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 MM. Hulot, Darmanin et les autres : à quelles boussoles éthiques et philosophiques se fier pour se forger un avis quand la justice ne donne pas de réponse ?
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Un peu de sagesse

Nous visons en démocratie, que nous voyons sage, bonne, vertueuse, non tyrannique, non violente, non dictatoriale. Mais elle est aussi ce que Platon appelle "le gros animal" sous la forme de l’opinion publique passionnelle.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Atlantico : Suite à la révélation de l’affaire Nicolas Hulot, qui a été démentie par ce dernier, la presse, les politiques ainsi que les citoyens sont pris entre la nécessité d’écouter la parole des victimes et le fait de devoir aussi respecter la présomption d’innocence. Dans le monde actuel, soumis à la logique de l’emballement médiatique qui semble inévitable, comment faire face philosophiquement à cette double injonction ?

Bertrand Vergely :  Nous avons affaire aujourd’hui à trois phénomènes nouveaux. 1) Premier phénomène nouveau : celui de la démocratie digitale. La démocratie ne s’exprime plus simplement par la parole à travers la radio, par l’image à travers la télévision. Elle s’exprime par le message à travers Internet, Twitter et Facebook. De ce fait, la caisse de résonance médiatique est démultipliée par les nouveaux outils de communication qui surajoutent de la résonance à la résonance déjà existante. 2) Deuxième phénomène nouveau : l’utilisation par le féminisme de la caisse de résonance donnée par la nouvelle communication à travers le fait de mettre sur la place publique les affaires de harcèlement et de viol que subissent un certain nombre de femmes. La délation, la « balance » sont utilisées comme armes politiques de lutte, d’émancipation et de libération.  3) Troisième phénomène : le fait que,  ce que l’on appelle le secret de l’instruction est régulièrement violé par les medias qui empiètent aujourd’hui sur le domaine de la justice en devenant un tribunal populaire spontané et  permanent. Mettons bout à bout 1) La caisse de résonance médiatique, 2) l’utilisation par le féminisme de cette caisse de résonance, 3) enfin le plaisir qu’ont les medias à jouer le rôle de tribunal populaire spontané et permanent. On aboutit à ce à quoi nous assistons à savoir un déchaînement de l’opinion et une mise à mort sociale non pas d’un citoyen mais des grands de ce monde, les grands de ce monde étant les célébrités ou les hommes politiques. Notre monde veut la démocratie. On entend par démocratie le pouvoir donné au peuple qui est le souverain en dernière instance. Nous avons aujourd’hui la démocratie. Sauf qu’elle n’est pas ce que l’on croit. On la pense sage, bonne, vertueuse, non tyrannique, non violente, non dictatoriale. Erreur. La démocratie n’est pas simplement la volonté générale inspirée par le souci de l’humanité envers l’humanité. Elle est aussi ce que Platon appelle le gros animal sous la forme de l’opinion publique passionnelle. On se demande aujourd’hui quoi faire quand  on a affaire à des affaires comme celle concernant Nicolas Hulot : donner la parole aux victimes de harcèlement ou respecter la présomption d’innocence.  Tel quel le problème est indécidable le problème étant beaucoup plus profond. Dans L’esprit des lois Montesquieu explique qu’il n’y a pas de République sans vertu. La démocratie devrait être une sagesse  permanente. On en a fait non seulement un droit mais un dû. Résultat nous sommes confrontés à ce à quoi nous avons affaire aujourd’hui : la violence démocratique menée au nom de la démocratie par des esprits sans culture et sans morale se proclamant juges de l’humanité. La démocratie est en train de mourir, tuée par la démocratie elle-même. Après l’affaire Fillon, l’affaire Hulot en attendant toutes celles qui ne vont pas manquer de suivre,  en est le témoignage. La solution existe. Dans trois éléments. 1) L ‘éducation, éduquer voulant dire enseigner les règles de la politesse. 2) L’instruction, instruire voulant dire connaître les savoirs fondamentaux qui permettent de vivre l’harmonie corps-âme-esprit  permettant à l’être humain de vivre de façon juste avec lui-même et avec ses semblables. 3) L’enseignement, l’enseignement étant l’ouverture de nous-mêmes comme capacité de présence à l’existence en étant centré et aligné intérieurement. La démocratie est le gouvernement des dieux et non des hommes, rappelle Rousseau au début du Contrat social. Si nous voulons sauver la démocratie il va falloir apprendre à devenir des dieux.

Quels seraient les auteurs philosophiques à lire ou à relire afin d’aborder cette question Quelles sont leurs leçons ?

Il n’y en a qu’un seul : Platon. Au livre VIII de la République tout est dit à propos de la démocratie et de ses dangers et dans la République en général tout est dit pour y faire face. Platon a pensé que le monde devait être guidé par la philosophie la philosophie consistant à respecter l’ordre spirituel de la réalité en permettant d’aller du monde matériel au monde spirituel en passant par le monde humain et personnel. Tout ce qui a été fait depuis des décennies en philosophie a été fait contre Platon, l’individualisme absolu le libre choix absolu, le mixte libéral-libertaire étant la règle d’un monde sans règle. On en récolte les fruits. Le monde devient un monde explosé qui ne sait plus comment se rassembler. Les énergies qui sont en l’homme au lieu d’être créatrices sont chaotiques et deviennent des forces de mort se retournant contre leurs détenteurs. C’est Platon qu’il faut relire pour apprendre à remettre la cité dans son axe en harmonisant les forces matérielles, humaines et spirituelles qui sont en elle et qui font sa richesse quand elles sont vécues de façon juste.

Du citoyen au responsable politique en passant par les medias, de l’accusé à la victime, quel doit être le rôle de chacun ?

La chose la plus importante de la vie est d’être juste. Être juste cela veut dire mettre l’existence en place en ordonnant tous les éléments qui sont en elle. Ne pas prendre la réalité à brûle pourpoint comme on le fait, à partir de soi, sans aucune règle et sans aucune base.  Etre juste cela veut dire découvrir l’ordre juste par rapport à la sexualité, à la relation homme-femme, à la justice, à la citoyenneté. Cet ordre juste existe au fond de chacun de nous. Devenons présent à nous-mêmes en écoutant l’être qui vit en nous. L’homme juste se met à se révéler, à parler et à guider. Il devient alors possible de parler de tout et d’être enseigné et notamment de tirer profit des erreurs et des fautes que l’on fait au lieu de vivre les erreurs et les fautes dans un climat d’hystérie comme c’est actuellement le cas, dans la plus grande souffrance, la plus grande violence et le plus grand mal être qui soit.

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