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L’UE, ce zombie politique : le consternant défaut de solidarité européen à Theresa May face à Vladimir Poutine
©DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

My friends, where are you ?

A la suite de l'affaire de Salisbury, les dirigeants européens n'ont apporté un soutien que bien timide à la Première ministre britannique.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Suite à l'attaque de Salisbury, les dirigeants européens n'ont apporté un soutien à Theresa May, le plus souvent, qu'au travers de leurs portes paroles, ou de communiqués, montrant un niveau de solidarité pouvant être qualifié de timide avec Londres. Comment expliquer cette situation ? Le cas actuel du Brexit pourrait-il expliquer cette fébrilité européenne ?

Edouard Husson : Je précise d’emblée que je suis très sceptique sur le fond de l’affaire. A quelques jours de sa réélection à la présidence, Poutine a certainement plus intelligent à faire que de se préoccuper d’un ancien agent russe. Ou alors il faudrait imaginer qu’il espérait susciter une réaction occidentale pour solidariser encore la population russe avec lui à une semaine de l’élection. Le problème des théories du complot c’est qu’elles imaginent une omniscience assez grotesque du grand manipulateur. Et surtout il y a toujours une contradiction nichée quelque part: ce grand manipulateur n’aurait en l’occurrence pas réussi à tuer sa victime; donc il n’a pas tous les pouvoirs qu’on lui prête. A partir de là, je ne sais pas quelle option choisir: Theresa May croit-elle vraiment que c’est un coup de Moscou? Ou bien a-t-elle besoin d’une crise internationale pour ressouder ses troupes? J’ai toujours du mal à croire que les gens qui gouvernent nos pays et qui démontrent souvent des capacités d’analyse au-dessus de la moyenne, puissent sérieusement croire à leur théorie du complot. Dans le cas des dirigeants de l’Union Européenne, on a tout de même une certitude: qu’ils croient ou non à la malignité de Moscou, ils ne sont pas prêts à se solidariser avec Theresa May. Il faut punir la Grande-Bretagne pour le Brexit. Ils ont tort car à force d’humilier Theresa May, ils vont se retrouver un jour avec un gouvernement britannique beaucoup plus dur en négociation. 

Dans un contexte ou Donald Trump s'est exprimé directement sur le sujet, et ou Theresa May répond avec force, qu'est-ce que les européens ont à perdre à ne pas s'emparer plus "vigoureusement" du cas de l'attaque de Salisbury ?

Etant donné que la russophobie est partagée par Américains, Britanniques et Européens continentaux - en tout cas les gouvernants -  effectivement, l’attitude attendue serait de réagir de manière solidaire. On se demande ce que signifie l’OTAN si on ne réagit plus à l’unisson des deux côtés de l’Atlantique. Mais l’Europe s’est lancée dans une guerre idéologique. Les dirigeants européens en place accordent plus d’importance au conflit entre individualistes et conservateurs qu’à l’enjeu de défense de la démocratie contre les régimes autoritaires. Au moment où le régime chinois se durcit bien plus que le régime de Poutine - il n’y a aucune comparaison possible entre le régime à la Napoléon III du président russe et le néo-totalitarisme en train de se refermer sur la Chine - les dirigeants européens sont en train de perdre sur tous les tableaux. La Chine comprend qu’il y a deux poids deux mesures: elle est trop puissante pour qu’on lui reproche son régime néo-maoïste. La Russie comprend que si on la menace c’est qu’elle apparaît comme encore fragile et, donc, elle se met à réarmer systématiquement. Quant à la Grande-Bretagne, elle est mise en quarantaine pour populisme aggravé alors qu’elle a été capable, d’ores et déjà, de passer du populisme au conservatisme: il est un moment où le peuple britannique, blessé dans sa fierté, rejettera beaucoup plus violemment encore  l’UE.

Qu'est-ce que les dirigeants européens, Emmanuel Macron et Angela Merkel en tête, auraient à gagner à s'investir totalement dans cette solidarité avec Londres ?

L’Union Européenne est la première responsable du Brexit. David Cameron avait, fin 2015, fait la tournée des capitales européennes et demandé avec insistance qu’on lui fasse des concessions, par exemple en matière de contrôle de l’immigration. Il fut ignoré et le Brexit l’a emporté. Actuellement, les chefs d’Etat et de gouvernement, dont les traités européens disent que c’est à eux de négocier la sortie d’un membre de l’Union, ont abandonné leur prérogative à la Commission Européenne. Cela donne une négociation bancale: là où il faudrait sortir rapidement d’une impasse politique, on substitue une négociation de type technocratique au bout de laquelle les deux côtés auront laissé beaucoup d’énergie pour un maigre résultat. C’est ce qui vous explique, d’ailleurs, le réflexe sur l’affaire de Salisbury: les gouvernants européens abandonnent les relations avec la Grande-Bretagne à la Commission Européenne - qui n’a aucune expertise en matière de crise de la diplomatie. 

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