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LR post Calmels : les forces (et la faiblesse) de Valerie Pécresse (et de Xavier Bertrand)
©ERIC PIERMONT / AFP

L'autre droite

Etre libéral et de droite, européen, mais se différencier d'Emmanuel Macron. C'est là la ligne de crête empruntée par Xavier Bertrand et Valérie Pécresse.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Valérie Pécresse et Xavier Bertrand semblent proposer tous deux une ligne politique permettant de consolider une base électorale de droite, non acquise à Emmanuel Macron, et ce, sans tourner le dos au libéralisme et à la question européenne. Comment évaluer le potentiel électoral d'une telle ligne ? Dès lors comment expliquer cette difficulté apparente à la mettre en place politiquement ​ ?

Jérôme Fourquet : Il faut partir d'un constat qui est partagé aujourd'hui ; une recomposition politique sans précédent a eu lieu à l'issue de la présidentielle et des législatives, un big bang politique qui s'est soldé par l'émergence d'un bloc central macronien et qui a déstabilisé les deux partis traditionnels de gouvernement, le PS et les LR. Pour ce qui est des LR, cela est allé plus loin puisqu'une partie de ses cadres dirigeants a rejoint le gouvernement avec armes et bagages, Edouard Philippe, Bruno Le Maire et Gerald Darmanin. D'autres sont aujourd'hui plus ou moins satellisés, comme Agir, et certains préparent et négocient un ralliement au moment des européennes - sujet majeur sur lequel les convergences existent - voir derrière pour les municipales.

Concrètement, cette force d'attraction du macronisme sur l'électorat de droite se lit sur les sondages, notamment ceux de l'IFOP, qui montrent qu'en terme de popularité, Emmanuel Macron est proche des 50% de satisfaits (40-45-50 selon les enquêtes) parmi les gens qui se déclarent encore aujourd'hui sympathisants LR. Donc ce ne sont pas d'ex-électeurs de droite qui auraient rallié Emmanuel Macron, ce sont des gens qui se disent LR et qui pour autant se disent satisfaits. On a jamais connu une telle situation. Un an après l'élection de François Hollande, seuls 2 ou 3% des sympathisants de l'UMP étaient satisfaits. A l'inverse, une année après l'élection de Nicolas Sarkozy, la même proportion d'électeurs PS étaient satisfaits. Il y a aujourd'hui une porosité manifeste entre toute une partie de la droite qui a rallié ou qui trouve qu'il faut soutenir au moins ponctuellement Emmanuel Macron et la majorité en place. En nommant deux ministres de droite à Bercy et un à Matignon, en menant un agenda de réformes libérales en matière économique, en nommant Jean-Michel Blanquer à l'éducation avec un discours anti-pédagogiste, et en ayant Gerard Collomb à l'intérieur sur une ligne de fermeté républicaine, cette nouvelle majorité n'a eu de cesse depuis un an d'essayer d'accroître cette faille au sein de l'électorat de droite pour le faire définitivement éclater et en capter toute une partie. Cela est la situation qui s'impose à tous.

Partant de là, il existe deux lignes de lecture et deux paris qui doivent être faits stratégiquement. Celui de Laurent Wauquiez est de dire que ces gens là sont partis ou ont vocation à partir et qu'on ne pourra pas les retenir, il faut donc élargir sur la droite pour y retrouver les électeurs qui ont été perdus au centre.

Puis il y a le pari de Valérie Pécresse et d'une certaine manière de Xavier Bertrand qui est de ne pas vouloir se résigner à ce que la droite républicaine perde tout un pan de son électorat modéré, juppéiste pour faire court. Il faut donc faire en sorte d'ouvrir les yeux de cet électorat et le faire revenir dans le giron des LR. Le constat est donc le même et les deux paris stratégiques sont différents. L'avenir dira qui a raison mais force est de constater que derrière un slogan choc utilisé par Valérie Pécresse "Ni Buisson, Ni Macron", il se pose quand même la question de la déclinaison et de la mise en musique concrète de cette ligne pour retenir l'électorat modéré qui est très sensible aux sirènes macroniennes. Cet électorat est aujourd'hui minoritaire au sein des droites. Si on se base sur la primaire de la droite avec 4 millions de votants, et en ne prenant que les électeurs de droite qui ont voté, nous avons un rapport de force proche de 75/25 en faveur de François Fillon contre Alain Juppé. Même si François Fillon et Laurent Wauquiez n'ont pas la même ligne, on peut penser que nous sommes encore dans ce rapport de force là aujourd'hui, parmi ceux qui se disent de droite, sachant que toute une partie des plus modérés ont déjà quitté le navire. Mécaniquement, ils sont moins nombreux. Valérie Pécresse et Xavier Bertrand avaient fait ce même constat en ne se présentant pas à l'élection des LR, même si les scores auraient été moins caricaturaux.

​​Faut-il y voir une difficulté liée à des positions politiques qui semblent se construire, en opposition à Emmanuel Macron d'une part, et en opposition à Laurent Wauquiez d'autre part ? Une telle ligne politique ne bénéficierait elle pas d'une définition réellement positive, et non en négation par rapport aux autres forces en présence ?

La question est celle de la capacité de ces personnalités à faire revenir dans leur électorat la moitié qui se dit satisfait de Macron. Comment donner de la consistance à la ligne "Ni Buisson, Ni Macron" ? Le paradoxe est de refuser de se droitiser tout en étant sans concession avec Emmanuel Macron. La question est alors de savoir ce qui peut être fait concrètement, notamment à l'occasion des européennes. Que se passera-t-il quand, assez probablement Alain Juppé ou Jean-Pierre Raffarin apporteront leur soutien à la liste En Marche ? Que diront Valérie Pécresse et Xavier Bertrand ? Feront-ils leur propre liste ou est ce qu'ils en soutiendront une, entre LR et LREM, et laquelle soutenir ? A un moment, il faudra choisir, et se définir sur la question européenne. Un an après, il y aura un autre moment de vérité avec les municipales. Que dira Valérie Pécresse à Paris, alors que toute une partie de la droite parisienne est macron-compatible ? (Et que tout le monde se regarde pour savoir s'il n'y a pas moyen de faire battre Anne Hidalgo en ayant un front commun rassemblant la droite et En Marche). Beaucoup de ceux qui sont proches de LREM sont compatibles avec Valérie Pécresse. Que se passera t il pour elle qui est patronne de la région Île de France au moment des municipales à Paris ? Cela est donc très compliqué. Si on regarde du coté d'Agir, avec Franck Riester, on ne sait pas s'il est déjà parti ou s'il est encore là. On comprend bien l'ambition de Valérie Pécresse et de Xavier Bertrand, mais on ne sait pas encore comment faire concrètement pour garder cet électorat-là qui, encore une fois, est très fortement aimanté dans un calendrier qui joue en faveur d'Emmanuel Macron. Les européennes vont jouer un rôle centrifuge puis les municipales qui vont également avoir un effet, notamment avec des personnalités comme Arnaud Robinet à Reims ou Christian Estrosi à Nice.

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