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Harry, l’agent double : cet Américain a l’origine du renouveau du capitalisme occidental qui était en fait un espion soviétique
©Wikimédia

Révélations

Harry Dexter White a été un des plus grands économistes américains du siècle dernier, et l'un des principaux artisans de la mise en place des accords de Bretton Woods, du FMI et de la Banque mondiale. Pourtant, il est aussi accusé d'avoir été un espion au service de l'URSS.

Attention révélations ! Le FMI, symbole par excellence du capitalisme moderne, a été créé par un communiste convaincu ! Les accords de Bretton Woods ont été mis en place grâce à la participation de ce même communiste. La Banque mondiale a été imaginée par cet économiste américain, dont les accointances avec les Soviétiques étaient connues de tous. Comment autant de situations si paradoxales ont-elles existé ? Comment le système monétaire mondial tel qu'il existe actuellement a-t-il été pensé par un des plus grands espions soviétiques que la Guerre froide ait connu ? Les réponses à ces questions se trouvent dans la biographie de Harry Dexter White, l'un des économistes américains les plus renommés du siècle dernier. Mais aussi, selon un certain nombres de sources, dont le FBI et les archives soviétiques, un espion à la solde de Moscou. Retour sur une vie palpitante.

Né en 1892, Harry Dexter White est à l'origine un banal employé du Trésor américain au milieu des années 1930. Mais il est l'un des premiers à réfléchir à la création de bases économiques permettant la mise en place d'une paix mondiale durable. Ainsi, avec son homologue britannique John Maynard Keynes, ils se lancent dans la construction d'un "New Deal pour un monde nouveau". Ainsi, selon son analyse, les gouvernements devraient avoir plus de pouvoir sur les marchés, mais moins de prérogatives pour les manipuler. Le commerce serait à l'avenir mis au service de la coopération politique en mettant fin à la pénurie de l'or et de dollars américains. Harry Dexter White estime aussi qu'un nouveau Fonds monétaire international (FMI) permettrait de s'assurer que les taux de change n'ont pas été manipulés pour obtenir un avantage concurrentiel. De quoi empêcher les dictateurs en herbe d'utiliser des barrières aux échanges, de se servir de la monnaie comme outil d'agression économique et ainsi de ruiner leurs voisins et d'attiser une éventuelle guerre.

Pas assez de preuves

Une débauche d'énergie telle que, bien que sans jamais avoir obtenu de titre officiel au nom ronflant, White possède, en 1944, une réelle influence sur les politiques économique et étrangère des États-Unis. Arrogant et intimidant, Harry Dexter White est aussi nerveux car il est parfaitement conscient que son statut est précaire à Washington. Il dépend entièrement de ses bonnes relations avec le secrétaire au Trésor Henry Morgenthau, un confident du président Franklin Roosevelt. Et c'est ainsi, que malgré les propositions de Keynes, le 22 juillet 1944, dans la ville de Bretton Woods aux États-Unis, après trois semaines de débats, furent signés les accords économiques du même nom qui définissent encore le système monétaire actuel. Cependant, à l’époque, et ce depuis quelques temps déjà, White est surveillé de près par le FBI. En effet, il est soupçonné de faire passer des informations confidentielles aux membres du Parti communiste des États-Unis qui, à leur tour, les feraient parvenir en Union soviétique.

Depuis le milieu des années 1930, White agit en effet comme une taupe soviétique, donnant aux Soviétiques des informations secrètes et des conseils sur la façon de négocier avec l'administration Roosevelt et plaider pour eux au cours de débats politiques internes. Toutefois, jamais, faute de preuves, il ne fut poursuivi en justice. Cependant en 1999, une partie des archives secrètes du KGB soviétique ont été déclassifiées. Parmi celles-ci, certaines font très clairement référence à White. Il y apparaît comme un informateur privilégié de l’Union soviétique, mais également comme un de ses agents actifs aux États-Unis les plus précieux. Une autre preuve que White était bel et bien une taupe vient d'être publiée par Ben Steil dans le magazine Foreign Affairs. Celui-ci a mis la main sur un essai inédit de White intitulé "Politique économique international du futur". Il y affirme, entre autres, que l'Occident est hypocrite dans sa diabolisation de l'Union soviétique. Il exhorte les États-Unis de tirer les Soviétiques dans une alliance militaire étroite en vue de dissuader une agression des Allemands et des Japonais. Il termine son essai avec ce qui, venant d'un des plus importants stratège économique du du gouvernement américain, ne peut être décrit comme une conclusion étonnante : "La Russie est le premier exemple d'une économie socialiste en action. Et ça marche !"

En dehors de tout réseau

Ainsi, le concepteur de l'architecture financière et capitaliste de l'après-guerre croyait en réalité dur comme fer en une économie socialiste telle que développée par l'URSS. Selon Whittaker Chambers, un messager entre les services de renseignement soviétiques et leurs sources secrètes au sein du gouvernement américain, le travail clandestin de Harry Dexter White a débuté en 1935. Cependant, semble-t-il, White travaillait en dehors de tout réseau, de tout mouvement clandestin. Il ne recevait pas d'ordres directs de Moscou mais collaborait dès qu'il estimait qu'une information était utile à dévoiler. Il joue tellement bien son double rôle que Truman, qui a succédé à Roosevelt, le nomme, en 1946, comme directeur du FMI aux États-Unis. Cependant, peu de temps après, le directeur du FBI, J. Edgar Hoover envoie un rapport au président Truman dans lequel il l'accuse d'espionnage. Hoover estime qu'il ne faut pas rendre ces informations publiques, mais la situation oblige White à démissionner au printemps 1947.

En août 1948, il nie vigoureusement toute implication dans un réseau d'espionnage devant les membres de la Commission de la Chambre sur les activités anti-américaines. "Mon credo est le credo américain. Je crois en la liberté de religion, la liberté d'expression, la liberté de pensée, la liberté de la presse, la liberté de critique et de la liberté de mouvement. Je crois en l'objectif de l'égalité des chances... Je crois en la liberté de choix de ses représentants au sein du gouvernement, non entravée par les mitrailleuses, la police secrète, ou d'un État policier. Je suis opposé à l'utilisation arbitraire et injustifiée du pouvoir ou de l'autorité de quelque source ou contre tout individu ou groupe...Je considère que ces principes sont sacrés. Je les considère comme la structure fondamentale de notre mode de vie américain, et je crois en eux comme des réalités vivantes, et non pas comme de simples mots sur le papier... Je suis prêt à toutes les questions que vous pourriez poser " déclare-t-il devant les juges.Trois jours après ce témoignage, Harry Dexter White est retrouvé mort dans sa résidence. Version officielle : crise cardiaque. Version soutenue par quelques conspirationnistes : il a été liquidé par les services secrets soviétiques. Ainsi White n'a jamais avoué publiquement être une taupe. De quoi faire naître bon nombres de fantasmes.

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