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Tic tac, tic tac... et s’il était temps pour la France et l’Europe de s’inquiéter de cette sortie de l’Euro que risque bien de produire le gouvernement italien
©Pixabay - Faumor

Italie

Alors que le nom du nouveau Président du Conseil italien - Giuseppe Conte - vient d'​être validé par le président, Sergio Mattarella, les premières consultations sont en cours afin de former un nouveau gouvernement, issu de l'accord entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot est économiste et chercheur associé à l’IRIS. Il se consacre aux défis du développement technologique, de la stratégie commerciale et de l’équilibre monétaire de l’Europe en particulier.

Il a poursuivi une carrière d’économiste de marché dans le secteur financier et d’expert économique sur l’Europe et les marchés émergents pour divers think tanks. Il a travaillé sur un éventail de secteurs industriels, notamment l’électronique, l’énergie, l’aérospatiale et la santé ainsi que sur la stratégie technologique des grandes puissances dans ces domaines.

Il est ingénieur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), diplômé d’un master de l’Ecole d’économie de Toulouse, et docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Alors que le nom du nouveau Président du Conseil italien - Giuseppe Conte - vient d'​être validé par le président, Sergio Mattarella, les premières consultations sont en cours afin de former un nouveau gouvernement, issu de l'accord entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles. Dans quelle mesure le programme dévoilé pourrait-il aboutir à une sortie de l'Italie de la zone euro ? Quels sont ces éléments qui pourraient provoquer l'étincelle ? Si cette éventualité n'est pas affichée comme un objectif, en quoi le conflit probable qui pourrait s'ouvrir entre Rome et Bruxelles pourrait-il n'être qu'un moyen "déguisé" de cet objectif ?

Christophe Bouillaud : Il convient de rappeler qu’une sortie de l’Italie de la zone Euro n’est pas dans les objectifs immédiats des deux partis qui soutiennent ce gouvernement en formation. Ils n’ont pas d’objectifs d’indépendance nationale au sens fort du terme, et ils ne veulent pas rétablir une monnaie nationale pour affirmer la souveraineté de l’Italie. Par contre, il est dit dans le contrat de gouvernement qu’ils ont établi entre eux, conformément à leurs discours respectifs depuis des années, qu’il faut revoir de fond en comble la manière même de concevoir et de gérer la zone Euro. La volonté de changement est clairement affichée. Ils veulent une rupture nette  au niveau italien d’abord, européen ensuite. C’est pour cette raison que les deux partis, mais surtout la Ligue, insistent encore ce soir pour que l’économiste Paolo Savona soit nommé à la tête du Ministère de l’économie. Ce dernier est présenté par la presse italienne et internationale comme un eurosceptique. C’est à mon sens plutôt inexact : il se trouve que cet économiste de plus de 80 ans, qui a participé au gouvernement Ciampi au début des années 1990, représente plutôt un repenti de l’Euro. Comme il a suivi toute l’affaire de l’unification monétaire européenne depuis les années 1970, en ayant même travaillé à la Banque d’Italie avant de devenir professeur d’Université, et qu’il est certes officiellement critique des critères de Maastricht depuis les années 1990, il représente plutôt la « statue du Commandeur » prêt à entraîner tous les pécheurs de la zone Euro dans l’enfer qu’ils méritent bien selon lui pour ne pas avoir vu les défauts de la construction monétaire dès le début. Paolo Savona, comme l’immense majorité des Italiens éduqués de sa génération qui a connu enfant la fin du fascisme, n’est nullement contre l’idée européenne, bien au contraire. Il est contre la manière de faire l’Euro et de le gérer. De ce fait, le Président Sergio Mattarella, qui n’ignore rien du personnage et qui lui ne veut rien regretter de ce qui a été fait par les dirigeants italiens depuis 1990, veut tout faire pour empêcher sa nomination. Je ne sais pas jusqu’à quel point la direction de la Ligue peut insister pour avoir cette personne – qui ne fait pas partie de l’histoire de la Ligue - à ce poste clé, mais cela pourrait déjà tout remettre en cause.

La première étincelle est donc purement symbolique. Les deux partis en coalition veulent afficher leur vision critique de la zone Euro actuelle à travers le choix de cet économiste. Les autres européens, en particulier les dirigeants allemands et les membres actuels de la Commission européenne, ne veulent surtout pas de ce choix, qui serait une façon pour les nouveaux dirigeants italiens de leur dire clairement qu’ils ont eu tout faux depuis des années.

La seconde étincelle, c’est la réaction des marchés financiers, le fameux « spread ». Si les dirigeants des deux partis qui aspirent à mener ensemble une autre politique que celle prescrite par le « consensus de Bruxelles-Berlin-Francfort » sont confrontés immédiatement à une évolution très négative du « spread », encouragée en plus par les partenaires européens pour les éduquer à l’indépassable vertu de l’équilibre budgétaire, cela peut radicaliser les positions, et donner lieu à un discours sur le mur d’argent qu’on opposerait à la démocratie italienne en acte. Il ne faut pas négliger qu’en Italie, il n’existe plus à l’heure actuelle aucun politicien important et populaire pour défendre vraiment la gestion actuelle de la zone Euro. S. Berlusconi voudrait prendre ce rôle laissé en déshérence, mais qui peut y croire encore ?

La troisième étincelle, c’est la mise en œuvre du contrat de gouvernement signé entre les deux partis, pour autant que ce gouvernement Conte arrive à se former et être investi par les deux Chambres. Il est bien évident d’après tout ce qu’on peut en savoir qu’il s’agit d’un programme de relance très keynésien (baisse des impôts, hausse des dépenses sociales et d’autres dépenses) qui s’oppose totalement à la vision économique des ordo-libéraux – allemands mais pas seulement allemands - et aux engagements européens de l’Italie en matière de réduction de sa dette. Il est tout à fait possible de ce fait que la Commission européenne le juge très négativement et se relance dans une procédure pour déficit excessif contre l’Italie. Cela ne changera rien, tant que les dirigeants italiens pourront financer leur programme dépensier. C’est là qu’intervient l’idée, présente dans les discussions de la nouvelle coalition, d’émettre une sorte de dette publique transférable au porteur (des « mini-BoT »). Surtout, cela veut dire que, si l’Etat italien se trouve à court de financements de marché, les nouveaux dirigeants envisagent ne pas se coucher comme les dirigeants grecs en 2015 – donc d’aller vers une sortie de l’Euro si nécessaire pour mettre en œuvre leur programme.

De ce point de vue, il faut bien se rappeler que l’Italie reste la seconde puissance industrielle de la zone Euro après l’Allemagne. La richesse de l’Italie ne tient pas à son seul  secteur financier comme pour le Royaume-Uni. Une dévaluation massive de la nouvelle lire ne mettra pas en danger une activité économiquement centrale pour le pays, puisque, de toute façon, la vieille lire n’a jamais été une monnaie de réserve à valeur mondiale. Grâce à cette base industrielle, et au caractère encore assez généraliste de l’économie italienne, en cas de sortie forcée de la zone Euro, l’économie italienne pourra continuer à tourner, et, si les marchés européens restent ouverts aux exportations italiennes, il y a même beaucoup de choses à gagner à une sortie de la zone Euro. Certes, cela sera le chaos financier dans un premier temps, les touristes italiens ne pourront plus voyager, en particulier dans le nord de l’Europe resté dans la zone Euro, mais, dans un second temps, certains Italiens peuvent imaginer que tout ira nettement mieux. La menace de sortie est donc plus crédible que celle de la Grèce – sans compter l’arme de destruction financière massive que représente la dette italienne flottante sur les marchés.

Remi Bourgeot : Bien que la coalition populiste italienne ait décidé de rester extrêmement discrète sur le sujet, la sortie de l’euro continue à hanter les débats européens dans le contexte actuel de remise en cause politique généralisée. Les errements incontrôlés de Marine Le Pen avait offert, l’an passé, une illustration de la difficulté à élaborer et à assumer une ligne sur ce sujet pour des politiciens qui ne disposent pas des compétences élémentaires pour affronter une situation financière complexe. 

Dès lors, la question de la sortie de l’euro ne fait guère figure que de spectre intangible dans les rapports de force entre pays. Les réactions en Allemagne au programme de relance par la dépense publique et par des baisses d’impôts présentés par la coalition italienne en témoignent. On note de façon explicite dans les commentaires allemands que le cas italien, quels que soient les mesures proposées par le nouveau pouvoir, ne pourrait pas être traité comme la Grèce du fait de l’importance de l’économie italienne en Europe. A l’été 2015, les responsables allemands étaient prêts à expulser la Grèce de la zone euro ; ce à quoi le gouvernement français avait opposé son véto tacite. La situation est évidemment différente avec l’Italie, du fait notamment non seulement de l’importance de l’Italie mais du moment économique dans lequel se trouve généralement la zone euro. Malgré l’essoufflement actuel de la conjoncture européenne et bien que l’Italie connaisse une situation sous-jacente mauvaise, la zone euro et l’Italie ont joui d’un cycle de reprise économique, et les débats entre gouvernements ne sont plus les mêmes qu’en pleine récession, au moment de la focalisation européenne sur des politiques d’austérité qui sidérait les observateurs mondiaux. 

Aujourd’hui, l’idée d’une relance budgétaire, bien qu’elle se heurte aux règles européennes, ne s’oppose pas à la politique allemande de la façon la plus frontale. De plus, Wolfgang Schäuble n’est plus aux manettes du ministère des Finances, et personne ne le remplace réellement dans son rôle symbolique de gendarme de la zone euro. Il est intéressant de constater que les avertissements les plus stricts sont venus de Paris et non de Berlin.
Surtout, les responsables allemands ont souvent pris prétexte de la situation du secteur bancaire italien pour refuser la mise en place d’une véritable union bancaire (en particulier d’une garantie commune des dépôts). L’arrivée du gouvernement populiste italien clôt le débat initié par Emmanuel Macron de façon très opportune pour Angela Merkel, qui est confrontée à une défiance indépassable de son électorat sur les questions de solidarité financière avec le Sud de la zone euro.
Par ailleurs, les nouveaux maîtres de la politique italienne font le pari de cette relance, au moment où le soutien de la BCE, qui a été crucial pour l’économie italienne, est en voie de disparition. 
L’opposition deviendrait plus frontale en cas de crise financière. Les dirigeants allemands sont certes focalisés sur les règles budgétaires, mais le fond de l’approche allemande repose avant tout sur le rejet de la solidarité financière entre Etats. Cela signifie à la fois que, si les conditions économiques et financières ne se détériorent pas de façon importante en Italie, les tensions politiques entre le gouvernement italien et les autorités berlinoises et bruxelloises ne seront pas exacerbées.
En cas de détériorations des conditions économiques, étant donnée la vulnérabilité du secteur bancaire italien notamment, les relations deviendraient au contraire ingérables.

Comment expliquer la forme d'apathie qui peut exister, aussi bien de la part des représentants politiques européens, mais également à Berlin ou à Paris, que des commentateurs, face à une telle éventualité ? De la Grèce au Brexit en passant par la Catalogne ou la sécession européenne en cours à l'est du continent, comment comprendre le détournement de regard face à une situation qui pourrait s'avérer bien plus lourde encore que ces différents précédents ?

Christophe Bouillaud : Tout d’abord, il y a une sorte de lassitude de la crise finale de la zone Euro et de l’Union européenne maintes fois annoncée et jamais advenue. On parle dans les médias de crise européenne depuis au moins 2010. Cela commence à faire long, et cela peut émousser les réflexes. On finira encore bien par s’en sortir cette fois-ci, doit-on penser en haut lieu.

Puis il y a le fait que toutes ces crises correspondent à des mobilisations préalables des populations européennes par des partis se situant contre l’ordre établi, mobilisations qui reçoivent la sanction des urnes. Or, vu du haut du pouvoir européen, comment les peuples peuvent se tromper à ce point ? Que ce soient les Hongrois, les Polonais, ou les Catalans, ou désormais les Italiens. L’écart entre les aspirations qui s’expriment par ces votes, le plus souvent qualifiés pour les déprécier de populistes, et la vision des dirigeants du bloc central de l’Union devient tel qu’il en devient impensable : cela finit par être « ou la démocratie ou leur projet ». Ils préfèrent évidemment leur projet à la démocratie.

Ensuite, pour revenir au cas italien, en l’espèce, on peut ne pas s’inquiéter parce qu’il est encore possible d’arriver à un compromis raisonnable à la portugaise. Rappelons que ce pays est sorti discrètement de l’austérité, en mettant à sa tête un gouvernement socialiste soutenu par la gauche de la gauche. Cela satisfait tout le monde. Les partisans de l’ordolibéralisme et de l’austérité – dont des lecteurs pointilleux d’Atlantico-  y voient une preuve de la réussite de leur méthode, puisque cette reprise vient après une sévère cure d’austérité. Les partisans de la relance keynésienne – dont je suis- y voient un exemple à suivre. Surtout, comme ce sont des socialistes membres du Parti socialiste européen qui mènent la barque portugaise, personne n’aurait l’idée saugrenue de les taxer d’eurocepticisme. Ce qu’ils font peut être bête ou inutile, mais pas orienté contre l’Europe. De fait, il suffirait d’oublier que le gouvernement italien va être dirigé par deux partis, l’un s’affichant comme eurosceptiques pour la Ligue et l’autre ayant joué avec ces thèmes pour le M5S, pour que tout se passe sans heurts excessifs. Vu l’état de l’économie italienne, un brin de relance keynésienne ne devrait pas faire de mal : les pénuries de main d’œuvre sont tout de même bien loin… Il est d’ailleurs intéressant de voir que la Ligue, le partenaire le plus offensif contre la gestion actuelle de l’Union européenne, fait référence à la bonne entente qui régnait entre Européens avant que les conséquences délétères  du Traité de Maastricht ne se fassent sentir. Cela correspond au fait que même les dirigeants de la Ligue ne veulent pas être ailleurs qu’en Europe, mais dans une autre Europe. Il suffirait donc que les autres Européens ne fassent pas de l’Italie de 2018 un remake de la Grèce de 2015.

Enfin, il me semble que les dirigeants européens préfèrent regarder ailleurs, parce que, si par malheur le pire finissait par arriver, ils n’ont pas la moindre idée de quoi faire ensuite. Autant demander à des membres du PCUS en 1989, ce qu’ils feraient en cas de chute de l’URSS… Ce n’est pas leur rôle que de penser une situation où ils auront tout perdu.

Remi Bourgeot : A de nombreux égards, le cas italien n’est pas singulier. La remise en cause des cadres politiques traditionnels est devenue la règle générale en Europe. Jusqu’à il y a tout juste quelques mois, un certain nombre de responsables politiques et de commentateurs pensaient que l’UE était portée par une nouvelle dynamique sous l’impulsion d’Emmanuel Macron. Ces attentes provenaient néanmoins d’une incompréhension de la dynamique politique générale, en particulier dans le contexte de la crise politique allemande.

Il n’existe pas encore de véritable débat sur les conditions d’une coopération européenne qui permettrait à la fois un rééquilibrage économique entre partenaires et de répondre à la remise en cause politique généralisée que connait le continent, aussi bien en ce qui concerne les institutions nationales que communautaires. La focalisation sur les aspects institutionnels d’une improbable réforme fédérale de la zone euro a retardé cette réflexion qui devrait se concentrer sur les déterminants profonds du développement économique, notamment en ce qui concerne la révolution technologique en cours et la définition du travail dans ce contexte. La focalisation sur la « convergence monétaire » n’a pas seulement détourné l’attention politique des sujets de fond, cela a été un moteur de la divergence entre pays et du déraillement des systèmes politiques. Rappelons que la dette italienne a explosé au cours des années 1980 du fait d’une politique de taux d’intérêts très élevés de la Banque d’Italie qui visait à stabiliser la lire face au mark. Le pays a par la suite fait des efforts de réforme structurelle très importants au début des années 1990 puis a connu un boom après l’explosion du système monétaire européen et la dépréciation qui s’était ensuivi, tout comme au Royaume-Uni. L’Italie a aujourd’hui un niveau de PIB par tête équivalent au niveau de 1999 lorsque le pays a rejoint l’euro.
Le choix des partis politiques traditionnels d’abandonner les débats économiques aux populistes est un élément clé de la crise politique généralisée. On peut débattre de l’opportunité du programme budgétaire de la coalition italienne. On ne peut toutefois que constater l’absence de stratégie économique de fond. Les populistes italiens, comme ailleurs, ne font qu’inverser les termes de la focalisation comptable des partis traditionnels, dans un désespérant jeu de symétrie formelle. A l’instar du débat scolastique entre politiques de l’offre et politique de la demande, le sinistre tête-à-tête entre populistes et technocrates, qui structure désormais la vie politique européenne, est une impasse.

Quelles sont les solutions à envisager dans une telle éventualité ? Comment les Européens pourraient-ils anticiper la situation ? Inversement, quel scénario pourrait-on imaginer, pour le reste de la zone euro, si un "Italexit" venait à se matérialiser ?

Christophe Bouillaud : En ce qui concerne l’éclatement de la zone Euro, ou plus ponctuellement « l’Italexit », si l’impensable finissait donc par arriver, il faut bien se dire que cela sera de toute façon un processus chaotique, conflictuel, rapide, complètement non négocié au départ. Cela ne sera pas le Brexit, mais plutôt une fin brutale en quelques jours. Toutes les unions monétaires qui ont explosé par le passé l’ont en effet fait rapidement, dans le bruit et la fureur – comme, par exemple, l’URSS en son temps, ou bien l’Autriche-Hongrie après 1918. Dans ce cas-là, le plus urgent sera de solder rapidement le passé. Il ne faudra surtout pas rentrer dans une logique « emprunts russes » après 1918, où chacun cherche à récupérer ses avoirs. Des économistes allemands réfléchissent déjà dans de tels termes en cas de rupture de l’Euro, c’est de la pure démence du point de vue politique. Le plus important sera de rétablir rapidement des flux commerciaux normaux entre Etats européens.

Cependant, si l’on imagine un Italexit, ce rétablissement des flux commerciaux entre une Italie hors zone Euro et une zone Euro maintenue risquera de déstabiliser ce qui en restera. Comment lutter contre une industrie italienne redevenue d’un coup très compétitive du point de vue des prix offerts ? Je doute que les autres partenaires faibles – Espagne, Portugal, France – supportent cette concurrence, donc la tentation sera grande de sortir aussi – ou de casser le marché unique en taxant les produits et services italiens.

Quoi qu’il ne soit, l’important pour tous les Européens sera que leurs dirigeants acceptent le fait qu’une erreur a été faite, l’Euro, tout en restant pas encalminé dans les conséquences de cette erreur. Mais, ce seront de toute façon d’autres dirigeants… et sans doute aussi d’autres commentateurs.

Remi Bourgeot :  La seule issue pour l’Europe consiste à recentrer les débats et les décisions politiques sur l’objectif du développement des sociétés européennes. La focalisation sur les seules questions budgétaires, dans un sens comme dans l’autre, éloigne la réflexion des questions de fond, tout comme la réduction du débat économique au suivi des chiffres de croissance d’un mois à l’autre. Nous assistons simultanément à une croissance des inégalités et à une destruction de l’élite par relégation des jeunes générations. Ce phénomène est particulièrement marqué en France, en Italie et en Espagne. La destructuration économique qui se manifeste actuellement est le symptôme d’une désorganisation sociale plus générale. Les mécanismes de création et d’innovation qui irrigue la société sont aujourd’hui à l’arrêt pour des raisons liées notamment au creusement du clivage générationnel. La stratégie de nivellement par le bas, de pure compression des coûts, d’orientation bas de gamme sont la contrepartie de la réduction de la stratégie économique à une forme de convergence comptable. Ce modèle de compression et de déstructuration sociale, qui évoque la pente du sous-développement, est aujourd’hui le principal moteur de l’éclatement européen.

En ce qui concerne le scénario de l’Italexit, une sortie de l’Italie de la zone euro signerait, d’une façon ou d’une autre, la fin de l’union monétaire. L’euro a été conçu comme la monnaie de l’Union européenne. C’était déjà une concession de poids que de reconnaître que certains pays comme le Royaume-Uni, la Suède ou le Danemark, n’adopteraient pas la monnaie « unique ». La sortie de la troisième économie de l’union monétaire n’entraînerait pas automatiquement son démantèlement, mais les débats sur la gestion de l’euro changeraient définitivement de nature et en remettraient en cause le principe de façon irrémédiable.

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