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Theresa May de plus en plus soupçonnée par son gouvernement de mettre en place les conditions propices à l’abandon du Brexit
©REUTERS/Ralph Orlowski

Atlantico Business

L‘accord signé à l’arrachée par Theresa May ne convient ni à son gouvernement, ni à son Parlement. Les pro-Brexit la soupçonnent de créer les incertitudes pour revenir sur le projet.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Depuis son retour de Bruxelles où elle a accepté l’essentiel des conditions à l’ouverture de la première phase des négociations sur le Brexit, Theresa May se retrouve confrontée à l’opposition d’une grande partie de son opinion publique. Les anti-Brexit l’accusent toujours de conduire l’économie du pays à la ruine et au déclin. Quant aux pro-Brexit, ils lui reprochent des concessions qui déboucheront sur un Brexit au thé tiède, ménageant tous ceux qui profitent de l’Union européenne.

Le week-end dernier, elle a dû affronter une partie des nouveaux membres conservateurs du Parlement. Theresa May doit tenir compte que 309 députés contre 305 ont adopté un amendement qui l’oblige à faire valider l’accord final par le Parlement.

Comme si cette menace n’allait pas la paralyser assez, les ministres pro-Brexit de son gouvernement lui ont expliqué très clairement que les premières phases de la négociation du deal telles qu‘elle les accepte leur déplaisaient. Boris Johnson, Philip Hammond et Michael Grove, les trois faucons du gouvernement, lui reprochent d’abord d’avoir accepté un compromis beaucoup trop vite et surtout, ils considèrent que les modalités de la négociation sont trop incertaines. Ces incertitudes peuvent faire capoter le projet.

1. L’accord préalable correspond effectivement à ce que défendait Michel Barnier pour démarrer la négociation. A savoir :

- le montant du chèque de départ, pour solde de tout compte, soit 50 milliards d’euros (au départ, les européens voulaient 100 milliards)

- un engagement de maintenir la libre circulation entre l’Irlande du nord et l’Irlande du sud qui étaient en voie d’unification.

- le respect des statuts des résidents européens en Grande Bretagne et réciproquement.

Pour les partisans d’un Brexit dur, les points de ce compromis sont trop laxistes.

2. Pour ce qui est des modalités de la phase transitoire, elles comportent trop d’incertitudes. Les européens espèrent que ces incertitudes seront levées rapidement avant le début des négociations commerciales qui doivent démarrer au printemps. Les pro-Brexit, quant à eux, ne sont pas loin de penser que la multiplication de ces incertitudes est là pour, au final, faire capoter le projet.

La première incertitude porte sur la durée de deux ans acceptée comme période de transition dans le texte du compromis. Pendant cette période, le Royaume-Uni s’engage à continuer d’appliquer le droit européen. Or, les pro-Brexit défendent l’idée que la Grande Bretagne doit adopter ses propres lois progressivement, notamment dans le domaine des technologies. Cette incertitude est soulevée par les européens et les industriels britanniques qui estiment que cette durée, portée à 2 ans pour aboutir à l'accord final immédiatement applicable, ne sera pas suffisante. Il faudra prolonger cette durée tant la complexité des rapports commerciaux sont grands. L’interpénétration des chaines de valeur rend le divorce très compliqué à dissoudre sans drame, ni dégât matériel et financier. Pour beaucoup, il faudra prévoir une durée beaucoup plus longue.

La deuxième incertitude porte sur la faisabilité même d’un accord et de son contenu. Selon le compromis signé à Bruxelles, on devrait avoir une esquisse d’accord commercial dès 2018 avec un projet prévu en 2019. Pour la majorité des négociateurs et des parties prenantes, c’est impossible. Theresa May s’est engagée à « un accord imaginatif, créatif et sur mesure ». Pour tous les signataires, cet engagement est suffisamment vague que tout le monde l’a accepté. La réalité est que ce type de compromis ne signifie rien.

La troisième incertitude est politique. Pour beaucoup d’observateurs, la négociation va emmener les responsables politiques jusqu’à la prochaine élection. Or, pour ces mêmes observateurs, la situation économique de la Grande-Bretagne sera dégradée, les perspectives du Brexit seront encore plus confuses qu’aujourd’hui. Le résultat est que les partisans de l’Union européenne auront reconstitué une majorité.

La prévision des pro-Brexit rejoint celle des anti-Brexit, que Theresa May fabrique dès maintenant les conditions de son échec. Et son échec reviendra à un vote des Anglais en faveur du retour dans l’Union européenne. A moins qu'elle démissionne avant, face au mur des réalités.

Ce qui est étonnant dans cette période historique, c’est la position déterminée des européens pour ne pas céder. Le Commissaire européen au Brexit, Michel Barnier, confirme ce week end que l'Europe refuserait d’accorder à la Grande Bretagne un accord sur le modèle de celui qu'elle a conclu avec le Canada, plus "Trade" et plus laxiste comme le souhaiteraient les anglais. « On ne peut pas mixer, les différents accords existants pour créer un deal qui permettrait de répondre à tous les souhaits du pays. Les anglais doivent affronter les conséquences de leur propre décision ».

En d’autres termes, pour les européens, les Anglais n‘auront pas « le beurre et l’argent du beurre ». Theresa May est rentrée de Bruxelles avec cette conviction. Elle en a informé ses ministres et sa majorité. Les pro-Brexit n’aiment pas. Mais c’est ainsi.

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