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Sites de rencontre : quand les Français se confessent sur leurs nouvelles (et moyennement avouables) habitudes
©Reuters

E-Amour

Un enquête Ifop menée pour Lacse, testeur de sites de rencontre montre une vraie démocratisation de la pratique chez les Français.

François  Krauss

François Krauss

Directeur des études à l'IFOP

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Atlantico : Selon votre " Enquête sur des pratiques et usages des Français sur les sites et les applications de rencontre" (IFOP-LACSE), seuls 57% des utilisateurs de sites de rencontre déclarent être parvenus  à rencontrer "quelqu'un en vrai". Comment expliquer ce faible taux ? Quelles sont les leçons à tirer des catégories de "ceux qui y arrivent" et de ceux qui n'y arrivent pas" ? 

François Kraus : Ce qui est intéressant dans cette enquête, c’est que contrairement à ce que racontent la plupart des sites dans leurs publicités, il est très difficile d’obtenir une « date » avec quelqu’un. Dans ce genre de mode de rencontre, il y a déjà une plus grande difficulté des hommes hétérosexuel à rencontrer quelqu’un dans la vraie vie (que 48%, donc à peine moins d’un sur deux qui a déjà réussi et qui présente souvent un profil plus âgé, avec un faible capital scolaire et souvent milieu rural. Ils sont plutôt en bas de l’échelle. Ces personnes ressemblent un peu à ceux qu’on trouve dans le bonheur est dans le pré, des personnes qui n’ont pas un capital social, culturel ou économique qui fasse fantasmer. Pour eux, cela reste difficile de trouver un partenaire ou d’essayer d’avoir une date sur ce genre de sites. 

A l’inverse, on observe que plus les femmes ont un capital social, scolaire ou culturel élevé, plus elles ont des difficultés à rencontrer quelqu’un en vrai. C’est toujours intéressant d’observer ce décalage. 

D'un point de vue général, on peut observer que les hommes CSP - y arrivent "moins" que les CSP +, un résultat inverse de la situation des femmes, ou les CSP -atteignent les meilleurs "scores" de rencontres. Quels sont les autres points de votre enquête qui peuvent renforcer cette analyse de discrimination sociale inversée entre hommes et femmes? 

Naturellement, qu’on soit homme ou femme, il faut bien savoir que le niveau socio-culturel du partenaire est un critère fondamental, c’est le premier critère de choix, la première d’homogamie dans le couple. Mais pour les hommes, trouver un partenaire qui a niveau socio-culturel inférieur mais qui « compense » par un capital physico-esthétique supérieur, ce n’est pas un problème. En revanche pour les femmes cadres très diplômées, c’est toujours compliqué de trouver des partenaires du même rang qu’elles. Eux contrairement à elles se contentent plus facilement de femmes aux niveau social ou culturel inférieur. C’est une constante dans les enquêtes de sociologie ou de comportement sexuel depuis quelques 1958. Ce qui est intéressant d’observer, c’est que c’est toujours difficile pour des hommes âgés appartenant à des milieux sociaux qui ne font particulièrement rêver les femmes. 

Les site de rencontres accentue ou diminue cette tendance ?

La question de l’homogamie est compliquée à établir : il y a un peu moins d’homogamie au sens strict sur les sites de rencontres parce qu’on quitte son réseau de rencontre habituel qui est amical, professionnel, estudiantin, familial ou de voisinage. On voit donc plus d’écart, mais c’est limité, il n’y a pas de couple où une chef d’entreprise va trouver un ouvrier. On sort un peu plus donc du cercle habituel de ses relations. 

La pratique s’est généralisée : a-t-elle pour autant fait diminuer l’homogamie ?

Une des principales informations de l’enquête, au delà de celle qui montre qu’il y a une progression lente, c’est qu’il y a une démocratisation des sites de rencontre. Il y a quelques années, l’archétype du consommateur c’était un urbain, CSP +, diplômé, travaillant en entreprise ou ayant fait des études longues. Désormais, les sites de rencontre sont autant peuplés par des catégories populaires de type employé ou ouvriers que par des cadres et professions intellectuelles supérieures. Cela tient naturellement à la généralisation des outils numériques dans toutes les couches de la population mais surtout on observe que les sites de rencontre sont désormais investis par des hommes appartenant aux catégories populaires au même titre que tous les autres types de lieux de rencontres ouverts. Il existe en effet des sites de rencontre « ouverts » où chacun peut se rendre facilement ou des lieux de rencontre « fermés » telles des soirées entre amis, des soirées privées, ou des lieux qui sont plus fermés comme les entreprises, les grandes écoles et universités etc. où globalement il y a un phénomène de sélection. On observe donc que cette démocratisation des sites de rencontre s’est accompagnée d’une segmentation du marché du dating avec la multiplication du phénomène de niches qui reproduisent pour les CSP + le phénomène d’entre-soi, on l’a vu avec des sites de type Elite Rencontres et tous les sites du même genre, connus pour être exigeants pour la sélection, avec des système de recommandation, de vote interne. On est alors un peu dans la reproduction du club à l’anglaise où on sélectionne sur des critères sociaux ou culturels. On observe donc que le site de rencontre s’est démocratisé, n’est plus limité à des CSP+, mais les CSP+ on toujours tendance à se retrouver dans des sites qui leurs ressemblent afin de ne pas se mélanger avec des gens qui ne les intéressent pas. 

Qu’en est-il des phénomènes d’addiction aux sites de rencontre ?

L’addiction aux rencontres éphémères via des applis de rencontres est loin d’être un phénomène marginal : un utilisateur sur six (16%) admet avoir déjà eu l’impression d’y être « addict » et 13% déclarent que des proches leur ont déjà dit qu’ils en étaient dépendants.* Bien décrite dans la BD "Love addict" de Koren Shadmi, cette dépendance a donc déjà été ressentie directement ou indirectement par près de trois utilisateurs sur dix (29%). Affectant plus d’hommes (19%) que de femmes (12%), le sentiment personnel d’addiction s’avère quant à lui très fort aux âges où l’on cherche moins à se mettre en couple qu’à multiplier les expériences : 23% chez les trentenaires (30-39 ans), jusqu’à 27% chez les hommes de cet âge

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