Réforme du stationnement à Paris : le prix sévère d’une double occasion manquée<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Tribunes
Réforme du stationnement à Paris : le prix sévère d’une double occasion manquée
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

C’est la vie de quartier qu’on assassine !

Paris se dépeuple. Ces départs contraints, que les prix de l’immobilier ne suffisent pas à expliquer, doivent questionner la politique municipale.

Florence Berthout

Florence Berthout

Florence Berthout est maire divers droite du 5e arrondissement de Paris.

Voir la bio »

Paris n’est pas une ville uniforme de 2,3 millions d’habitants, mais un creuset formé de 80 quartiers à l’identité singulière. L’espace public constitue les artères de ces multiples villages parisiens. Les décisions municipales prises ces derniers mois exposent les rues parisiennes à l’embolie, et par conséquent à l’asphyxie de ces quartiers. Loin de l’apaisement revendiqué, les réaménagements de voirie conduisent à toujours plus de stress, de bruit et de pollution. Autant de raisons de quitter la capitale pour retrouver une qualité de vie, souvent de l’autre côté du périphérique. AirParif l’a aisément démontré après la fermeture de la voie sur berges rive droite, la pollution n’a fait que se déplacer au contact des quartiers densément habités

Les commerçants participent activement à l’attachement des Parisiens à leur quartier. Maintenir le commerce de proximité, ce n’est pas seulement assurer la vitalité des quartiers, c’est la garantie de conserver leur personnalité. Or, dans la capitale, les commerçants souffrent. Acculés par l’augmentation constante des taxes et tarifs municipaux, ils subissent par ailleurs les embouteillages permanents et la raréfaction du stationnement. Ils constatent, impuissants, que leur clientèle se détourne au profit des grands pôles commerciaux, plus accessibles. Pour ces mêmes raisons, 10% des artisans refusent des chantiers à Paris.

Paris devient un désert médical. La capitale n’attire plus les professionnels de santé en raison des fortes contraintes qui pèsent sur leur activité, s’ajoutant au prix du foncier étant dissuasif pour les jeunes praticiens. Après de multiples vœux des élus Républicains et Indépendants, la Maire de Paris est enfin revenue sur l’augmentation massive du coût du stationnement pour les professionnels de santé, la carte étant passé de de 90 à 240 € par an en 2015. Sauf qu’à ce jour, la carte pour bénéficier de la gratuité n’est pas disponible. Les infirmiers, kinés et autres médecins se voient infliger des forfaits de post stationnement (FPS) plus élevés que le montant de la visite réalisée chez le patient. Plusieurs d’entre eux tirent la sonnette d’alarme en évoquant explicitement l’incapacité d’exercer dans ces conditions et menace de quitter Paris.

Les maires d’arrondissement sont en première ligne du mécontentement grandissant des Parisiens face à la mise en œuvre de la réforme du stationnement. La Maire de Paris voit en cette réforme, non pas un instrument d’une politique de déplacement, mais l’opportunité de dégager des recettes supplémentaires, probablement plus que 350 M€, pour combler un budget à la dérive.Une part de cette recette supplémentaire doit être affectée à la rénovation et l’entretien d’une voirie si dégradée (chaussées et trottoirs) et si mal nettoyée. Nous dénonçons depuis plusieurs années les dérives des marchés concernant les fourrières, où les enlèvements sont dictés par leur rentabilité et non par la dangerosité du stationnement illicite. Ce début d’année montre que les agents des sociétés de contrôle du stationnement, dont plusieurs ont été eux-mêmes interpelés pour usage de stupéfiants, ciblent toujours les mêmes rues, et les mêmes professionnels. Astreints à 75000 contrôles par jour, ils emploient les méthodes si décriées des fourrières, l’impératif de rentabilité nuit à tout discernement.

Nous appelons donc la Maire de Paris à donner les moyens aux Maires d’arrondissement de pouvoir répondre aux victimes d’une verbalisation tous azimuts. Il ne s’agit pas bien évidemment de défendre ceux qui sciemment ne paient pas le stationnement. Que répondre aux infirmières qui perdent de l’argent à chaque visite sanctionnée par un FPS ? Comment justifier que les commerçants des marchés alimentaires soient systématiquement visés alors qu’ils stationnent conformément à la pratique habituelle ?

C’est la vitalité de nos quartiers qui souffre de cette politique de stationnement. A très court terme, c’est donc leur identité qui est menacée. Une succession de rideaux métalliques fermés, l’absence de professionnels de santé, le boycott des artisans ne fera qu’accroitre les envies d’ailleurs des Parisiens.

La réforme du stationnement est une double occasion manquée. Les Agents de Surveillance de Paris libérés du contrôle de stationnement auraient été utiles à sécuriser les rues de Paris, sans une véritable Police Municipale. Ils sont cantonnés à la verbalisation des incivilités, à l’efficacité aléatoire, toujours dans l’unique but de trouver des recettes supplémentaires.

Ce début d’année est une opportunité inédite pour remettre à plat la politique de stationnement. Les rues devraient être réservées au stationnement de courte durée. Aujourd’hui le stationnement résidentiel est plus attractif en surface, faute d’harmonisation tarifaire avec les ouvrages en souterrain. Ce serait l’occasion de libérer des espaces pour de nouveaux usages, comme des pistes cyclables, des places de rechargement pour les véhicules propres, etc.

Paris se targue souvent d’être à la pointe de l’innovation. Or, en matière de mobilité, les startups peinent à nouer des partenariats avec la Ville de Paris. Les outils numériques doivent être mobilisés pour guider au plus vite les usagers vers les places de stationnement libres et limiter ainsi la circulation puisque 20% des véhicules circulent en quête d’un lieu pour se garer. De nombreuses places de stationnement libres sont inaccessibles, notamment dans le parc social ou les copropriétés privées. Là encore, des applications existent pour mutualiser ces parkings mais la Ville prive ses bailleurs sociaux, pourtant exsangues, de recettes nouvelles. Comme souvent, les outils numériques sont de précieux alliés pour concilier l’indispensable lutte contre la pollution avec la nécessaire mobilité des Parisiens. La Ville de Paris vient enfin de reconnaître l’évidente nécessité de multiplier les parcs relais aux abords de la capitale, c’est un premier pas qui doit en appeler d’autres. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !