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Dans la tête des Français : ce qui s’est d’ores et déjà figé dans l’opinion pour les noces de coton d’Emmanuel Macron
©SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Acté

La dernière vague de l’Observatoire de la politique nationale réalisé par BVA (avril 2018) permet de réaliser un bilan d’image et d’opinion particulièrement détaillé à propos du chef de l'Etat.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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La dernière vague de l’Observatoire de la politique nationale réalisé par BVA (avril 2018) permet de réaliser un bilan d’image et d’opinion particulièrement détaillé à propos d’Emmanuel Macron, un an après le premier tour de la présidentielle. La richesse du matériau recueilli par questions ouvertes ne se dément pas, mois après mois, et permet de comprendre de manière complémentaire aux indicateurs de popularité ce qui se passe entre Emmanuel Macron et les Français depuis un an. 

L’une des tendances les plus affirmées que l’on peut voir, c’est le durcissement des opinions à propos des réformes économiques entreprises. Apparue sous Nicolas Sarkozy, l’expression de « Président des riches » a très vite retrouvé vie depuis l’élection d’Emmanuel Macron.  

Pour les détracteurs du Président de la république, elle est devenue une locution qui parle d’elle-même : un résumé synthétique qui en s’énonçant dévoile le secret du macronisme sur son « vrai » positionnement politique : à la droite du centre, du côté des « riches », des patrons et du business. On trouve ce raisonnement fréquemment chez des électeurs de gauche, par exemple ce sympathisant socialiste qui a voté Benoît Hamon au premier tour de la présidentielle puis a voté blanc au second tour : « c’est la casse du système de sécurité sociale d’après-guerre. C’est une politique de droite non assumée ».  

Plus préoccupant pour le chef de l’Etat, on trouve ce même argument chez des électeurs de gauche qui ont voté pour lui au second tour. Le détail des verbatims nous en dit encore plus long : la locution « président des riches » ne symbolise pas, aux yeux des électeurs de gauche, qu’une politique faite de « cadeaux » aux puissants et aux riches ; c’est plus profondément encore une politique « inhumaine » qui est dénoncée : « à cause de sa gestion inhumaine des personnes migrantes, de ses objectifs de privatisation et de fermeture des services publics, il avantage les personnes aisées et enfonce les plus vulnérables » déclare dans un verbatim synthétique un sympathisant d’EELV ayant voté Benoît Hamon puis ayant voté blanc au second tour. 

Une seconde tendance s’exprime avec force : ce n’est pas seulement le message porté par Emmanuel Macron qui est vivement critiqué, c’est le messager lui-même qui attire la foudre et suscite parfois un vrai rejet. La perception subjective du « style Macron » joue en effet un rôle déterminant dans la perception négative de son action. Lorsque les mots employés pour parler du « style Macron » sont négatifs, ils souvent durs et traduisent un effet de saturation proche de l’exaspération et du rejet, tel cet électeur de gauche qui a pourtant voté pour Emmanuel Macron au second tour : « Il est incapable de dialogue. Il pense détenir la vérité absolue et entend imposer son point de vue sans jamais consulter personne. Il affiche un mépris souverain pour les français qui ne peuvent comprendre la soi-disant hauteur de sa pensée ».  

Cette critique sur le « style Macron » est plus largement exprimée par une pluralité de profils politiques ; on la retrouve également chez des électeurs du Front national ou de Debout la France, nettement moins souvent chez les sympathisants LR : il est « arrogant et désobligeant avec ses interlocuteurs, quels qu'ils soient. Il est imbu de sa personne et veut imposer son avis sans écouter les critiques » déclare un électeur de Nicolas Dupont-Aignan puis de Marine Le Pen, il est « opportuniste et machiavélique » déclare un autre. 

Ce portait en négatif d’Emmanuel Macron est en tout point opposé à celui des électeurs qui le portent aux nues, notamment son électorat fidèle aux deux tours de la présidentielle ou qui se dit proche de LREM : c’est un « réformateur (…) brillant (…) cultivé. Il donne une grande image de la France ... enfin » déclare un électeur et sympathisant macroniste. Il est « intelligent, pugnace, réformiste » déclare un sympathisant socialiste qui a voté pour le chef de l’Etat aux deux tours de la présidentielle. « Il est jeune, il fait beaucoup de réformes, Il a de l’autorité et du charisme » déclare un autre. Parfois, Emmanuel Macron perturbe par son image positive la logique des électorats : on trouve (mais c’est loin d’être fréquent) des électeurs de gauche qui louent et rendent hommage à son volontarisme, à sa capacité à mener à bien l’agenda de son programme politique.

Le très riche matériau collecté par les questions ouvertes à propos de l’image d’Emmanuel Macron nous permet de faire un premier bilan un an après le premier tour de la présidentielle. Le clivage gauche-droite n’a que faussement disparu et l’effet de séduction a bien davantage fonctionné sur les électeurs de droite. Sans être comparable au cas de Nicolas Sarkozy ou de François Hollande, Emmanuel Macron clive de plus en plus les Français sur son style : porté aux nues par ses électeurs qui vantent sa jeunesse, son dynamisme, son charisme, le respect des promesses ; voué aux gémonies par ses détracteurs qui dépeignent l’arrogance, le narcissisme, le mépris de classe, le sentiment de supériorité. 

Au fait, un an c’est bien les « noces de coton » ? Le coton, symbole d’une matière à la fois fragile et résistante. Emmanuel Macron parviendra-t-il à tisser sa toile jusqu’au bout ? File-t-il au contraire un mauvais coton ? La seconde année qui s’ouvre permettra d’en savoir un peu plus ! 

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