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Réforme constitutionnelle : est-elle vraiment utile ?
©Brendan Smialowski / AFP

L'ombre d'un doute

Le projet de loi constitutionnelle souhaité par le chef de l'Etat sera présenté ce mercredi 9 mai en conseil des ministres.

Didier Maus

Didier Maus

Didier Maus est Président émérite de l’association française de droit constitutionnel et ancien maire de Samois-sur-Seine (2014-2020).

 

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Atlantico : Le projet de loi constitutionnelle souhaité par Emmanuel Macron sera présenté ce mercredi 9 mai en conseil des ministres et aborderait des questions relatives au cumul de postes pour les ministres, la modification du travail parlementaire, l'accélération des procédures d'examen des projets de loi de finance, ou encore la suppression de la Cour de justice de la République et la nomination des magistrats du parquet sur avis conforme. Au regard des modifications qui pourraient avoir lieu, peut-on dire que ce projet de loi constitutionnelle est conforme à l'esprit de la Ve République ? 

Didier Maus : Il est toujours très difficile de définir « l’esprit » d’une constituions. Celle de 1958 est à la fois parlementaire avec la nécessité pour le gouvernement de s’appuyer sur une majorité à l’Assemblée nationale et d’allure présidentielle avec un Président de la République qui exerce un vrai pouvoir exécutif.

Aucun Président, de qui émane en droit et en fait le projet de révision de la Constitution, n’a proposé de réduire les prérogatives présidentielles ou de créer les conditions d’une  revalorisation combinée des pouvoirs du Parlement et du Gouvernement ( à travers le Premier ministres). Seules les périodes de cohabitation, en raison de la présence d’une majorité de députés hostile au Président de la République, ont pu modifier les relations de pouvoir. Il n’est certainement pas dans les intentions de M. Macron de réduire, même d’une toute petite dose, le rôle du Président de la République. Tout,depuis un an, montre, au contraire qu’il entend exercer de manière exhaustive les attributs de la verticalité du pouvoir, y compris dans sa manière de diriger  dans les moindres détails la majorité parlementaire.

Rien dans le projet de révision, tel qu’il est connu avant sa version définitive, ne touche au cœur du système. Seules deux réformes seraient de nature à transformer la situation : soit une modification profonde du mode d’élection du Président, soit l’adoption d’une loi électorale totalement proportionnelle pour les députés. Aucune de ces perspectives n’est à l’ordre du jour. Bien au contraire ! Il s’agit du premier projet de révision constitutionnelle qui réduit les prérogatives, les pouvoirs et le rôle de l’Assemblée nationale et du Sénat par rapport à la situation existante. Il sera temps d’en détailler les modalités dès que le texte sera rendu public.

Comment évaluer l'utilité réelle de telles réformes ? Quelles seront leurs conséquences pour les Français ? 

On peut pas évaluer l’utilité d’une réforme constitutionnelle comme on le fait pour un projet de loi à vocation économique ou sociale. Sauf si une révision porte sur les mécanisme d’attribution du pouvoir, l’impact sur la vie des Françaises et des Français demeure très, très faible. Les citoyens ne sont guère concernés par les modalités du vote de la loi ou les marginales transformations du statut des collectivités locales.

L’élément le plus emblématique pourrait être la création d’une Chambre de la participation citoyenne à la place du Conseil économique, social et environnemental, mais il n’y  a aucune chance pour que cette nouvelle assemblée trouve une place de premier plan dans le dispositif. Il s’agira de réfléchir et non d’agir. Ce n’est pas un modalité d’exercice d’un pouvoir.

Les réformes envisagées pour le statut des élus ou leurs modalités d’élection ne figurant pas, à juste titre, dans le projet de révision constitutionnelle il faudra attendre encore quelques semaines pour savoir si elles débouchent véritablement sur une nouvelle forme de démocratie. Le doute est pour l’instant permis.

En se basant sur ce qui est connu, comment pourrait-on qualifier la "direction" vers laquelle la Constitution semble se diriger ? S'agit-il plus du révision cosmétique qu'un véritable changement sur le fond ? 

En matière constitutionnelle, il faut éviter de se laisser prendre au jeu des mots et des formules. La Constitution de la Ve République permet véritablement au gouvernement, sous l’impulsion directe du Président de la République, «  de déterminer et de conduire la politique de la nation » (article 20 de la Constitution). En général, les critiques portent plus sur sa trop grande efficacité que sur le frein qu’elle pourrait constituer. Depuis un an ,M. Macron, comme ses prédécesseurs, n’a rencontré aucune difficulté pour faire aboutir les réformes qu’il porte. Le temps de la délibération parlementaire n’est pas du temps perdu. Il s’agit de mieux écrire la loi et de faire comprendre aux citoyennes et citoyens la portée et les justifications du changement proposé. La confrontation des positions fait partie du noyau dur de la démocratie. Lorsque le débat est terminé, la volonté générale s’exprime par un vote. Il est toujours dangereux de vouloir passer à côté de la discussion contradictoire, voire de l’oublier.

Il existe un vrai risque à vouloir aller trop vite. Comme le dit un dicton populaire, « il  ne faut confondre vitesse et précipitation ». Les auteurs de la révision, et en premier lieu son inspirateur, devraient méditer cette formule.

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