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Les prédictions… et la réalité : petites nouvelles des pays auxquels on promettait l’enfer économique et politique après la victoire des “populismes”
©NICHOLAS KAMM / AFP

Décalage

Malgré les craintes des observateurs, les signaux semblent être au vert dans les pays dont la politique est jugée "populiste" ou "nationaliste".

Jean-Philippe Vincent

Jean-Philippe Vincent

Jean-Philippe Vincent, ancien élève de l’ENA, est professeur d’économie à Sciences-Po Paris. Il est l’auteur de Qu’est-ce que le conservatisme (Les Belles Lettres, 2016).

 

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Alors que la livre sterling vient d'atteindre son plus haut niveau par rapport au dollar depuis le Brexit, et suite à la publication de chiffres de l'emploi meilleurs qu'attendus au Royaume-Uni, ne peut-on pas voir un décalage entre la réalité du pays et la perception d'une économie en débâcle ? En quoi ce constat peut-il également être fait pour des pays comme le Japon, la Pologne, ou la République Tchèque, également soumis à des tendances populistes ou nationalistes ? Dans quelle situation économique réelle sont ces pays ? 

Jean-Philippe Vincent : Il serait périlleux de qualifier la performance économique d’un pays au vu d’un seul ou même de deux indicateurs économiques : taux de change, croissance de l’emploi. Je ne me sens pas capable de formuler un jugement sur la bonne santé économique du Royaume-Uni au simple vu de l’évolution de ses séries d’emplois. Pour autant, il est certain que le Royaume-Uni – comme la Pologne, le Japon ou la république Tchèque – ne connaît pas une débâcle, comme certains voudraient le laisser penser. Adam Smith, lorsqu’il formulait les conditions du développement des nations dans la Richesse des Nations en 1776, voyait trois préconditions au développement : « la paix, des impôts légers et une administration tolérable de la justice ». Telles étaient, selon lui, les conditions essentielles du développement économique des nations. Cela peut sembler court, mais à la vérité c’est extrêmement profond. Les véritables conditions du développement sont moins économiques qu’institutionnelles et morales. La véritable richesse des nations est de nature morale : il faut être en paix avec soi-même. Est-ce que le Royaume-Uni l’est ? Est-ce que le Japon ou la Pologne le sont ? Probablement. Leurs choix politiques et économiques sont « hétérodoxes », mais ils sont en accord avec la volonté profonde du pays. C’est une condition essentielle de bonne santé économique. Ensuite, dans une économie de marché, il faut faire confiance aux comportements individuels et ne pas surestimer le rôle de l’Etat dans le bon fonctionnement de l’ensemble. Avec de la liberté, de la paix, une administration pas envahissante et des impôts légers, un pays peut obtenir des résultats économiques surprenants. Mais la condition essentielle est le moral du pays.

Par quels moyens ces différents pays, dans les lesquels les Etats-Unis de Donald Trump pourraient trouver leur place, parviennent-ils à obtenir de tels résultats malgré leurs approches considérées parfois comme "iconoclastes" ?

Les approches de ces pays ne sont pas tellement iconoclastes, y compris celle des Etats-Unis. Ils ont compris qu’il y avait deux « mains invisibles ». La « main invisible » d’Adam Smith : dans une économie libre, la recherche de l’intérêt de chacun finit par aboutir au bien-être commun. Mais, il y a une seconde main invisible, conservatrice celle-là : l’obtention du bien-être commun par la recherche de l’intérêt individuel n’est possible pour une nation que pour autant qu’il existe dans cette nation un haut degré de confiance. Sans cette dernière, les mécanismes de l’économie de marché ne peuvent rien, ils risquent de tourner à vide. La confiance est la condition première du développement : on l’oublie trop souvent. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Pologne et le Japon ont compris cela : confiance d’abord. Or les conditions premières de la confiance sont de nature politique et sociale : il faut recréer un haut niveau de cohésion nationale. C’est le préalable indispensable à la performance économique.

Quel est le risque de voir le discours de discrédit être contré par la réalité des faits ? Dans quelle mesure ces excès de langage pourraient en arriver à légitimer les choix faits par ces dirigeants ?

Il y a clairement un décalage entre le discours ambiant – une sorte de vulgate libérale très appauvrie – et l’évolution réelle de ces pays. Ce décalage entre la performance réelle et l’orthodoxie médiatique et politique n’est pas neuf. Au XVIIIe siècle, la pensée économique dominante en France et dans beaucoup de pays était illibérale et mercantiliste. Les réformes préconisées par les penseurs libéraux français : Turgot, Quesnay, Le Mercier de la Rivière, semblaient absurdes et choquantes auprès de beaucoup. Pourtant ils avaient raison. Qui se souvient, aujourd’hui, de leurs opposants mercantilistes ? Personne. On l’oublie, mais c’est en France, auprès de penseurs comme Turgot et Quesnay qu’Adam Smith est venu puiser son inspiration. Et elle fut féconde, puisque le Royaume-Uni en a tiré son expansion pendant de très longues années. Aujourd’hui, la pensée dominante vitupère certains pays : Royaume-Uni, Etats-Unis, Pologne, etc. Cette contradiction se résoudra d’elle-même. « L’homme est la ressource ultime » écrivait l’économiste américain Julian Simon. Il avait raison.

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