des classes moyennes et par les excès de la mondialisation.

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