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Cette nouvelle "extrême-gauche hors les murs" qui pourrait bien compliquer le quinquennat Macron
©JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Tentation de la radicalité

La très forte activité à l'extrême-gauche depuis quelques mois prend une tournure de plus en plus visible. Mais il faut démêler ce qui ressort de l'activité traditionnelle de cette famille du monde politique et ce qui, "souterrainement", semble renouveler l'approche activiste.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Atlantico : Entre le retour de Besancenot, la promesse d’une grève dure contre la réforme de la SNCF, l’élection d’une nouvelle direction très radicale à Act-Up, association normalement apolitique de lutte contre le Sida, avec le coma du PS d’un côté et de l’autre une fascination exercée sur une partie de la jeunesse par des personnalités telles que Jean-Luc Mélenchon ou Bernie Sanders, faut-il considérer que le macronisme a accouché d’une nouvelle extrême-gauche ? Ou, au contraire, rien de nouveau sous le soleil ?

Eddy Fougier : Il y a plusieurs choses dans votre question. Il y a l’extrême-gauche politique, ou plutôt la gauche radicale représentée par Jean-Luc Mélenchon. Puis il y a les mouvances d’extrême-gauche ou affiliée comme les zadistes de NDDL, les manifestants contre la Loi El-Khomry. Ce sont différents niveaux d’analyse. 

Le premier consiste à voir qui occupe l’espace politique à gauche aujourd’hui. Le second correspond à un regain d’activité qu’on peut observer d’une partie de la jeunesse. On l’a vu dans les ZAD, dans les différentes manifestations, dans les mouvements radicaux pas nécessairement liés aux précédents mais chez qui la logique de radicalisation est nette, tels les mouvements végans. C’est dans ce cadre-là que la radicalisation de l’équipe dirigeante d’Act’Up est inquiétante. 

Ce mouvement là, cette tentation de la radicalité n’est en fait pas particulièrement liée ni à Emmanuel Macron ni à Jean-Luc Mélenchon d’ailleurs. C’est une jeunesse qui ne se retrouve plus dans le jeu politique traditionnel et dans les modes opératoires traditionnels. C’est une jeunesse qui ne croit plus au vote, au fonctionnement des partis classiques, à la démocratie, comme le montre plusieurs enquêtes internationales. Il y a une idée que le vote ne sert à rien. D’où une défense généralement du compte des votes blancs. Cette jeunesse en revanche croit dans l’action directe (le concept, pas l’organisation terroriste bien connue), c’est-à-dire qu’il fasse agir à son échelle, directement. Cela passe par le boycott de tel ou tel produit jusqu’à des actions plus radicales, comme on peut le voir par exemple chez certains mouvements végans ou de protection des animaux. Cette tentation radicale est à distinguer de la conjoncture politique, le retour de Besancenot ou l’opposition Macron-Mélenchon. 

C’est quelque chose qu’on perçoit aussi dans une radicalisation de la base de certains syndicats, qu’on peut percevoir par exemple à la CGT et qui se manifeste clairement lors de certains mouvements sociaux. 

Aujourd’hui cet activisme va de l’occupation des Indignés, de type pacifique, à des types d’occupations beaucoup violentes par exemple contre les compteurs Linky de l’entreprise Enedis qui sont saccagés de façon absurdes partout en France. On a vu aussi des actions contre des gendarmeries à Limoges et à Grenoble.

L’autre niveau d’analyse, celui de la politique, est pour le coup plus mesuré, il ne se passe rien d’extraordinaire ou de remarquable.

La grève prochaine rassemblera quand même les hamonistes, le NPA et la France Insoumise en consacrant le retour de Besancenot qui « dirigera » en quelque sorte la grève, malgré quelques réticences dans l’entourage de Mélenchon…

Il est choisi pour son expertise oui. Mais la distinction demeure, on est ici au niveau politique. En effet, avec la déconfiture du Parti Socialiste, on observe une emprise de la gauche et du discours de gauche sur un curseur plus radical qu’habituellement, autour de Jean-Luc Mélenchon. La gauche s’est en quelque sorte extraite à la suite de l’élection d’Emmanuel Macron de l’emprise idéologique et organisationnelle du PS, oui. C’est en effet une nouvelle façon de faire de la politique, et pour l’instant cela marche. On peut se demander pour combien de temps, cela dépend de la façon dont le PS en viendra ou non à se rebâtir. C’est donc une tendance conjoncturelle, pas encore structurelle, liée au fait qu’il n’y a pas personne qui occupe l’espace entre Macron et Mélenchon, et donc que cela laisse la place à un discours plus radical que celui qu’on entend habituellement. On peut malgré tout voir en ce mouvement une tendance plus générale, quand on regarde par exemple le succès de Bernie Sanders aux Etats-Unis, Jeremy Corbyn chez les travaillistes… Mais sans doute est-ce lié au fait que la gauche traditionnelle de gouvernement est allé, dans chacun de ces pays, un peu trop du côté des libéraux. C’est le cas de Bill Clinton, de Tony Blair en Grande-Bretagne. C’est une volonté de retourner aux fondamentaux de la gauche, aux vraies valeurs de gauche qu’a aussi tenté Benoit Hamon lors de sa campagne. Plus à gauche, les choses sont moins dynamiques, par exemple si on observe les scores minimes du NPA et de Lutte Ouvrière aux deux derniers scrutins présidentiels. Je ne pense pas que cela soit durable. C’est lié à la déconvenue du passage de François Hollande au pouvoir. A un moment donné, les électeurs de gauche vont vouloir retrouver le pouvoir, et donc trouver une synthèse entre Manuel Valls et Jean-Luc Mélenchon.

Mais il y a à côté de cette dimension politique une montée de « l’extrême-gauche hors les murs ». Cette extrême-gauche là en revanche risque clairement de perdurer, parce que cela marche. Quand on regarde ce que disent les militants, c’est probant. Il ne s’agit plus de faire des pétitions, il s’agit d’aller sur le terrain changer les choses. Et la victoire de NDDL, avec l’abandon de l’aéroport, est un symbole de ces victoires : cela montre que les ZAD, même si ce n’est pas politiquement correct, marchent très bien. On le voit avec le blocage du Center Parc de Roybon. L214 marche aussi, on les voit beaucoup s’en prendre aux abattoirs en batterie. Ils ont un impact colossal. Les parti anti-spécistes - le Parti Animaliste - ont fait des scores petits mais supérieurs à toute attente lors des législatives par exemple, c’est un signe. Etonnement, cette option est bien plus efficace que le vote pour cette gauche qui fait de bon scores autour du phénomène Mélenchon. C’est pour cela que je parle « d’extrême-gauche hors-les-murs », parce que la révolte semble ne plus avoir à passer par le jeu politique, mais par l’action directe. Et pour rappel, Jean-Luc Mélenchon a été accueilli à NDDL à coup de tomates, preuve que les deux milieux sont presque devenus concurrents. La FI n’est pas le Sinn Fein de l’IRA !

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