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La Bavière veut sa révolution conservatrice
©CHRISTOF STACHE / AFP

Allemagne

Markus Söder, le ministre-président de la Bavière, membre du parti conservateur CSU, multiplie les polémiques sur l'identité allemande. Dernière mesure en date, il a demandé que des crucifix soient apposés sur tous les édifices publics, prétextant qu'il s'agissait d'une tradition.

Jérôme Vaillant

Jérôme Vaillant

Jérôme Vaillant est professeur émérite de civilisation allemande à l'Université de Lille et directeur de la revue Allemagne d'aujourdhuiIl a récemment publié avec Hans Stark "Les relations franco-allemandes: vers un nouveau traité de l'Elysée" dans le numéro 226 de la revue Allemagne d'aujourd'hui, (Octobre-décembre 2018), pp. 3-110.
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Markus Söder, le ministre-président de la Bavière, membre du parti conservateur CSU, multiplie les polémiques sur l'identité allemande. Dernière mesure en date, il a demandé que des crucifix soient apposés sur tous les édifices publics, prétextant qu'il s'agissait d'une tradition. Que penser de cette initiative ?

Jérôme Vaillant : Sur décision du ministre-président bavarois, Markus Söder, toutes les administrations bavaroises sont, en effet, censées, depuis le 1er juin, suspendre dans leur entrée un crucifix en signe d’appartenance à l’occident chrétien.  Ne sont pas soumis à cette réglementation les universités, les théâtres et les musées ainsi que les administrations fédérales domiciliées en Bavière. Enfin, cette réglementation ne donnera pas lieu à des contrôles. C’est  dire que c’est essentiellement un coup médiatique à visée électoraliste dont il est prévisible qu’il restera sans grand lendemain puisque, par décision du 16 mai 1995, le Tribunal fédéral constitutionnel a jugé que l’Etat devait s’imposer une neutralité en matière religieuse dans le respect de la pluralité des religions et précisé qu’un crucifix n’était pas un simple symbole culturel défendant les valeurs d’humanité et de miséricorde mais était le symbole d’une religion particulière. Il avait, à ce titre, annulé un précédent décret bavarois imposant de suspendre des crucifix dans les écoles, interdiction qui n’a pas toujours été suivie, tant qu’élèves ou parents ne protestaient pas. Le cardinal Marx, archevêque de Munich et président du synode des évêques catholiques d’Allemagne, ne s’y est d’ailleurs pas trompé quand, dans un entretien accordé au magazine Der Spiegel (Spiegel online du 3 mai 2018)  il a reproché au ministre-président bavarois d’instrumentaliser la croix à des fins politiques. Quant à son homologue de Bade-Wurtemberg, Winfried Kretschmann, du parti Les Verts, il n’a pas hésité à le railler en le comparant, avec son crucifix à la main, à un « chasseur de vampires ! »

L'extrême droite anti-musulmane est en plein essor dans le pays, la CSU a-t-elle peur de perdre une part de son électorat ? Depuis la décision annoncée par Angela Merkel d'accueillir plus d'un million de réfugiés, les dirigeants bavarois ont-il su tirer parti de leur conflit avec la chancelière? Quel est le rapport de force entre la CSU, la CDU et l' AfD aujourd'hui ?

Fraîchement élu ministre-président bavarois en remplacement de Horst Seehofer,  Markus Söder, a en effet, des élections régionales à gagner. Celles-ci sont prévues le 14 octobre et la CSU qui n’a, en 2013, remporté la majorité des sièges au parlement de Munich qu’avec 47,7% des voix  n’est nullement assurée de défendre cette année sa majorité, elle aura sans doute besoin d’un partenaire pour se maintenir au pouvoir.

Lors du sondage le plus récent (17.05.2018) la CSU était créditée de 42% des intentions de vote, le SPD de 13% (ce qui représenterait pour lui une perte de près de 8 points) , les Verts de 12 %  (gain de plus de 3 points) et l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) de 13%. Les libéraux pourraient être à nouveau représentés au parlement bavarois mais, avec 5% des intentions de vote, rien n’est moins sûr. Restent les associations indépendantes d’électeurs (7%) qui pourraient faire l’appoint.

La CSU espère regagner des électeurs de l’AfD par une campagne électorale agressive, en affichant en particulier les valeurs conservatrices de l’Occident chrétien. Horst Seehofer, actuel ministre fédéral de l’Intérieur et président de la CSU, a pris le contrepied de la chancelière quand, dans la tradition de l’ancien président fédéral Wulff, elle a estimé que l’Islam avait sa place en Allemagne.  Il s’est contenté de dire que les musulmans y avaient leur place. Pendant les négociations du contrat de coalition avec le SPD comme pendant les mois précédant les élections fédérales du 24 septembre 2017, H. Seehofer n’a pas cessé de s’opposer à elle sur la question migratoire et obtenu quasiment gain de cause sur l’introduction d’un seuil  annuel pour les migrants. L’AfD pourtant n’est pas en plein essor, les intentions de vote en sa faveur au plan fédéral tournent autour de 13-14% pour un résultat le 24.09.17 de 12,6%.  Mais l’AfD est un parti susceptible d’enregistrer des gains soudains dès que la question migratoire revient sur le devant de la scène, comme c’est actuellement le cas à l’occasion des manquements reprochés à l’Office fédéral de gestion des migrants  (BAMf) qui aurait dans l’urgence accordé le droit d’asile à un trop grand nombre de migrants.  La question migratoire fait, en tous cas, que la CSU dispose d’un fort potentiel de pression sur son parti frère la CDU, mais elle doit également composer avec le SPD et ne peut perdre de vue les garanties que la Constitution accorde en Allemagne à la liberté religieuse.

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