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Ce que réserve l’avertissement glaçant de Xi Jinping à Taiwan pour l’avenir de l’Asie du sud-est… et le notre
©Greg Baker / AFP

Quand la Chine montre les dents

Lors d'un discours prononcé en clôture de la session annuelle du parlement, Xi Jinping a déclaré que la Chine souhaitait une réunification pacifiste de la "mère patrie", tout en indiquant que toutes actions ayant pour objectif de diviser la Chine sont vouées à l'échec et rencontreront la condamnation du peuple et la punition de l'histoire. Pékin ayant la volonté, la confiance et la capacité de battre toute activité séparatiste, selon les mots du président chinois.

Emmanuel Dubois de Prisque

Emmanuel Dubois de Prisque

Emmanuel Dubois de Prisque est chercheur associé à l'Institut Thomas More et co-rédacteur en chef de la revue Monde chinois nouvelle Asie.

 
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Lors d'un discours prononcé en clôture de la session annuelle du parlement, Xi Jinping a déclaré que la Chine souhaitait une réunification pacifiste (pacifique ?) de la "mère patrie", tout en indiquant que toutes actions ayant pour objectif de diviser la Chine sont vouées à l'échec et rencontreront la condamnation du peuple et la punition de l'histoire. Pékin ayant la volonté, la confiance et la capacité de battre toute activité séparatiste, selon les mots du président chinois. Quelle est la signification de la déclaration chinoise à l'égard de Taiwan, notamment pour l'avenir ? Comment anticiper la situation ?
Emmanuel Dubois de PrisqueRappelons en préambule qu’il ne peut y avoir de « réunification » entre la République Populaire de Chine (la Chine continentale) et la République de Chine (Taïwan) puisque ces deux régimes n’ont bien entendu jamais été unis. Taïwan n’a en outre jamais été contrôlé par la RPC qui a succédé à la République de Chine sur le continent en 1949, alors que les forces nationalistes de Tchang Kaï-chek se repliaient sur Taïwan, un territoire qui sortait quatre ans plus tôt d’une colonisation japonaise longue de soixante ans. La démocratie est aujourd’hui solidement ancrée à Taïwan, et si la culture dominante y est bien sûr chinoise, la population de l’île n’a aujourd’hui aucune volonté d’intégrer une Chine dont le régime est de plus en plus totalitaire.
Cette martiale déclaration de Xi Jinping à l’orée de son deuxième mandat à la présidence de République Populaire de Chine vise à intimider Taïwan et à manifester sa résolution à remplir la mission historique que le PCC s’est lui-même fixé « d’unification » de la patrie. Mais si l’on en croit les analystes proches du Parti, cet avertissement est dirigé tout autant aux États-Unis qu’au gouvernement taïwanais. Le président Trump vient de signer le "Taiwan travel act" qui prévoit de faciliter et d’élever le niveau des échanges diplomatiques entre Washington et Taipei. Auparavant, fait assez rare pour être souligné, ce projet de loi initié par la Chambre des représentants avait été adopté à l’unanimité par les deux chambres américaines. Donald Trump n’était guère en mesure de refuser sa signature, même si celle-ci risque de nuire aux relations avec la Chine dans le délicat contexte actuel de montée de tensions sur le front des relations commerciales.
Alors que l'hostilité de Pékin s'est faite grandissante depuis l'élection du président Tsai Ing-wen en 2016, mais également en raison du renforcement des liens entre Taipei et Washington, quelles sont les conséquences de l'ambition chinoise sur l'Occident ? Quels sont les enjeux de la question taïwanaise ? A plus court terme, quels sont les risques potentiels d'escalade ?
A court terme, les risques d’escalade sont limités. Il est possible que des contrats de fourniture d’armes (la location de F-15c de seconde main par exemple) soient conclus entre Washington et Taipei. Si cela devait se produire et malgré les coups de mentons de Xi, il est peu probable que la Chine envisage autre chose que les protestations habituelles. De fait la situation est extrêmement délicate pour la Chine sur le dossier taiwanais car si les États-Unis étaient suivis dans leur nouvelle politique de reconnaissance progressive et limitée de la réalité de la souveraineté taïwanaise, il deviendrait de plus en plus difficile pour Pékin de maintenir aux yeux du monde la fiction de la Chine unique. En effet, la Chine ne revendique pas Taïwan, la Chine prétend que Taïwan lui appartient, et veut que le monde avec elle prétende la même chose, sans égard pour la durable réalité de l’indépendance de fait de Taïwan. Ce n’est pas la réalité de l’indépendance taïwanaise que Pékin redoute, mais la reconnaissance de cette réalité déjà-là par la communauté internationale. C’est une différence essentielle que nous peinons à comprendre. Sur le long terme ce mensonge est cependant intenable. La « réunification pacifique », phase ultime de la mission dont l’objet est la « renaissance » de la nation (ou de la « race ») chinoise est un vœu pieu auquel Pékin feint de croire, car la seule autre possibilité est la guerre. Celle-ci est d’ailleurs « prévue » par une loi votée en 2005, la loi dite « anti-sécession » par laquelle la Chine s’autorise à utiliser la force contre Taïwan. Un jour l’abcès taiwanais crèvera : soit la reconnaissance de l’indépendance de fait de Taïwan sera générale et acceptée par la Chine, soit la Chine tentera un coup de force et contrôlera de fait Taïwan. Cette deuxième hypothèse est d’une faible probabilité, mais qui augmente avec le temps. Les Taïwanais favorables à l’unification sont de moins en moins nombreux, alors que Pékin entretient la fiction selon laquelle sa politique d’ouverture économique et culturelle à l’égard de la population taïwanaise porte des fruits que la Chine sera en mesure de récolter un jour, sous la forme d’un consentement de cette population à l’unification. Les trajectoires d’une Chine de plus en plus irrédentiste et de Taïwan de plus en plus souverainiste sont inconciliables. Il appartient au reste du monde de savoir s’il doit continuer à avaliser les fictions de Pékin dans le souci de complaire à une Chine de plus en plus puissante et intimidante, au risque de sacrifier la liberté et la sécurité d’une démocratie de 23 millions d’habitants. Paradoxalement, les États-Unis de Trump, qui ne prétendent pas donner le ton de la politique internationale, sont plus libres que les États-Unis d’Obama pour mener une politique affranchie d’un certain conformisme diplomatique qui se pare des atours avantageux de la responsabilité pour éviter d’agir.

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