Qui sont ces abstentionnistes qui détiennent la clé de l’élection ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le taux d'abstention pourrait être de 29% ce dimanche.
Le taux d'abstention pourrait être de 29% ce dimanche.
©Reuters

Aux urnes

L’indicateur Ifop/JDD d’évaluation de l’abstention au premier tour de l’élection présidentielle révèle un score de 29% de Français qui n’iraient pas voter dimanche. Parmi les abstentionnistes, une proportion plus grande de jeunes et d’ouvriers. Reste désormais aux politiques à les convaincre, mais comment ?

François Kraus

François Kraus

François Kraus est Directeur des études politiques au département Opinion de l'Ifop.

 

 

 

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Atlantico : L’indicateur Ifop/JDD d’évaluation de l’abstention au premier tour de l’élection présidentielle révèle un score de 29% de Français qui n’iraient pas voter le 22 avril prochain. Parmi les abstentionnistes, figure une proportion plus grande de jeunes et d’ouvriers. Comment l’expliquer ?

François Kraus : Généralement, la participation électorale est liée à l’intérêt pour la politique, qui est plus élevé chez les personnes âgées, les hommes et les catégories sociaux professionnelles supérieures (plus diplômées et informées sur les questions politiques).

La participation est donc directement corrélée au niveau de diplôme et à la catégorie socio-professionnelle d’appartenance.

Dans le détail, il est intéressant de noter ce double clivage générationnel, où 39% des personnes âgées de moins de 35 ans n’iraient pas voter, contre seulement 20% des plus de 65 ans.


Sur le plan socioprofessionnel, la participation chez les ouvriers s’élève à 60% contre 78% parmi les cadres supérieurs ou professions libérales.

Le fait que les jeunes et ouvriers représentent un pourcentage élevé des abstentionnistes à l’élection présidentielle de 2012 ne constitue pas une surprise. Par exemple en 2007, l’écart entre les cadres et les ouvriers dans l’abstention était de 12%, contre 18% aujourd’hui.

Vous parlez d'un taux élevé d'abstentionnisme chez les jeunes, mais comment expliquer que 25% de ceux d'entre eux qui votent se prononcent en faveur de Marine Le Pen, d’après la dernière étude CSA ?

Premièrement, le chiffre publié par nos confrères du CSA était très contestable méthodologiquement. Ils ont d’ailleurs été sanctionnés.

Ensuite, ce qui prime chez les jeunes c’est le niveau d’éducation, de diplômes et d’activité.

Les jeunes qui votent Le Pen sont en général des jeunes actifs qui ont arrêté leurs études tôt pour se consacrer à des métiers de type manuel, ou dans lequel le niveau de formation n’est pas jugé très élevé. Ce qui compte pour eux, c’est donc la dimension populaire, les problèmes de précarité, de logement, de salaire, de pouvoir d’achat.

Du fait d’un environnement social qui ne peut être qualifié d’aisé, ils sont donc plus sensibles que la moyenne au discours lepéniste. Au contraire, les jeunes étudiants sont plus imperméables aux discours de Marine Le Pen. C’est très net, une étude conduite auprès des étudiants montre que Marine Le Pen n’arrive qu’à 11% de sympathisants.

Il y a donc deux jeunesse qui s’opposent.

Comment les politiques peuvent-ils convaincre les ouvriers et les jeunes abstentionnistes de se rendre aux urnes ?

Les abstentionnistes sont difficiles à convaincre, puisque leur refus de procéder au vote tient au déficit de crédibilité des candidats, ainsi qu’à une forme de manquement dans la qualité du discours et la capacité à agir. Ce sont tous ces éléments qui font que les gens pensent qu’il est inutile de se déplacer pour voter.

C’est plutôt en agissant sur la capacité d’action politique que les candidats pourront encourager une véritable mobilisation électorale. En 2007, Nicolas Sarkozy avait réellement mis en avant sa capacité d’action par rapport à ses prédécesseurs, et le niveau de mobilisation s’en était ressenti, atteignant alors un véritable record.

Cette année, le niveau d’abstention risque d’être plus fort.


Peut-on aller jusqu’à formuler le constat d’une cristallisation des abstentionnistes quelques jours avant le premier tour ?

Quand on mesure l’intérêt pour cette campagne, on a le sentiment que celle-ci apparaît plus décevante que la précédente, et que le vote nourrit peu d’espoir d’amélioration du sort de la France et des Français.

Reste que généralement, il y a des gens qui se décident au dernier moment. En prenant en compte les cinq derniers scrutins, on évalue l’abstention entre 20 et 25% en définitive. Cela reste toutefois un score élevé, et l’on peut imaginer que le taux d’abstentionnisme sera encore plus bas.

En prenant toutefois en compte votre dernière estimation, qui fixe le taux d’abstention à 29%, le record de 2002 serait enfin battu ?

Le record jusque-là s’est en effet produit en 2002 avec une abstention à 28,4%. Ce qui avait favorisé à l’époque l’ascension de Jean-Marie Le Pen au second tour.

En 1995, l’abstention mesurée était de 22%. En 2007, elle avait opéré un recul aux environs de 14%.

Selon toute vraisemblance, l’abstention de 2012 devrait se situer entre les fourchettes de 2002 (haute) et 2007 (basse).


Propos recueillis par Franck Michel

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