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Iran : le zoroastrisme, une religion millénaire qui séduit les déçus de la Révolution islamique
©AFP

Bonnes feuilles

Quatre décennies après la révolution islamique, l’Iran semble de nouveau à un carrefour. Ardavan Amir-Aslani s’érige dans cet essai contre la réécriture fallacieuse du passé de cette civilisation. Pour rendre à la culture perse la place qui lui revient dans l’Histoire. Extrait de "De la Perse à l'Iran : 2500 ans d'histoire" par Ardavan Amir-Aslani, publié aux Editions de l'Archipel. (2/2)

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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Bien qu’il ait conservé peu d’adeptes, le zoroastrisme est toujours vivant aujourd’hui, alors qu’il faillit disparaître sous le coup de l’invasion arabe. On se souvient que les prêtres zoroastriens ne consignaient aucun de leurs textes sacrés par écrit avant les Sassanides. Zoroastrisme, manichéisme, mazdakisme et même bouddhisme, pour les Arabes toutes ces religions et pensées étaient cataloguées comme « zoroastriennes ». En outre, pour eux, les Perses zoroastriens étaient des « adorateurs du feu », donc des idolâtres. Le célèbre historien andalou Ibn Khaldoun (1332-1406) raconte que le deuxième calife Omar fit brûler tous leurs écrits sacrés, et ordonna des répressions sanglantes à leur encontre. Pour échapper à une destruction totale, les zoroastriens réussirent à faire passer leur religion pour une « religion du Livre » 1 : Ahura Mazdā était bien un Dieu unique, Zarāthoustrā un prophète et l’Avesta un texte sacré ! Pendant les « deux siècles de silence », il ne restait guère plus que quelques copies de l’Avesta. Mais dans les montagnes du Khorāssān, dans les antiques domaines des grandes familles parthes, on restait attaché à l’ancienne religion perse comme un symbole revendiqué d’indépendance face aux Arabes et à l’islam. Certains de ces Iraniens qui refusaient le nouvel ordre établi préférèrent l’exil à la soumission, et ils trouvèrent finalement refuge en Inde.

L’aventure des Parsis fut à maintes reprises comparée à celle des Puritains du Mayflower au xviie siècle, et leurs success stories économiques et sociales se ressemblent effectivement beaucoup. Indéniablement, les grandes qualités des Parsis pour le commerce et l’industrie contribuèrent à faire d’eux les artisans du développement et de la richesse de Bombay – l’entreprise Tata fut d’ailleurs fondée par une famille parsie – et leur zoroastrisme ancestral, où la réussite est louée comme une action positive et recommandée pour rendre grâce à Ahura Mazdā, y est largement pour quelque chose. Liée à Dieu et aux forces célestes, tout en étant farouchement de ce monde, la philosophie de Zarāthoustrā est un puissant équilibre qui n’est pas sans rappeler certains aspects du protestantisme, et qui a nourri la vitalité et l’instinct de survie de ses adeptes.

Aujourd’hui, les Parsis sont entre cent dix et cent vingt mille de par le monde, soixante-dix mille en Inde autour de Bombay, six mille cinq cents aux États-Unis, quatre mille cinq cents au Canada, quatre mille en Grande-Bretagne et trois mille au Pakistan2 . Plus étonnant encore, en Iran même, un mouvement dit « néozoroastrien » fait depuis trente ans des adeptes toujours plus nombreux. Déçus par la Révolution islamique, par l’islam lui-même, de plus en plus de jeunes en particulier s’en détournent pour retourner à la religion préislamique de leurs ancêtres perses3 . L’interdiction absolue de renier l’islam sous peine de mort obligeant à l’exil, on trouve ces néo-zoroastriens en Turquie ou dans le monde occidental, où ils seraient, selon certains chiffres, près de douze millions. Bien sûr, la philosophie joyeuse de Zarāthoustrā s’est considérablement simplifiée depuis la haute Antiquité : le feu n’a plus qu’une valeur symbolique, les deux rituels d’importance restent la conversion et le mariage, et la façon de prier est totalement libre. Mais comment ne pas être séduit par une pensée existentielle où tout moment de joie, toute fête est en soi une prière et une action de grâce, et où la liberté de conscience est sacrée ?

  1. 1 Théoriquement, seuls le judaïsme et le christianisme pouvaient être concernés, en raison de caractéristiques et de prophètes communs avec l’islam.
  2. 2 Chiffres : Khosro Khazai Pardis, in Les Gāthās, op. cit.
  3. 3 On trouve de très riches sites Internet traitant de ce zoroastrisme modernisé, ainsi le Centre européen d’études zoroastriennes (www.gatha.org), son homologue américain (www.californiazoroastriancenter.org) et bien sûr de nombreux sites en persan sur le sujet.

Extrait de "De la Perse à l'Iran : 2500 ans d'histoire" par Ardavan Amir-Aslani, publié aux Editions de l'Archipel. Pour commander le livre, cliquez sur l'image.

De la Perse à l'Iran

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