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Tout ça pour ça ?  La Banque de France anticipe une stabilité du chômage en 2018
©Reuters

Pour que rien ne change

Une note de la banque de France prévoit une stabilisation du chômage en France autour de 9,6% de la population active, ce qui constitue une déception pour l'actuel gouvernement. Des estimations à prendre avec des pincettes malgré tout.

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Atlantico : Selon la note de "projection macroéconomique" émise par la Banque de France ce 14 décembre, le taux de chômage devrait rester stable (9.6%) en France pour l'année 2018, avant de passer à 9,2% en 2019 et à 8,8% pour l'année 2020. Au regard des annonces faites par le gouvernement concernant les réformes réalisées, ne peut on pas s'interroger sur l'ampleur des résultats attendus par la Banque de France ? De telles projections ne peuvent-elles pas, en elles-mêmes, constituer une déception ? 

Mathieu Mucherie : Je ne suis pas trop d’accord avec la Banque de France (ce n’est pas la première fois, depuis des années ils croient que les taux d’intérêt vont remonter…) : le taux de chômage va (probablement) baisser en 2018, j’ai plus de doutes à mesure que l’horizon s’élargit mais à court terme leurs prévisions me paraissent trop conservatrices. Nous avons abaissé le seuil de croissance à partir duquel nous créons des emplois nets, et il y aura de la croissance en 2018, en partie grâce au cycle global, en partie du fait de 3 années de Quantitative Easing, en partie par « rattrapage » après une quasi-décennie perdue. Le problème n’est pas là, quoique, avec les nouvelles arrivées sur le marché du travail et les divers effets de « halo » du marché de l’emploi, le recul du taux de chômage sera en effet très graduel, façon de dire qu’on sera encore très loin du « plein emploi » (si ce concept a un sens) à la prochaine récession vers 2020. Le problème, c’est plutôt que les emplois en question seront d’une qualité déplorables (un peu mieux que les CDD de vigiles des années Hollande, sans plus), et surtout que tout cela n’aura pas une grande signification après des années de sous-emploi, de retraits vers l’inactivité, de stagnation de l’emploi marchand non-aidé depuis 1982 (en dehors de quelques années à la fin des années 90, sur lesquelles les jospiniens s’appuient pour défendre les 35 heures en oubliant de préciser que ce bond était tout sauf strictement hexagonal) ; il faudrait un sacré nombre d’années de rétablissement de l’emploi en France pour que ce trend médiocrissime se renverse, et ce ne sont pas les quelques conducteurs de bus Macron et une douzaine de statups dans le Marais qui feront le poids.

A noter que l'emploi marchand non-aidé est littéralement introuvable au niveau INSEE ou DARES. Toutes les stats de l'emploi français sont discontinuées, incomplètes, sabotées, tout est fait pour perturber l'analyse longue, et pour cacher l'horrible vérité : mise à part la fin des années 90, notre emploi privé a très peu progressé sur 4 décennies, et bien moins que la population, et un actif réel supporte plus de 3 inactifs ou subventionnés.

Selon cette même note, le "pic" de croissance pour la France serait déjà du passé puisque l'année 2017 est attendue à 1,8% de croissance contre 1,7% pour 2018, 1,8% pour 2019, et 1,6% pour 2020. Peut-on parler de plafond pour l'économie française ? 

Sérieusement, on n’a pas beaucoup d’éléments pour prévoir quoi que ce soit pour 2019, et a fortiori pour 2020. Demandez-vous quelles étaient les prévisions de la Banque de France (qui n’est plus une banque et qui n’est plus française) vers décembre 2006, et même vers décembre 2007, pour les années 2008 et 2009 ; ensuite, détendez-vous. Personne n’en sait rien, et les bureaucrates pas plus que d’autres. L’année 2018 s’annonce plutôt bonne, 1,8% c’est en effet très atteignable, sauf qu’il faudrait avoir en tête la contribution de la dépense publique, près de 30% comme depuis des années, ce qui placerait la croissance du secteur privé autour de 1,3% : mieux que la croissance potentielle (entre 0,8% et 1% à tout casser), certes, mais à ce rythme l’écart du produit à son potentiel ne sera pas comblé avant longtemps (une étude de la BCE fin 2016 estimait l’output gap pour l’ensemble de la zone euro à -6% en moyenne sur 2014-2015).  

Par quels moyens une baisse rapide et forte du chômage pourrait elle avoir lieu en France ? Comment se positionne le gouvernement sur ces questions ? 

Il faudrait de l’activité, assez forte assez longtemps. Pour cela, un QE qui continuerait bien au-delà de septembre 2018, voilà qui serait une condition non suffisante mais très nécessaire. Au minimum, pas de resserrement monétaire trop agressif avant longtemps. On ne prend pas le chemin de cette prudence : ils ont déjà fait monter l’euro en juin dernier sans raison, comme ça, pour le plaisir, et ils souhaitent monter les taux dans 18 mois. Ils sont capables de tout, comme nous l’avons vu en 2008 et en 2011, surtout si Weidmann ou un équivalent remplace Draghi en 2019. Ils mettent déjà l’accent sur les risques de bulles, d’excès de vitesse et bientôt de tensions sur les capacités, en bref ils vont nous faire le coup de la « normalisation », ils préparent leurs courbes de Phillips truquées, tout se met en place pour un durcissement monétaire costaud (alors même que l’inflation officielle a moyennée en France à 0,5%/an entre 2012 et 2017). Face à cela, le gouvernement ne dit rien, et ne fera rien, c’est le principe même d’une banque centrale indépendante, qui n’a de comptes à rendre à personne, qui en plus désormais supervise les banques, et qui n’a pas grand-chose à redouter d’un Eurogroupe dirigé par un portugais inconnu, ou de Macron, Schulz, Bayrou, etc. On va se concentrer sur l’essentiel : après le concours miss France hier soir, la formation professionnelle, la lutte contre AirBnB dans la capitale et contre les fraudeurs fiscaux, en bref toute une microéconomie de bazar pour ne surtout pas parler des sujets qui fâchent.    

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