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2012, la guerre des meetings
de plein air
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Oxygène

Avec la Bastille, le Capitole ou la plage du Prado, Jean-Luc Mélenchon a imposé un must du meeting 2012 que les autres candidats (en ayant les moyens) se sont empressés d'adopter. Mais s'agit-il vraiment du meilleur moyen de convaincre les indécis ?

Paula Cossart

Paula Cossart

Paula Cossart est sociologue à l’Université Lille 3 (CeRIES), membre de l’Institut Universitaire de France, et auteure de Le meeting politique. De la délibération à la manifestation (Presses Universitaires de Rennes, 2010). Elle participe aux recherches du groupe SPEL, associant enseignants-chercheurs et étudiants de plusieurs régions pour suivre les meetings électoraux

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À l’heure où j’écris, s’achève le meeting de Mélenchon sur les plages du Prado. Après la Bastille et la place du Capitole, le candidat qui a dès juin lancé sa campagne en plein air place de la Bataille de Stalingrad, continue de faire sortir les réunions des salles où elles avaient l’habitude de se tenir. Attrait de l’extérieur qui rappelle qu’on est au Front de Gauche entre campagne électorale et lutte sociale. Si l’objectif est de conquérir des votes, des échos existent aussi avec les assemblées des Indignés, le Printemps arabe, la tradition de la gauche syndicale.

De façon générale, les meetings en plein air ont l’avantage de donner à voir directement la capacité de rassemblement, de pouvoir réunir plus de monde que dans les salles, d’éviter leur coûteuse location, de prendre un caractère festif, de laisser plus de liberté aux participants. Ils permettent surtout de toucher des non-militants : ceux qu’il faut convaincre et qui pénètrent rarement dans les salles. Banalité dans les pays anglo-saxons depuis le 19e siècle, ils ne l’étaient pas en France, même si des précédents ont existé. On a souvent en tête le célèbre meeting de Jaurès en 1913 au Pré-Saint-Gervais.

Cette extériorisation des meetings a aussi marqué la campagne de Hollande, ses meetings de plein air se faisant jusqu’ici moins massifs. Du côté des organisateurs et porte-paroles, le discours est plutôt celui d’une quête de nouveauté, de changement : « donner de l’air ». Il s’agit aussi de se montrer proche des gens, renouant ainsi avec le registre de la proximité devenu une injonction de la vie politique depuis des années.

Ce n’est pas de ce registre que relèveront les meetings de ce dimanche, opposant Hollande à Vincennes et Sarkozy à la Concorde, deux lieux symboliquement marqués. Si côté socialiste, on insiste sur le caractère festif de la rencontre, et côté UMP, on affirme ne pas faire un contre-meeting en réaction à celui du PS, reste que le lexique belliqueux est bien diffusé par les médias : « guerre », « combat », « duel ». De fait, le meeting se fait ici largement démonstration de force, par le nombre assemblé notamment.

On est alors loin de l’idéal qui a inspiré les républicains à l’origine de la loi de 1881 sur la liberté de réunion, encore en vigueur. Il s’agissait alors de valoriser le débat : dans les réunions contradictoires de l’époque, les candidats confrontaient leurs idées face à un public divisé. Il s’agissait aussi, dans une peur des foules, de maintenir la participation du peuple en dehors de la voie publique. « Les réunions ne peuvent être tenues sur la voie publique », dispose l’article 6 de la loi.

Mais dès l’entre-deux-guerres, avec la formation des partis politiques, les meetings se sont déjà transformés en manifestations de force. Ceci avec un risque, surtout lorsqu’ils sortent des salles, comme en atteste à l’extrême, le drame de Clichy du 16 mars 1937 : ce soir là, une contre-manifestation de la gauche y est organisée contre la tenue d’une réunion du PSF d’extrême-droite. Des heurts ont lieu avec la police, faisant barrage. Elle tire sur la foule : 6 morts, 200 ou 300 blessés.

Aujourd’hui, tandis que ce tiennent ces grands meetings concurrents, de plus petites réunions publiques continuent d’être organisées. On en parle peu alors qu’elles sont sans doute autant sinon plus à même de convaincre les indécis : comme celle tenue le 29 mars par le Front de Gauche à l’Université Paris 11. Devant une centaine de personnes, les discours, de Pierre Laurent notamment, ont porté en grande partie sur des thèmes peu ou pas abordés dans les grands meetings (ici l’enseignement supérieur et la recherche), qui concernent directement les participants. Surtout, ces derniers ont pu intervenir par des questions : pas par des applaudissements, des cris, des chants.

De façon générale, la campagne aura été marquée par un regain d’intérêt pour les meetings par rapport à la précédente présidentielle, où on pouvait titrer quand débutait la précampagne : « Les meetings politiques n’ont plus la cote » (La Croix, 25 septembre 2005). Il faut dire qu’ils ont depuis connu du neuf, au-delà de la sortie des salles : la retransmission en direct via les chaînes d’information en continu, le rôle des réseaux sociaux, type twitter, permettant aux meetings d’être relayés aussi par les participants et pas uniquement par les médias (auxquels ils doivent une large part de leur impact), sans parler du meeting participatif virtuel que lance Cheminade ce dimanche.

Élément essentiel de toute élection, les meetings entretiennent plus généralement l’espérance des militants et sympathisants, leur procurent le plaisir d’être ensemble. Sans doute donnent-ils aussi aux candidats le courage nécessaire à une campagne. Bien sûr, ils permettent fondamentalement aux participants de manifester leur soutien au public élargi touché à travers les médias.

« Alors qu’en 1962 les réunions (…) n’avaient attiré partout qu’un très faible nombre d’électeurs, l’inverse s’est produit cette année : (…) on a signalé une renaissance très nette de cette forme traditionnelle de propagande et d’information politiques », écrivait François Goguel à propos des élections législatives de 1967. La fluctuation de l’intérêt pour les meetings n’est, elle, pas une nouveauté.

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