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Mauvais coup pour les maladies : ces 6 découvertes scientifiques majeures de 2017 vont permettre à la médecine de faire de grands pas en avant
©Pixabay

Avancées médicales

Des prouesses ont été accomplies, en particulier dans le domaine des maladies génétiques, grâce à la mise en œuvre de nouvelles technologies numériques.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Quelles sont les grandes avancées et les grands exploits médicaux de l'année 2017 ?

Des prouesses ont été accomplies, en particulier dans le domaine des maladies génétiques, grâce à la mise en œuvre de nouvelles technologies numériques. Un gène est une sorte d'unité fonctionnelle, au sein d'une molécule d'acide nucléique qui est soit de l'ADN (cas des génomes à ADN : chromosomes), soit de l'ARN (cas des génomes à ARN : virus à ARN). Les thérapies géniques cherchent le plus souvent à empêcher les conséquences de la présence d'un gène pathologique. Or, pour agir sur un gène, il faut lui apporter un message qu'il puisse interpréter. C'est pourquoi les thérapies géniques ont recours aux vecteurs naturels d'information génique que sont les virus (un virus se résume essentiellement à une information contagieuse ; tous les virus ne sont pas ipso facto pathogènes).

La chorée de Huntington

Le terme médical "chorée" vient d'un mot latin qui signifie "danse". La chorée est un syndrome, c'est-à-dire un ensemble de manifestations pathologiques dont les causes sont variées. Il s’agit de mouvements anormaux à la fois spontanés et incontrôlables, rapides, irréguliers, d’assez grande amplitude, sans rythme et sans finalité. Ces mouvements rapides et assez amples peuvent évoquer la danse, d'où le terme de chorée. La personne souffrant de chorée a une diminution de son tonus musculaire général. Les formes héréditaires de la chorée sont dominées par la chorée de Huntington. C'est une maladie génétique liée à une mutation stable au niveau d'un seul gène appelé gène "huntingtine". Il suffit que ce gène pathologique soit transmis à l'enfant soit par le père, soit par la mère, pour que la maladie se développe (maladie dite dominante). La maladie commence souvent après l'âge de 30 ans. L'évolution est lente, sur une vingtaine d'années. Elle comporte des troubles de l’équilibre, de la coordination, de l’élocution et de la déglutition. Ces troubles neurologiques moteurs s'associent à des troubles cognitifs (démence) : il en résulte une perte progressive de l’autonomie avec une déchéance physique et mentale. Cette maladie est à la fois inexorable et effroyable.

On a montré que le gène pathologique codait pour la synthèse d'une protéine anormale. Cette protéine anormale est neurotoxique, c'est-à-dire qu'elle altère des cellules nerveuses (neurones). La thérapie qui a été mise au point par le "University College de Londres" (UCL) s'oppose à l'expression du gène pathologique, ce qui diminue la synthèse de protéine neurotoxique. Un médicament expérimental, injecté dans le liquide céphalo-rachidien, a abaissé en toute sécurité la concentration de protéine toxique dans le cerveau. Ce serait la plus grande avancée dans le domaine des maladies neurodégénératives depuis 50 ans. Cette avancée pourrait également avoir des retombées sur le traitement d'autres maladies neurodégénératives.

Épidermolyse bulleuse héréditaire

Il s'agit d'une maladie héréditaire rarissime et particulièrement grave de la peau. L'épiderme est la couche externe de la peau ou tégument. Il repose sur le derme. L'épiderme est constitué de dizaines de couches de cellules empilées les unes sur les autres et accrochées entre elles. Les couches les plus superficielles sont mourantes ou mortes. Les couches profondes sont au contraire bien vivantes et constituées de cellules attachées les unes aux autres ainsi qu'au derme sous-jacent. Chez un sujet atteint d'épidermolyse bulleuse héréditaire, le système d'attachement des cellules entre elles et au derme est déficient. Il s'ensuit que la peau est d'une grande fragilité, on la compare aux ailes d'un papillon. Elle a tendance à se dégrader, se décoller et former des bulles, d'où l'expression d'épidermolyse (destruction de l'épiderme) bulleuse. Cette maladie est elle aussi implacable et effroyable ; elle n'est pas compatible avec une vie normale et l'espérance de vie est de ce fait très réduite.

Hassan est un petit garçon né en Syrie et qui vit dans sa famille en Allemagne. Il est atteint d'épidermolyse bulleuse héréditaire. Des scientifiques biologistes italiens de l'Université de Modène – spécialisés en thérapie génique – sont venus collaborer avec les médecins allemands en charge de l'enfant. Ils ont réussi à effectuer une modification génétique sur un prélèvement de peau pratiqué sur l'enfant. Un auto greffon de peau génétiquement modifiée a été ensuite multi implanté à l'enfant au cours de trois opérations successives étalées sur plusieurs mois. Ces greffons sont bien pris et, au bout d'un peu moins de deux années, ont fini par recouvrir 80 % de la surface cutanée du petit garçon. La "nouvelle" peau génétiquement modifiée a un aspect tout à fait normal. Aujourd'hui, Hassan mène une vie pratiquement normale et son père estime que le résultat obtenu est prodigieux. C'est un remarquable succès de cette collaboration médicale scientifique germanique et italienne. Un nouveau succès de la thérapie génique.

L'hémophilie de type A

L’hémophilie est une maladie génétique rare : elle est due à un déficit isolé en facteur VIII de l'hémostase (coagulation) (hémophilie A, 1 enfant sur 5 000 naissances) ou en facteur IX de l'hémostase (hémophilie B, 1 enfant sur 30 000 naissances). L'hémophilie A est donc six fois plus fréquente que l'hémophilie B. L'hémophilie est une maladie génétique héréditaire bien particulière : elle est liée à une anomalie génique du chromosome sexuel X. Le caryotype des hommes étant XY et celui des femmes XX, il suffit qu'un garçon reçoive le gène pathologique du chromosome X de sa mère pour qu'il soit hémophile. En revanche, pour être hémophile, une fille doit recevoir le gène pathologique à la fois du chromosome X de sa mère et du chromosome X de son père (maladie héréditaire dite récessive). Cette seconde éventualité étant rarissime, l'hémophilie est une maladie masculine transmise par les femmes. C'est une maladie très invalidante.

Au Royaume-Uni, 13 patients hémophiles ont bénéficié d'une thérapie génique. Tous les patients de ce groupe produisent à présent le facteur VIII de l'hémostase et 11 parmi ces 13 ont une concentration plasmatique en facteur VIII proche de la normale. Plus aucun des patients n'a besoin de traitement. L'un deux, Jake Omer, âgé de 29 ans, dit qu'il a l'impression d'avoir un nouveau corps. Comme 2 000 autres personnes au Royaume-Uni, son corps ne pouvait pas fabriquer de facteur VIII de l'hémostase. Une blessure minime provoquait habituellement un saignement grave. Il se souvient avoir perdu deux dents de devant quand il était enfant et avoir saigné pendant des jours. Même la simple marche entraînait des saignements dans les articulations. Il a eu besoin d'au moins trois injections de facteur VIII par semaine pendant la plus grande partie de sa vie. Mais en février 2016, il a reçu une seule perfusion de thérapie génique qui lui a transformé la vie. C'est donc une nouvelle victoire formidable de la thérapie génique.

Une prouesse chirurgicale

Une petite fille est née au Royaume-Uni avec le cœur hors du thorax. C'est une malformation extrêmement rare appelée ectopia cordis et qui est incompatible avec la vie, bien sûr (du reste, la plupart des enfants naissent mort-nés). Des chirurgiens cardiaques de l'Hôpital Glenfield de Leicester ont réussi l'exploit de lui repositionner le cœur dans le thorax. Il a fallu pour cela trois opérations successives. C'est la première fois qu'un nouveau-né atteint d'ectopia cordis survit après une telle opération. Il s'agit d'une prouesse inouïe de la chirurgie.

La drépanocytose

La drépanocytose est la maladie héréditaire la plus fréquente du monde. Elle touche essentiellement des personnes originaires d'Afrique subsaharienne. Cette maladie touche les globules rouges (hématies) qui sont anormaux et obstruent les petits vaisseaux sanguins dans certaines conditions. La drépanocytose est une maladie invalidante, très douloureuse et qui diminue beaucoup l'espérance de vie. L'existence d'une personne atteinte de drépanocytose est parfois un véritable calvaire.

La drépanocytose d'un adolescent français a pu être guérie grâce à une thérapie génique. Cette thérapie génique s'est adressée aux cellules souches malades produisant les hématies dans la moelle hématogène des os. On a aujourd'hui plus d'une année de recul et l'adolescent se porte bien ; il n'a plus besoin de médicament. Ce traitement a été réalisé en France, à l'Hôpital Necker de Paris. Ce succès apporte de l'espoir à des millions de personnes atteintes de drépanocytose.

Réduction considérable de la fréquence du diabète de type 2

Le diabète de type 2 est une maladie métabolique dont la fréquence explose dans de nombreux pays. Il est lié essentiellement au mode de vie (alimentation et activité physique, en plus d'une composante héréditaire plus ou moins influente). Grâce essentiellement à la diététique, des personnes diabétiques de type 2 ont vu leur diabète régresser d'une façon considérable au Royaume-Uni. Elles ont absorbé pendant cinq mois une alimentation hypocalorique constituée de soupes et de purées, ce qui a entraîné une perte de poids massive. Près de la moitié des personnes de ce groupe ont pratiquement vu leur diabète disparaître, selon les médecins de Newcastle et de Glasgow qui les ont suivies. On a constaté que plus on perdait du poids et plus le diabète régressait. L'association caritative "Diabetes UK" dit que c'est un beau succès qui fera date et que des millions de patients diabétiques pourraient bénéficier de ce régime.

Ce succès édifiant confirme l'importance prépondérante de l'alimentation et du surpoids dans le développement du diabète de type 2. Il faut également ajouter l'activité physique, autre élément essentiel du traitement.

On a tendance à mettre (excessivement) en valeur les grandes "victoires" de la médecine, quitte à négliger ses grands échecs. En quoi ces exemples de réussite montrent aussi les progrès qu'elle a encore à faire aujourd'hui, voire certaines limites ?

Ce sont là des exemples saisissants de victoires de la médecine et de la chirurgie. Grâce aux investissements considérables qui sont réalisés dans la recherche en biologie moléculaire et dans la mise au point d'instruments chirurgicaux de pointe, les médecins et les scientifiques non-médecins sont capables aujourd'hui d'exploits qui frappent les esprits. Mais à côté de ces grandes victoires, il ne faut pas oublier les échecs et les complications des interventions chirurgicales et des thérapeutiques médicales. Ces mauvais cas sont quotidiens et il est fréquent que leurs victimes soient laissées pour compte, abandonnées à leur sort alors que nous aurions le plus souvent les moyens de leur apporter une réparation. En d'autres termes, la médecine et la chirurgie sont aujourd'hui capables de prouesses, mais elles doivent également devenir plus sûres et plus fiables au quotidien. Avant une intervention chirurgicale, il est légitime de penser à l'éventualité où celle-ci ne produirait pas le résultat attendu, pire donner lieu à des complications. Ce n'est pas du pessimisme, c'est du réalisme. Il y a bien des progrès à réaliser en matière de qualité et de sécurité des soins pour une meilleure fiabilité des prises en charge thérapeutiques. Car la médecine et la chirurgie n'ont encore qu'une obligation de moyens, pour toutes ces raisons. Ne soyons pas trop aveuglés par ces merveilleuses avancées thérapeutiques. Il y a beaucoup de personnes qui souffrent en silence à la suite d'une intervention non réussie.

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