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Plan Borloo : vers la fin de la méritocratie républicaine en banlieue
©JOEL SAGET / AFP

Crise de la cité

Un manque de perspectives et de compréhension qui se matérialisent dans les urnes par une désaffection du politique et la désagréable impression que les sacro-saintes valeurs de la République, répétées à longueurs de journée sur les plateaux télévisés, s’arrêtent à l’entrée de la cité.

Stéphane Tiki

Stéphane Tiki

Stéphane Tiki, ex-président des Jeunes Republicains et Secrétaire National Les Républicains, aujourd'hui Secrétaire général adjoint de DroiteLib, le mouvement de Virginie Calmels. 

 

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Jamais la citation de Jacques Bénigne Bossuet selon laquelle « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes » n’a paru autant correspondre à la gestion politique des banlieues. Près de trois siècles après que l’Évêque de Meaux eut énoncé sa formule dans Histoire des variations des Églises protestantes, le constat, empreint de cynisme et d’ironie, s’applique parfaitement à la réponse apportée par l’État depuis 1977 aux problèmes que rencontrent les habitants de ces territoires. Sentiment d’abandon, clientélisme, assistanat, promesses politiques non tenues, les difficultés qui minent le quotidien des personnes reléguées derrière le périphérique ont rarement trouvé leur solution dans la réponse gouvernementale. Pis encore, celle-ci se résume depuis le premier plan dédié aux banlieues, à ouvrir les vannes de la dépense publique, sans vision pérenne de l’avenir ni aucune ambition concrète, si ce n’est casser ici où là quelques barres d’immeubles et les remplacer par des espaces verts. 

Un manque de perspectives et de compréhension qui se matérialisent dans les urnes par une désaffection du politique et la désagréable impression que les sacro-saintes valeurs de la République, répétées à longueurs de journée sur les plateaux télévisés, s’arrêtent à l’entrée de la cité.

Emmanuel Macron, a donc jugé bon au mois de novembre dernier d’annoncer les grandes lignes de ce que sera la politique de la ville pour les cinq années à venir, avec évidemment une attention toute particulière accordée aux banlieues. Un premier jalon complété la semaine passée par Jean-Louis Borloo, lequel a remis au Président de la République un rapport articulé autour de 19 programmes. 

Ministre délégué à la ville entre 2002 et 2004, l’ancien édile valenciennois avait déjà été force de propositions il y a 15 ans en mettant sur pieds l’Agence nationale de rénovation urbaine. Iconoclaste, il fût également à l’origine de la loi permettant la création de la haute autorité de lutte contre la discrimination et l'égalité des chances (HALDE), conscient des difficultés rencontrées par les jeunes de banlieues au moment de la recherche d’emploi.

Pourtant, sur l’ensemble des propositions formulées dans le rapport « Vivre ensemble, vivre en grand la République », seules quelques-unes semblent aujourd’hui en mesure de répondre efficacement aux besoins des habitants concernés.

Créer les conditions nécessaires à la permanence des valeurs républicaines dans les banlieues

En effet, en teintant son texte d’une philosophie éculée mêlant renoncement de la puissance régalienne et arrangement avec le principe méritocratique, Jean-Louis Borloo acte la fin de l’ambition républicaine en banlieue. Au lieu de normaliser ces territoires en créant notamment les conditions nécessaires à la réussite scolaire des jeunes qui en sont issus, le plan préconise plutôt de les enfermer dans une logique de charité politique. La proposition de créer une « Académie des leaders », accessible sur concours, qui s’adresse uniquement à 500 jeunes de moins de 30 ans par an, est ici le symbole d’une américanisation des politiques publiques à l’encontre des minorités qui se fait au détriment de la méritocratie républicaine. Surtout, elle prend le contre-pied parfait de l’esprit d’entreprendre qui traverse ces territoires et dont de nombreuses structures associatives se sont fait les relais. 

Le rôle de l’État ne doit pas être de vouloir remettre de la République, mais de créer les conditions nécessaires à la permanence de ses valeurs, au premier chef, celles de l’autorité, du mérite et du travail. Sur ces points justement, force est de constater que l’idée de créer 100 zones franches numériques et culture, ou encore un fonds de soutien de 60 millions d’euros par an constitué avec l’Agence France entrepreneurs et la Banque Publique d’Investissements, apparaît comme un premier élément de réponse cohérent. L’entrepreneuriat, au même titre que l’école, doit être la boussole de toute ambition politique destinée à proposer des emplois aux jeunes des quartiers populaires.  

Les besoins de financements des jeunes entreprises créées dans les quartiers, de réseau et d’accompagnement sont aujourd’hui réels, et témoignent d’un engouement pour un vecteur d’ascension sociale qui renvoie aux calendes grecques toute notion d’assistanat chère à la gauche. La dynamique entrepreneuriale qui traverse la jeunesse française et particulièrement celle issue des banlieues, relève d’une volonté non seulement d'émancipation et d'accomplissement individuels, mais aussi et surtout de création de richesses pour les territoires, symbolisant en ce sens la prise en compte du destin des quartiers. En permettant à chacun d’accéder à un statut social valorisant dans la société, la liberté d’entreprendre apparaît au XXIème comme la cousine du libéralisme en République et chacun de ses dépositaires, comme un hussard moderne au service des citoyens.

La notion de responsabilité a, au mieux disparu, au pire, vu son sens dévoyé

Ce n’est donc pas par la co-construction d’une compétence régalienne par excellence qui est la sécurité qui replacera les valeurs républicaines au centre des territoires, mais bien le mérite et la formation. Nicolas Sarkozy en avait conscience et avait contribué, à la fin des années 2000, à réduire les inégalités sociales et territoriales. Que ce soit à travers la création des internats d’excellence, dispositif scolaire visant à offrir des conditions favorables à la réussite scolaire de collégiens, de lycéens et d’étudiants méritants mais défavorisés, ou la mise en place d’une bourse au mérite, la droite avait posé les jalons d’un discours ambitieux et affiché un volontarisme responsable. 

Moins d’une décennie plus tard, force est de constater que cette notion de responsabilité a au mieux, disparu dans les éléments de langage, au pire, vu son sens dévoyé par son appui à des dispositifs fantaisistes (création des « Maisons Marianne », recrutement de 5 000 coachs d’insertion). 

Pourtant, en mettant l’accent sur l’éducation, la formation et l’accompagnement entrepreneuriale, l’État rationaliserait ses dépenses publiques et redonnerait sens à l’engagement citoyen. 

Les échecs successifs en termes de politiques de cohésion territoriale dues aux arrangements entre élus locaux, « grands frères » ou autres structures associatives qui n’avaient de culturelles que le nom, doivent nous inciter à repenser notre approche à l’encontre de ces territoires. Le plan Borloo, s’il semble prendre par certains points la mesure de ce changement de paradigme, demeure malheureusement trop souvent enferré dans une logique victimaire et socialisante coûteuse en moyen humain et financier. Or, ce n’est pas de plusieurs dizaines de millions d’euros dont ont besoin ces quartiers mais d’une considération à l’égard des richesses qu’ils sont capables de produire. 

Sans cette prise de conscience, la célèbre phrase de l’abbé Bossuet continuera d’être invoquée pour résumer de façon cinglante la schizophrénie étatique à l’égard des banlieues. 

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