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Pourquoi l'anti-sarkozysme est-il devenu un élément central du quinquennat ? Le point de vue de Michel Maffesoli
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Anti-sarkozysme

Troisième partie de notre série consacrée à l'anti-sarkozysme. Et si la critique systématique du Président de la République correspondait à un mépris du peuple de la part des élites ?

Michel Maffesoli

Michel Maffesoli

Michel Maffesoli est membre de l’Institut universitaire de France, Professeur Émérite à la Sorbonne. Il a  publié en janvier 2023 deux livres intitulés "Le temps des peurs" et "Logique de l'assentiment" (Editions du Cerf). Il est également l'auteur de livres encore "Écosophie" (Ed du Cerf, 2017), "Êtres postmoderne" ( Ed du Cerf 2018), "La nostalgie du sacré" ( Ed du Cerf, 2020).

 

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On ne dira jamais assez le décalage existant entre l’opinion publique et l’opinion publiée. Celle-ci, c’est chose connue, n’aime pas être dérangée dans ses certitudes acquises, ses opinions et autres évidences théoriques ne permettant pas de voir ce qui est évident. Tant il est vrai que l’intelligentsia préfère écouter ce qu’elle a envie d’entendre.

Panurgisme ambiant, ayant du mal à concevoir que le Président Sarkozy puisse être, en quelque sorte, une autobiographie du peuple tel qu’il est ; et non de celui que l’on aimerait qu’il soit ! Et c’est bien là qu’est le hic. Car, venu de fort loin, il y a dans cette opinion publiée (journalistes, universitaires, décideurs de toutes sortes), d’une manière plus ou moins inconsciente, un profond mépris du peuple. Ce qui fera taxer de populistes, ceux qui en appellent à lui, sans passer par les fameux « corps intermédiaires ». Nicolas Sarkozy, en bute aux critiques sur ce point, en fait l’amère expérience.

C’est la sempiternelle vocation marxiste de notre intelligentsia donneuse de leçons, le révolutionnaire devant apporter la juste conscience à un peuple qui ne serait qu’un ventre aveugle et aveuglé par ses instincts. Prétention créant ces vitupérations, crachant feu et venin, et s’employant à définir ce que doit être la société parfaite.

Parmi la foultitude d’exemples en ce sens, n’a-t-on pas entendu le philosophe édicter ce « dont Sarkozy est le nom » et encore récemment dire, « que c’était pire que prévu » ! Sinon que le Badiou en question, enthousiasmé il y a peu par la victoire des Khmers rouges, n’hésitait pas à proclamer « Kampuchea vaincra ». On se souvient que le peuple cambodgien paya de millions de morts et de tortures le défaut de ne pas être ce que ces vertueux révolutionnaires attendaient d’eux.

Ce sont les mêmes qui vociférèrent contre les manières d’être d’un Président indigne de la fonction qu’il occupe. Ils trompettent ainsi contre son agitation, sa versatilité. Ne peut-on pas dire plutôt qu’il prend depuis le début le contre-pied des idées convenues. Qu’il s’emploie, avec un malicieux plaisir à brouiller les codes en usage dans la classe politique. Ce qui le conduit à se démener, tel un petit diable, dans le bénitier de la bienpensance de gauche ?

Dire ceci et son contraire, n’est-ce point ce qui caractérise les sincérités successives dont le peuple a le secret ? Être « Je » et « l’autre », n’est-ce point la prophétique intuition de Rimbaud qui s’est capillarisée dans la vie quotidienne postmoderne ? C’est en ce sens, pour le dire d’une manière tout à la fois familière et rhétorique, que Sarkozy est un « oxymore sur pattes ».

C’est en ce sens, aussi que le Président en campagne, dans la foulée de son quinquennat, a senti les métamorphoses qui sont à l’œuvre dans toutes les sociétés de la planète. La France ne saurait être indemne d’une telle mutation.

De quoi s’agit-il ? Si le contrat social définissait bien un êtreensemble où prévalait un lien social à dominante rationnelle, lien s’inscrivant sur la longue durée, le pacte est quant à lui, traversé par l’émotionnel et, du coup, est beaucoup plus éphémère. C’est un changement de fond, qui oblige à repenser le politique : le « lien » où prévaut le sentiment d’appartenance est la caractéristique essentielle du vivre-ensemble postmoderne.

C’est bien ce qu’a repéré le Président Sarkozy, dont l’attitude, l’action et le discours s’emploient à « cliver ». C’est-à-dire à faire ressortir le fossé, infranchissable, existant entre le peuple et les élites censées parler en son nom. D’où, de 2007 à la campagne actuelle, la charge contre les « corps intermédiaires » faisant écran et qui s’emploient, massivement à dénigrer la légitimité d’un président pourtant élu, largement élu, démocratiquement.

C’est pour tout cela qu’il faut être attentif à une vox populi que les sondages ne reflètent qu’imparfaitement, celle de l’opinion publique, qui est loin de partager, envers le président, la détestation que ne manque pas de claironner l’opinion publiée. Et ce parce que la sagesse populaire sait, d’antique mémoire, reconnaître la polysémie du réel. Savoir instinctif qui, dès lors, est tout à fait en phase avec l’attitude d’un président et maintenant candidat sachant embrasser les contraires. C’est-à-dire accepter que l’harmonie d’un peuple puisse être conflictuelle !

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