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(Non) Alliance avec le FN : l’impasse de la ligne Wauquiez ?
©ERIC FEFERBERG / AFP

Ligne Buisson sans Buisson

La stratégie "à la Sarkozy", qui consistait pour Laurent Wauquiez à siphonner une partie de l’électorat du RN, n’a pas vraiment porté ses fruits.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico : Le sondage IFOP paru le 18 avril révèle que le président LR ne ferait que 8% si la présidentielle avait lieu ce dimanche, tandis que Marine Le Pen est à 23%. La stratégie de Laurent Wauquiez, qui consiste à garder un discours proche du FN tout en refusant toute alliance, semble donc dans l'impasse. Quelle serait la bonne stratégie pour en sortir ?

Christophe Boutin : On peut avoir une certaine méfiance devant un sondage qui semble poser une question déconnectée d’avec la réalité électorale – la prochaine présidentielle est dans quatre ans, l’ancienne date déjà d’un an -, mais prenons-le en compte. Ce qui ressort effectivement, c’est l’effondrement de LR avec un Laurent Wauquiez qui se placerait à 8% des suffrages obtenus au lieu des 20% de François Fillon en 2017. Certes, Benoît Hamon – qui en toute logique aurait du être remplacé par Olivier Faure dans ce sondage - reste bas (7% contre 6,65% en 2017), et l’on peut parler de sanction frappant les deux partis qui avaient un temps pensé structurer la vie politique française en un bipartisme indépassable, LR et le PS. Mais la différence entre les deux résultats atteste bien d’un problème spécifique à Laurent Wauquiez, toujours à la recherche de son image.

C’est d’autant plus préoccupant pour lui que Marine Le Pen, que l’on disait dévastée par l’effet du débat de l’entre-deux tours de la présidentielle, et fragilisée par le départ de Florian Philippot comme par sa volonté de changer le nom de son parti, se voit elle confortée dans sa voie avec 23% (21,5% en 2017), un chiffre qui ancre le FN comme le second parti de France, derrière un Emmanuel Macron qui réunit dans ce  premier tour potentiel plus d’un Français sur trois (36%), quand il en avait réuni un peu moins d’un quart (24%) en 2017, et ce alors même qu’il y a une crise sociale.

Le moins que l’on puisse dire est donc que la stratégie « à la Sarkozy », qui consistait pour Laurent Wauquiez à siphonner une partie de l’électorat du RN, n’a pas vraiment porté ses fruits. On peut même se demander s’il n’y a pas toujours un glissement à droite, car non seulement Marine Le Pen progresse, mais c’est aussi le cas de Nicolas Dupont-Aignan, d’un point (6% au lieu de 5% en 2017), quand Jean-Luc Mélenchon se tasse de trois points, passant de 19,6% à 16,5%.

Pour faire simple, si l’on en croit ce sondage, l’électorat français serait aujourd’hui divisé en trois tiers dont deux à peu près homogènes, LaREM et l’alliance FN-Dupont-Aignan, et un troisième dont Mélenchon représenterait la moitié et Hamon et Wauquiez un quart.

Mariani persiste en signant  une nouvelle tribune avec les des élus du FN, et Patrick Buisson se rapproche de Marion Maréchal Le Pen. Cette partie de l'électorat n'est plus à reconquérir. Comment expliquer que Laurent Wauquiez persiste dans cette attitude « ni avec ni sans » le FN ?

On peut être surpris de voir, le lendemain du jour où il demande un référendum sur l’immigration, le parti LR envisager l’exclusion d’un de ses membres pour dérive droitière. Mais il faut distinguer deux choses qui peuvent sembler liées, mais qui sont en fait à différencier : la thématique du programme d’une part et les alliances politiques d’autre part.

La première est donc cette utilisation par LR d’éléments de langage, ou programmatiques, dont on se rend compte qu’ils pourraient être communs à ceux présentés par des politiques situés plus à droite, le RN, bien sûr, mais aussi, dans la zone intermédiaire entre RN et LR, et ouverts à des alliances avec les deux, autour de politiques comme Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Frédéric Poisson ou Robert Ménard. L’intérêt pour LR est de ne pas laisser des éléments d’un discours nationaliste qui formait largement l’ossature du gaullisme dont nombre de militants conservent la nostalgie lui échapper. Trois avantages théoriques : se positionner clairement dans l’opposition au modernisme mondialisé d’Emmanuel Macron ; rassurer la base électorale LR ; attirer des électeurs plus à droite. L’inconvénient est bien sûr de se faire accuser de « lepénisation » et de franchir les fameuses « lignes rouges » fixées par les gardiens du temple chiraquien et sur lesquelles veillent les médias.

Mais la seconde question est celle des alliances politiques, et là Laurent Wauquiez a été des plus clairs : il n’y aura aucune alliance avec le RN. Pourtant, on le sait, la thématique de l’alliance à droite est actuellement en vogue et se décline au travers de trois perspectives principales : la première est celle du dialogue d’appareils ; la seconde passe par l’établissement d’une plateforme programmatique commune, sur un plus petit dénominateur commun, tentant d’écarter les guerres picrocholines des petits chefs – la « plateforme d’Angers » représente cette seconde tentative ; la troisième est une « alliance à la base » au niveau local, souvent communal, qui, là encore, écarte des appareils de partis en perte de vitesse depuis 2017.

Mais nombre de dirigeants de structures partisanes restent dans la perspective d’avant 2017, qui repose sur une évidence et un a priori : évidence, l’élection-reine, qui conditionne les autres, est l’élection présidentielle ; a priori, il est impossible de gagner la présidentielle sans l’appui d’un appareil politique.

Or ce dernier doit rester cohérent et à la main du dirigeant, quand une alliance conduit non seulement à se mettre d’accord sur un programme, mais aussi, plus prosaïquement, à répartir des places et des sièges. S’allier, c’est donc priver quelques « barons » de ce qu’ils estiment être leur dû, et donc de mécontenter en interne. C’est aussi parfois se trouver ensuite devant des conflits de personnes face à des alliés qui s’estiment bien supérieurs à leur apport réel : tout le monde n’a pas l’abnégation de « Sens Commun », bien mal récompensé de son appui par François Fillon, et l’on n’a pas non plus tous les jours la chance qu’a eu Emmanuel Macron de se débarrasser de l’ego de François Bayrou.

Voilà pourquoi, alors que les programmes peuvent sembler proches, on se refuse aux alliances : pour continuer à exister de manière indépendante, pour sauver les sièges qui peuvent l’être. Et pour éviter les dérives on fait un exemple en excluant ceux qui, comme Thierry Mariani, vont à l’encontre de cette ligne.

N'est-il pas temps pour Les Républicains de trancher définitivement entre ces deux options, pour pouvoir enfin être capables de construire un projet économique et politique ?

Il est permis de penser que le choix est fait au niveau des dirigeants de LR, aussi opposés que puissent être par exemple Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez, et il est clairement de faire de la politique, au niveau national ou local, « sans » le FN. Sur quelle base négocier d’ailleurs quand l’autre pèse, dans le dernier sondage, trois fois plus lourd que vous ? Encore faudrait-il qu’il le veuille… On ne négocie jamais qu’en position de force et ce n’est pas le cas de Laurent Wauquiez, peinant à imposer son image et confronté à une guerre intestine au sein de son parti.

Le seul choix est donc une lutte pour imposer un programme LR qui puisse convaincre largement, qui attire, mais les électeurs ne se déterminent jamais sur un ensemble mais en fonction de priorités. Or les deux ou trois questions essentielles pour les électeurs de droite aujourd’hui sont celles de l’identité, de la sécurité et de l’immigration, et nombre d’entre eux estiment que, sur ces points, le RN et ses alliés offrent de meilleures garanties qu’un LR dont nombre des dirigeants ont cédé dans le passé aux sirènes du politiquement correct. Que faire ?, comme disait l’autre ? Un programme économique peut certes permettre de se différencier du RN, mais cette question est-elle prioritaire ? Et quid du choix européen ? On l’aura compris, les temps à venir seront rudes pour LR.

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