L’autre intelligence artificielle : pire que la menace des super ordinateurs, les mini-cerveaux que développent de scientifiques en laboratoire ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
High-tech
L’autre intelligence artificielle : pire que la menace des super ordinateurs, les mini-cerveaux que développent de scientifiques en laboratoire ?
©DIARMID COURREGES / AFP

Matière grise

Des laboratoires expérimentent la conception de mini-cerveaux organiques, une technique censée concurrencer l'intelligence artificielle des ordinateurs.

Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
Voir la bio »

Atlantico : Comment les chercheurs sont-ils parvenus à la fabrication de mini-cerveaux organiques ?

Laurent Alexandre : Fabriquer des minis cerveaux organiques c’est faire pousser des cellules en éprouvettes. On maîtrise cette science puisqu’on arrive à faire pousser à partir de cellules souches, de petits bouts de cerveaux.

On a donc récemment franchi une étape supplémentaire. Le premier décodage du génome de l'homme de Néandertal séquencé en 2010 a été mine d'informations sur l'évolution humaine récente, a été exploitée et le sera durant les années à venir. Aujourd’hui on est en train de fabriquer de “minis cerveaux” modifiés, à partir de cellules souches d’Homo Sapiens, dans lequel les scientifiques incorporent des morceaux d’ADN de Néandertal, pour voir comment fonctionne le tissus neuronal, cérébral de nos ancêtres... Ce qui effraie les conservateurs.

Quels sont les domaines d'application potentiels de cette variante d'intelligence artificielle, au sens où elle est également fabriquée ?

Je qualifierai ces “minis cerveaux” de manipulation biologique. Ils sont pour l’heure simplement utilisés pour comprendre le cerveau, et saisir ce qui différencie notre cerveau de nos ancêtres, nos cousins, qui ont disparu; ce qui contribue à mieux comprendre la spécificité de l’Intelligence humaine par rapport à l’Intelligence animale. C’est effectivement l’unique domaine d’application que nous maîtrisons réellement. Mais dans un avenir proche, ces fonctions seront largement multipliées.

En quoi ces "mini-cerveaux " sont-ils complémentaires à l'intelligence humaine?  Quelles fonctions et quelles tâches pourront-ils effectuer ?

Ils ne sont pas destinés à produire de l’Intelligence, ils sont destinés à comprendre le mécanisme cérébral, le fonctionnement électrique et le fonctionnement biochimique du cerveau de nos ancêtres et cousins” et de l’approcher. Cela ne produit pas “d’idées”. Par ailleurs, ces cerveaux sont détruits. Ces cerveaux sont purement “in vitro”, autrement dit, en éprouvette.

Ces cerveaux sont destinés à être évalués pour comprendre les différences biologiques qui existent entre nos cerveaux et ceux des autres groupes d’hommes qui ont disparus et qui ne sont plus présents sur Terre aujourd’hui car ces groupes d’hommes entre autres, les Homo Sapiens, donc l’Homme que nous connaissons aujourd’hui et les autres groupes. Il y en a eu des dizaines qui ont tous disparu comme le Néandertal que l’on commence à connaître un petit peu puisque nous l’avons également séquencé.

Au plan éthique, quelles sont les  questions posées par cette technologie ? Sont-elles du même ordre que celles qui se posent avec le développement de l'intelligence artificielle ?

On a une première interrogation : pour le moment il s’agit de “petits bouts de cerveaux” mais si on arrive à faire de plus gros cerveaux, n’y aura-t-il pas un moment à partir duquel ces organoïdes ne pourraient-ils pas ressentir la douleur, des sentiments ? Ces cerveaux en éprouvette pourraient-ils souffrir ? Pour l’instant, personne ne peut répondre à cette question.

A t'on le droit de les brûler, après chaque expérience ou toutes formes de tissus neuronal humains doit-il être préservé ? Cette polémique se rapproche de celle des embryons surnuméraires et ont rejoint ainsi toute une problématique autour de l’avortement. A t'on le droit de tuer un morceau de cerveau en éprouvette ? Ce sont des questions complexes aux avis tranchés entre les bio-conservateurs et les bio-progressistes entre les croyants et les athés. Il existe une divergence extrêmement forte d’appréciation. On a pas achevé la lutte pour déterminer le statut des cerveaux en éprouvette.

La question d’éthique concernant l’Intelligence Artificielle n’a actuellement aucun rapport. Mais si dans quelques décennies, les chercheurs développent une forme d’Intelligence Artificielle capable de s’émouvoir, on pourrait se retrouver dans la même situation éthique. Pourrait-on débrancher une Intelligence Artificielle qui a des sentiments ? On pourra bientôt, peut-être se poser des questions communes, en effet entre les Intelligences Artificielles dotées de conscience artificielle et les cerveaux “in vitro”.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !