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Guerre commerciale : pourquoi les barrières imposées par Donald Trump à la Chine risquent de produire l’effet inverse à celui recherché
©JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Excès d’épargne chinois

La structure économique chinoise, avec une consommation fragile, pourrait réagir inversement aux objectifs recherchés par Donald Trump, c'est à dire une croissance plus importante des importations chinoises en provenance des Etats Unis.

Christopher Dembik

Christopher Dembik

Avec une double formation française et polonaise, Christopher Dembik est diplômé de Sciences-Po Paris et de l’Institut d’Economie de l’Académie des Sciences polonaise. Il a vécu cinq ans à l’étranger, en Pologne et en Israël, où il a travaillé pour la Mission Economique de l’Ambassade de France et pour une start-up financière. Il est responsable de la recherche économique pour le Groupe Saxo Bank. 

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Atlantico : Alors que la guerre commerciale opposant Chine et Etats-Unis suit son cours avec l'annonce par l'administration Trump de la mise en place de droits de douane de 25% sur 50 milliards de dollars d'importations en provenance de Chine, quels sont les risques de voir cette pratique avoir des résultats opposés à ceux recherchés ? En quoi la structure économique chinoise, avec une consommation fragile, pourrait réagir inversement aux objectifs recherchés par Donald Trump, c'est à dire une croissance plus importante des importations chinoises en provenance des Etats Unis ? 

Christophe Dembik : La « guerre commerciale » est un jeu à somme nulle. Personne n’en sortira gagnant. L’attitude la plus sage serait même, dans une certaine mesure, de ne pas sur-réagir en imposant à son tour des mesures protectionnistes qui pourraient entrainer de nouvelles représailles et, au final, un cercle vicieux impactant négativement la commerce internationale et, par corollaire, la croissance mondiale. 

L’une des accusations assez régulières de l’administration Trump, pour légitimer son action, est de souligner que la Chine dévalue abusivement sa monnaie afin de soutenir le secteur des exportations et donc son économie. C’est faire complètement abstraction de la rapide transformation à l’oeuvre de l’économie chinoise. La part de l’investissement en pourcentage du PIB a chuté d’un point haut de 47% en 2013 à 43% fin 2017 tandis que la part de la consommation a augmenté de 36% à 39% sur la même période. A terme, si la Chine suit l’évolution des autres économies émergentes, on peut anticiper que la part de l’investissement chute vers 35% et que la part de la consommation se rapproche de 50%, ce qui implique d’importantes réformes à mener. 

En outre, le modèle tourné vers les exportations est désormais moins crucial pour l’économie. Les exportations ne représentent plus que 18% du PIB chinois contre près de 35% en 2007. Pour l’année dernière, les exportations nettes n’ont contribué qu’à hauteur de 9% à la hausse du PIB, ce qui montre bien qu’elles ne sont plus le moteur principal de la croissance chinoise. Ces résultats n’ont pas été faciles à obtenir et il est peu probable que la Chine décide de faire marche arrière, tant les sacrifices consentis ont été importants. Ce qu’ont bien compris les autorités chinoises, c’est que plus ce processus de transformation de l’économie prendra du temps, plus la question de la soutenabilité de la dette du pays sera problématique. Les turbulences commerciales actuelles ne changeront rien à la voie tracée par la Chine qui consiste à poursuivre rapidement la montée en gamme, à être moins dépendant des exportations et à développer un vaste marché de consommation autour d’une classe moyenne qui a pu se développer grâce à la mondialisation économique et financière. 

Alors que l'épargne chinoise qui était massivement investie par le passé dans des obligations américaines, celle ci s'est aujourd'hui réorientée vers l'investissement dans le pays. Quelles sont les conséquences d'un tel mouvement et quelles sont les fragilités d'un tel modèle ? 

La Chine alterne avec le Japon comme premier détenteur de bonds du Trésor américain. Lorsque la question de la « guerre commerciale » a commencé à apparaître, certains analystes soulignaient que la Chine pourrait réagir en décidant de réduire ses rachats d’obligations souveraines des Etats-Unis. Il s’agit d’une thématique qui existe sur les marchés depuis un certain temps et qui ressurgit régulièrement. A l’automne 2017, une rumeur de ce type véhiculée par Bloomberg avait créé une mini-panique sur le marché des changes et le marché obligataire américain jusqu’à ce qu’il y ait un démenti chinois. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la Chine, à marche forcée, va continuer à racheter la dette américaine car, sur le marché, il s’agit d’un actif valeur refuge. On peut même dire qu’il n’y a quasiment pas de meilleur valeur refuge. Par conséquent, on ne va pas assister à un revirement du jour au lendemain. La Chine va certainement chercher à diversifier ses rachats, en misant sur l’or, ou même de manière plus marginale d’autres monnaies émergentes mais, à l’heure actuelle, il faut bien comprendre que le système financier international tourne autour du dollar américain et des actifs américains. C’est un système qui est fragile car il repose sur la confiance qu’ont les détenteurs de dette américaine qu’ils seront un jour remboursé. Vu l’accroissement massif de la dette des Etats-Unis, qui va connaître un bond du fait des mesures fiscales décidées par Trump en début d’année, on voit ressurgir la crainte d’un défaut de paiement des Etats-Unis. Cependant, il s’agit d’un fantasme et lorsqu’on regarde en détail, on voit très bien que les obligations américaines restent encore attractives, a fortiori dans le contexte de remontée des taux actuel.

Quelles seraient les solutions permettant une correction des déséquilibres actuels, et qui permettraient des résultats acceptables pour les deux acteurs ? Comment cette guerre commerciale pourrait aboutir à une entente gagnante-gagnante ? 

Les déséquilibres commerciaux qu’on constate, et qui ne reflètent pas dans le cas de la relation bilatérale Chine et Etats-Unis une dévaluation du yuan, est inhérente au système financier et monétaire international tel qu’il existe. Les Etats-Unis, en tant que première puissance mondiale, sont une économie tournée vers la consommation et la dette qui a besoin pour continuer de fonctionner normalement d’être financée massivement par les pays ayant des excédents, comme beaucoup d’économies émergentes. Il est donc aberrant pour les Etats-Unis de se focaliser autant sur le déficit de la balance commerciale qui demeurera dans tous les cas important tant que le système mondial permettra de financer l’endettement des ménages américains. A moyen-terme, on peut toutefois parier sur une accalmie des tensions. N’oublions pas qu’une grande partie des actions menées par Trump ont des visées intérieures afin que les Républicains gagnent les élections de mi-mandat prévues en novembre prochain. Il y a un an de cela, personne n’aurait cru que les Républicains pourraient ressortir gagnants largement de cette échéance électorale et, pourtant, grâce à Trump, c’est ce qui se produit. Même si j’ai tendance à croire que Trump est fondamentalement protectionniste (il l’avait laissé entendre lors de diverses interviews données déjà dans les années 80), il a parfaitement conscience aussi qu’il va avoir besoin de la Chine. D’ailleurs, il a certainement bien compris qu’il est plus aisé de négocier avec Pékin qu’avec les Européens. Je parie sur un règlement amiable des tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis qui pourrait encore se faire au détriment des Européens qui apparaissent souvent peu crédibles et faibles pour les Américains. 

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