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Comment la réponse du gouvernement à la victoire des nationalistes en Corse est en train de se transformer en piège politique
©PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

Risque

Les élections territoriales en Corse ont fait naître un nouveau registre de commentaires et provoqué des réactions bien au-delà de l’île.

Vincent de Bernardi

Vincent de Bernardi

Vincent de Bernardi est directeur de la communication et des relations institutionnelles de CCI France. Il a été auparavant directeur du service d'information du Gouvernement (SIG), directeur général du Syndicat de la Presse Quotidienne Régionale (SPQR) et conseiller dans différents cabinets ministériels. 

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Alors que les vainqueurs parlaient de raz de marée démocratique au soir du premier tour, les perdants regrettaient, dans une forme de paradoxe, la faible mobilisation de l’électorat.

Les uns et les autres n’ont pas eu tort dans leurs analyses. La coalition emmenée par Gilles Simeoni et Jean Guy Talamoni amplifiait fortement un mouvement entamé depuis deux ans, progressant même en nombre de voix. Il paraissait alors justifié de « surfer » sur la métaphore maritime en évoquant « une vague » pour les plus modérés, une déferlante, voire un tsunami pour les plus enthousiastes. Du côté des listes de droite et de la République en Marche, en constatant une abstention massive, le taux le plus élevé enregistré en Corse pour des élections territoriales, on déplorait la désaffection grandissante des électeurs au débat démocratique. La Corse qui s’était souvent distinguée du continent sur ce plan, se banalise progressivement. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Si la multiplication des scrutins (3 en 2017) est souvent avancée au même titre que la conviction d’un match joué d’avance, c’est surtout une forme de perte de confiance dans les responsables politiques qui explique la progression de l’abstention. En Corse, comme ailleurs en Europe, les électeurs portent un jugement critique à l’égard des gouvernants et plus généralement de la classe politique installée. L’institut Kantar public a sondé récemment les Français, les Allemands, les Néerlandais et les Britanniques sur leur rapport aux institutions politiques et démocratiques. Une très forte majorité de Français et de Britanniques considère que la plupart des dirigeants ne comprennent pas leurs problèmes. Par ailleurs, dans les quatre pays étudiés, les opinions se rejoignent pour considérer majoritairement que les dirigeants politiques sont malhonnêtes.

Ces attitudes conduisent de plus en plus de citoyens à se réfugier, soit dans l’abstention, soit dans un vote populiste. C’est ce qui s’est passé en Corse lors des élections présidentielles, où Marine Le Pen est arrivée en tête au premier tour et a réalisé un score élevé au second. En revanche, lors des élections territoriales, les autonomistes et les nationalistes ont su capter, dans une campagne souvent qualifiée d’atone, les attentes d’un électorat qui s’est élargi au delà de leurs soutiens traditionnels. Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifopsouligne que le score de la liste Pe a Corsica traduit une aspiration forte à la défense d’une identité, niée par un Etat perçu comme trop centralisateur et bousculée par une communauté immigrée dont les valeurs sont parfois jugées incompatibles avec la culture insulaire et ses racines chrétiennes.

Ces résultats ont également fait naître des commentaires pour le moins étonnants. Le débat consistait à savoir si la Corse était à l’aube de l’indépendance à l’instar de la Catalogne ! De nombreux media en ont fait des sujets tandis que le porte-parole du Gouvernement a cru bon, face à cet emballement, de préciser qu’il ne s’agissait pas d’un « scrutin sur l’autonomie ou sur l’indépendance, ni un référendum » avant d’ajouter qu’il s’agissait« d'abord d’un scrutin territorial sur l'avenir de la Corse, le développement économique, les transports, l'accès aux soins, bref, ce qui fait la vie d'une collectivité ». Voilà la Corse renvoyée à un simple statut de collectivité certes unique, parmi les autres collectivités. Il est intéressant d’analyser comment le Gouvernement s’est attaché à relativiser cette élection hyper médiatisée, après les épisodes catalans. La nomination d’une « Madame Corse » aurait pu donner le signe d’une ouverture pour mettre en œuvre ce « pacte girondin » qu’appelait de ses vœux Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. En choisissant la ministre déléguée auprès du Ministre de l’Intérieur, c’est l’inverse qui se produit.  Ses premières déclarations témoignent que le dossier Corse sera envisagé sous un aspect plus technique que politique. Le porte parole du Gouvernement n’a pas dit autre chose en déclarant que « des discussions vont s'engager, le dialogue va s'ouvrir une fois que la collectivité territoriale unique et l'exécutif seront installés, dès le 1er janvier, et donc le dialogue va se faire comme il se fait avec l'ensemble des exécutifs des collectivités régionales ». Le particularisme de la Corse tient en réalité au fait qu’elle est désormais une collectivité unique. Cette approche dont on décèlera le caractère stratégique autant que l’habileté politique, porte en germe un dialogue chaotique avec la nouvelle majorité territoriale. Cette dernière devra convaincre « Madame Corse » que l’autonomie n’est pas une rupture mais une avancée démocratique. Cela ne va-t-il d’ailleurs  pas dans le sens de la transformation voulue par le Gouvernement ? 

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