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Miracle ? Prodige ? Comment Charcot découvrit le curieux mécanisme de "la foi qui guérit"
©Reuters

Bonnes feuilles

Comment se fait-il qu’une personne guérisse et qu’une autre pas ? Comment se fait-il que l’une survive vingt ans à un cancer alors que l’autre est emportée en quelques mois ? Quel est cet élan qui rassemble les ressources de notre organisme pour que s’opère la guérison ? C’est l’objet de ce livre : explorer le pouvoir de l’esprit sur le corps. Extrait de "Les Pouvoirs de l'esprit sur le corps" de Patrick Clervoy aux éditions Odile Jacob (1/2).

Patrick Clervoy

Patrick Clervoy

Patrick Clervoy est médecin psychiatre, professeur agrégé du Val-de-Grâce.

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Charcot prit comme modèle de sa démonstration la guérison de Mlle Louise Coirin. En septembre 1716, Louise Coirin, âgée de 31 ans, subit consécutivement deux chutes de cheval, la seconde entraînant un heurt violent de son côté gauche contre un tas de pierre. Sous le choc, elle perdit connaissance pendant quatre heures. Elle fut ramenée chez elle. Les jours qui suivirent, elle eut des vomissements de sang. Son état s’affaiblit. Puis apparut une plaie au niveau du sein gauche qui devint dure, enflée et violacée. M. Paysan, un chirurgien de Nanterre, vint l’examiner. Il trouva sous l’aisselle une grosseur importante reliée au sein par une masse douloureuse de la grosseur d’une corde. Il prescrivit des cataplasmes. La tumeur sous l’aisselle continua d’enfler. Un an plus tard, Louise Coirin fut soudainement prise d’une paralysie de tout le côté gauche. Elle ne pouvait bouger le bras gauche qu’en le prenant de la main droite pour le déplacer. Il en allait de même pour la jambe gauche qu’elle ne pouvait bouger qu’en la poussant avec la jambe droite. Alitée la plupart du temps, il fallait la porter pour la mettre au fauteuil. Elle passa treize années dans cet état de misère et de douleur. Le sein restait gonflé malgré la plaie par laquelle se vidait en permanence du sang et du pus, jusqu’au moment où le bout du sein, nécrosé, tomba. À la place resta un trou béant dégageant une odeur infecte. M. de Lespine, le curé de Nanterre, passait régulièrement voir la jeune femme. Deux autres chirurgiens, MM. Boulant et Bourdeau, vinrent assister le chirurgien de Nanterre. Ils se concertèrent pour prescrire pansements et cataplasmes. Ils hésitèrent à proposer l’amputation du sein, arguant que la malade allait mourir si cet état se poursuivait tant elle était faible, mais conscients aussi des risques d’une telle intervention. À son tour M. Desbrières, chirurgien de la duchesse de Berry, émit un avis défavorable, pensant que l’intervention serait infructueuse.

Chaque jour plusieurs personnes de charité passaient soutenir la malheureuse. Seize années s’écoulèrent. Aucune amélioration ne se fit. Mlle Coirin demanda à une vertueuse voisine de se rendre sur la tombe du diacre Pâris pour y faire des prières en demandant sa guérison. Elle s’y rendit le 9 août 1731.

Le 11 août, à peine la moribonde avait-elle passé une chemise qui avait touché le précieux tombeau qu’elle en éprouva la vertu bienfaisante. Elle recouvra quelques forces et put se retourner sans aide dans son lit. Le 12 août, elle appliqua sur son sein de la terre prélevée au cimetière Saint-Médard. La plaie s’assécha puis, les jours suivant, commença à se refermer.

Dans la nuit, ses membres du côté gauche, qui étaient restés si longtemps paralysés, secs, insensibles et rétractés, commencèrent à revenir à la vie. Les chairs se réchauffèrent. La jambe s’étira et retrouva sa longueur. Louise Coirin put se lever seule et se soutenir sur le bout du pied. Le 24 août, elle put quitter la maison et se rendre à la messe. Au bruit du miracle, les habitants de Nanterre qui l’avaient vue si souffrante pendant ces longues années, accoururent la voir. Elle leur montra son sein gauche sur lequel n’apparaissait nulle cicatrice. Seul le mamelon était plus petit que celui de droite. Pour répondre aux sceptiques, dont l’archevêque de Sens qui mettaient en doute sa guérison miraculeuse, Louise Coirin se rendit chez un notaire pour faire établir une attestation des faits. Les chirurgiens s’y associèrent. L’archevêque de Paris y participa. Près d’une centaine de témoignages furent déposés attestant du miracle.

La foi qui guérit

Devant cette guérison prodigieuse et les témoignages qui la vérifièrent, Charcot s’incline. Il déclare : « Le miracle était consommé. » Il y décèle un mécanisme qu’il nomme La foi qui guérit. Il repère ce mécanisme de guérison comme un phénomène universel. On en décrit la manifestation à toutes les époques et dans toutes les cultures. Charcot en reconstitue la progression classique. Au début la foi qui guérit ne se développe pas spontanément dans toute son intensité curatrice. Un malade entend dire que dans un tel sanctuaire il se produit des guérisons miraculeuses. Il est bien rare qu’il puisse s’y rende immédiatement en raison des difficultés matérielles. Il est toujours difficile pour un paralytique ou un aveugle de partir pour un long voyage. Il en parle à son entourage, demande des renseignements, se fait raconter les cures merveilleuses dont la rumeur lui est parvenue. Il n’entend que des paroles encourageantes de son entourage direct, et souvent encore de son médecin. Celui-ci ne veut pas enlever à son malade un dernier espoir, surtout s’il juge que la maladie de son client est justiciable de cette foi qui guérit qu’il n’a pas su lui-même susciter. Si ce médecin s’avisait de tenir des propos défaitistes, cela ne ferait que renforcer la croyance de son malade à la possibilité d’une guérison miraculeuse. La foi qui guérit commence à naître, elle se développe de plus en plus, l’incubation la prépare, le pèlerinage à accomplir devient une idée fixe. Les déshérités sollicitent des aumônes qui leur permettront de gagner le lieu saint ; les riches deviennent généreux vis-à-vis des pauvres afin de se rendre propice à la clémence divine. Tous prient avec ferveur et implorent leur guérison. Dans ces conditions, l’état mental ne tarde pas à dominer l’état physique. Le corps rompu par une route fatigante, les malades arrivent au sanctuaire l’esprit éminemment suggestionné. Un dernier effort : une ablution, une dernière prière plus fervente, aidée par les entraînements du culte extérieur, et la foi qui guérit produisent l’effet désiré ; la guérison miraculeuse devient une réalité. Charcot reprend à son compte ce que disait son homologue britannique Richard Barwell : l’esprit du malade étant dominé par la ferme conviction qu’il doit guérir, il guérira immanquablement.

On peut apprécier l’ouverture d’esprit de JeanMartin Charcot, cependant il reste ambivalent. D’un côté il considère que cette aptitude à guérir n’est que le fait d’une catégorie de personnes, particulièrement suggestibles et pour laquelle il crée une catégorie diagnostique : les hystériques. Terme déjà péjoratif à l’époque. Cela nous indique que Charcot considérait comme anormaux les individus, hommes ou femmes, chez lesquels l’influence de l’esprit sur le corps était suffisamment efficace pour produire une guérison.

Extrait de "Les Pouvoirs de l'esprit sur le corps" de Patrick Clervoy aux éditions Odile Jacob 

"Les Pouvoirs de l'esprit sur le corps" de Patrick Clervoy

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