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Les (longues) leçons de François Hollande. Petite note de lecture
©GEORGES GOBET / AFP

Livre

François Hollande, ancien président de la République qui a décidé de ne pas se représenter en l'annonçant aux Français le 1er décembre 2017, a publié trop vite un livre intitulé "Les leçons du pouvoir".

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Il est long, si long.
Je ne suis pas étonné qu'il se vende bien et j'ai la certitude que la cause essentielle de ce succès tient aux passages consacrés à Emmanuel Macron et à l'analyse s'efforçant d'être objective, même si profondément amère, de la conquête du pouvoir par le président de la République.
Je dois être l'un des rares ayant lu intégralement cet ouvrage parce que, comme dans un film sans rythme, il y a des tunnels et des remplissages pour faire "sérieux" et "de poids". Le nombre conséquent de pages a visé, par l'écrit, à donner à son quinquennat une ampleur et une consistance que de fait il n'a jamais eues.
On ne peut pas dénier à François Hollande une vive intelligence dont on a le droit de regretter qu'en l'occurrence elle lui ait surtout servi à masquer, à éluder, à ne pas répondre et à s'autocongratuler. Quel dommage que cet esprit empli d'alacrité, de finesse et capable, paraît-il, de d'ironie et de dérision se soit penché avec infiniment de complaisance, trop de contentement sur son quinquennat raté et sur les fautes et transgressions choquantes qui l'ont émaillé !
Dans son livre, on peut distinguer trois parties.
La première, interminable, vise à un inventaire un zeste ennuyeux ne vous faisant grâce d'aucune des péripéties politiques et actions de son quinquennat. L'autosatisfaction dans laquelle il baigne lui enlève beaucoup d'intérêt et je ne sais pas si on n'en veut pas davantage à François Hollande de nous rappeler ses échecs que de les avoir fait subir à la France ! Il y a des limites au ton de fierté cocardière et à la longue il gêne, lasse et irrite plus qu'il n'émeut.
La deuxième - sur laquelle je reviendrai - traite d'Emmanuel Macron, de ses manoeuvres, de sa stratégie, de sa tactique et de sa victoire avec le constat que François Hollande qui avait la réputation d'être clairvoyant en politique a été complètement berné et qu'il n'a pas eu la modestie de l'admettre.
La dernière nous offre une multitude de considérations sur le monde d'aujourd'hui, ses dangers et ses défis, sur le risque du populisme, sur le caractère toujours irremplaçable de la social-démocratie, sur les bienfaits de l'égalité et, en définitive, de la gestion à la Hollande qu'on ne lui a pas permis de mener à son terme.
Des poncifs avec lesquels, même avec un antagonisme idéologique, il est difficile de ne pas être en accord tant ils sont vagues, globalement généreux et si pleins de cet humanisme "correct" qui a pour vocation de se substituer à l'action ou de fantasmer sur elle, en l'imaginant rose quand elle est noire. Rien qui fasse de François Hollande un visionnaire, tout au plus le gestionnaire peu inspiré d'un passé et l'éclaireur assez banal du futur.
Il faut lui reconnaître du talent et une vraie qualité de narration et d'exposition quand à un certain moment il ne peut plus laisser entre parenthèses le destin d'Emmanuel Macron. Deux éléments éclatants apparaissent à la suite de cette relation qui probablement est la cause essentielle, voire exclusive de la curiosité lucrative que suscite son ouvrage.
A la fois François Hollande énonce qu'"il fait confiance" et qu'il n'a pas été "naïf", ce qui semble contradictoire tant les données factuelles qu'il offre lui-même, ses interrogations et les répliques vagues d'Emmanuel Macron manifestent sans équivoque que l'ancien président a été floué et qu'il n'a rien senti venir, sauf sur le tard. Donc il a été "naïf" et sa "confiance" a été à l'évidence mal placée. Il semble d'ailleurs le concéder puisqu'en définitive le reproche fondamental qu'il adresse à Emmanuel Macron est d'avoir avancé masqué. Ce qui démontre la confusion qui a été la sienne. Il ne se pardonne pas d'avoir permis l'édification d'une destinée qui a eu pour finalité de se dégager de la sienne.
J'avoue m'être trompé dans mon livre où je fais monologuer Emmanuel Macron, en n'ayant pas prêté d'emblée à ce dernier un dessein mûrement organisé, une constance entêtée et exclusive en vue de sa victoire présidentielle et d'une si surprenante relève. Une démarche toujours obsédée, donc, par son rêve de fin glorieuse et non pas seulement un cabotage brillant au jour le jour profitant des opportunités successives d'une existence richement pourvue à l'évidence.
En effet François Hollande - sur ce plan, très crédible - tend à démontrer le contraire tant chacune des séquences, équivoques pour le président, étaient pourtant parcourues par le fil directeur d'une trajectoire certaine d'aller au bout et désireuse de tout mettre au service de cette ambition, même du flou le plus longtemps possible.
Evoquer l'autosatisfaction de François Hollande est trop court, trop aimable. Ce qui m'a profondément désolé de la part d'un président qui a supporté courageusement tant d'avanies tragiques et politiques durant son mandat est son incapacité absolue à s'examiner, à se mettre en cause, à se blâmer s'il y a lieu, à accepter une part importante de responsabilité dans ce qui a affecté pour le pire sa conduite des affaires nationales et internationales.
Juste un petit mot sur le vaudeville Leonarda, où sa présidence s'est ridiculisée, et une repentance, à mon sens inutile, sur la déchéance de nationalité où son dessein premier était le bon.
Trop peu sur le Feydeau présidentiel - avec Valérie Trierweiler et Julie Gayet -, trop peu sur sa gabegie médiatique et ses commentaires profus l'ayant conduit notamment à transgresser, face à Gérard Davet et à Fabrice Lhomme, des secrets d'Etat et à révéler ce qui aurait dû demeurer indicible de la part d'un chef d'Etat.
Je pourrais sans doute continuer sur ce registre mais il me semblerait indécent de poursuivre ces procès à l'égard d'un homme qui pourtant n'a de loin pas abandonné toute ambition politique.
Il ne se remet pas de n'avoir pas été battu en 2017 ! Il donne des leçons de plus en plus aigres à Emmanuel Macron qui s'en soucie de moins en moins. J'entends bien que se poser en conseiller peut laisser croire qu'on en a la légitimité mais la majorité des Français et le pouvoir lui-même la lui dénient.
Je prends les devants. Oui, j'ai voté en 2012 pour François Hollande parce que je ne voulais plus de Nicolas Sarkozy. Sur ce second point j'ai eu raison mais sur le premier, François Hollande n'a pas servi ma cause.
Et son livre n'aura été qu'une piètre et décevante séance de rattrapage.

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