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Diabète : la spécificité française
©Reuters

Santé publique

Selon Eurostat, la France est le pays d’Europe où les gens souffrent le plus du diabète. Plus de trois millions et demi de personnes seraient touchées. Une dernière position très probablement liée à la pratique du dépistage systématique qui y est beaucoup plus répandue que dans les autres pays.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Selon Eurostat, la France est le pays d’Europe où les gens souffrent le plus du diabète. Plus de trois millions et demi de personnes seraient touchées. L’institut souligne aussi le lien entre le niveau d’éducation et la maladie. En effet, parmi les personnes les moins éduquées, 10,8% souffrent du diabète quand seulement 4,2% des personnes les plus éduquées sont touchées. Quels sont les facteurs permettant d'expliquer cette dernière position de la France dans le classement européen ? Quels sont les risques associés à une telle situation ?

Stéphane Gayet : En France, nous disposons depuis 1998 de données précises de prévalence – c'est-à-dire la fréquence dans la population à un moment donné - du diabète, grâce au Système d’information de l’Assurance maladie (SIAM), qui enregistre toutes les prestations remboursées aux assurés sociaux. En métropole, la prévalence du diabète traité par médicaments était estimée à 3,06 % en 1998, avec environ 92 % de diabétiques de type 2. En ajoutant les patients diabétiques de type 2 traités uniquement par mesures hygiénodiététiques, la prévalence du diabète de type 2 diagnostiqué était proche de 3 % dans la population française métropolitaine en 1998. De plus, il y avait les diabétiques de type 2 non diagnostiqués, dont le nombre ne dépassait probablement pas 500 000, car la pratique du dépistage systématique du diabète est très répandue en France. Avec une augmentation d’environ 3,2 % par an, on aboutissait en 2005 à un chiffre de près de 3,5 % de diabétiques de type 2 traités par médicaments en France métropolitaine. Les données portant sur 2007 et incluant les départements d’outre-mer (DOM) indiquent une prévalence du diabète traité de 3,95 %, correspondant à 2,5 millions de personnes, et la proportion de diabète de type 2 reste voisine de 92 %. Les prévalences les plus fortes sont rencontrées dans les DOM avec 7,8 % à La Réunion, 7,3 % en Guadeloupe et 6,8 % en Martinique, alors qu’en métropole, c’est le quart nord-est et la Seine-Saint-Denis (5,1 %) qui sont les plus touchés. Le terme "épidémie" est donc à peine excessif lorsqu’on l’applique au diabète de type 2 en France.

La dernière position de la France parmi les pays européens est très probablement liée à la pratique du dépistage systématique qui y est beaucoup plus répandue que dans les autres pays. Car un très grand nombre de diabétiques de type 2 ignorent longtemps qu'ils sont malades s'ils ne sont pas dépistés. Ce qui revient à dire que cet écart entre la France et les autres pays européens devrait se réduire au fur et à mesure qu'ils mettront en place une politique de dépistage systématique. Il est bien sûr possible que d'autres facteurs favorisants interviennent (génétique, habitudes alimentaires, activité physique), mais il est difficile de le montrer.

Le diabète de type 2 est une maladie chronique que l'on peut tout au plus atténuer. Cette maladie métabolique insidieuse et longtemps silencieuse expose à de graves complications. Les personnes diabétiques ont un risque important de développer une atteinte de la vue (rétinopathie diabétique, glaucome chronique, cataracte), une insuffisance rénale chronique (néphropathie diabétique), de graves plaies des pieds, des atteintes des nerfs (polyneuropathie diabétique), ainsi que des atteintes vasculaires multiples des artères (macro angiopathie diabétique, avec le risque d'accidents vasculaires, parmi lesquels l'infarctus du myocarde) et des minuscules vaisseaux sanguins (micro angiopathie diabétique).

Les risques liés à l'épidémie de diabète de type 2 sont doubles, strictement sanitaires et économiques.

En 2016, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) alertait sur l’augmentation du nombre de diabétiques dans le monde ces 35 dernières années. Le nombre d’adultes souffrant de la maladie chronique était de 108 millions en 1980. En 2014, ce chiffre avait presque quadruplé : 8,5% de la population, soit 422 millions de personnes souffraient de la maladie. Pourquoi le diabète augmente-t-il, et que faire face à cette augmentation ? Comment expliquer le lien de corrélation, sans parler de causalité, entre niveau d'éducation et diabète ?

L’influence de l’environnement et des facteurs génétiques dans l’apparition du diabète de type 2 est bien démontrée. Une alimentation riche en lipides et une faible activité physique le favorisent. Une étude a comparé deux groupes d’Indiens Pimas : les uns implantés en Arizona, qui ont la plus forte prévalence de diabète de type 2 au monde, et leurs cousins qui ont poursuivi leur route jusqu’au Mexique lors de leur migration. Les Pimas du Mexique vivent dans une région montagneuse difficilement accessible et gardent un mode de vie ancestral, alors que les Pimas d’Arizona sont implantés tout près de Phoenix et sont très influencés par la civilisation occidentale. Un petit groupe de Mexicains installés près de la réserve des Pimas a également été étudié. Les données recueillies montrent d’impressionnantes différences entre Pimas, pour l’indice de corpulence et pour la prévalence du diabète. Il y a également une énorme différence pour l’activité physique, près de quatre fois plus importante chez les Pimas mexicains, et un discret contraste pour les apports caloriques, un peu plus élevés chez les Pimas mexicains, mais avec une proportion de lipides nettement moindre. La comparaison entre les deux groupes d’Indiens Pimas illustre l’influence du mode de vie sur le risque de diabète de type 2, mettant bien en évidence l’impact majeur de l’activité physique et des apports lipidiques dans l’alimentation. La comparaison entre Mexicains et Pimas du Mexique souligne le rôle des facteurs génétiques, puisque les Pimas sont près de trois fois plus touchés par le diabète de type 2 et bien qu’ils aient un indice de corpulence inférieur. Ces études d’observation suggèrent que le mode de vie joue probablement plus que la prédisposition génétique dans la causalité du diabète de type 2.L’influence du mode de vie dans la survenue du diabète de type 2 a été formellement démontrée par trois études d’intervention en Chine, en Finlande et aux États-Unis, où des mesures hygiénodiététiques ont réduit très fortement la survenue du diabète de type 2 chez des sujets pourtant à haut risque. L’obésité constitue le lien entre le mode de vie et diabète de type 2, surtout en cas de répartition abdominale de la graisse. La croissance galopante de l’obésité à travers le monde est l'une des raisons majeures de l’inflation épidémique du diabète de type 2. La France n’est pas épargnée dans ce domaine. Ainsi, chez les plus de 17 ans, la prévalence de l’obésité est passée de 8,6 % en 1997 à 10,1 % en 2000, puis 11,9 % en 2003, puis 13,1 % en 2006 et, dans le même temps, la prévalence du surpoids (stade inférieur à l'obésité) est passée à 29,8 %, 30,6 %, 31,5 % puis 30,6 %. De plus, l’obésité chez l’enfant croît à grande vitesse, avec un taux de 15 % en 2000, soit une multiplication par 5 depuis 1965. Avec l’obésité, le vieillissement constitue l’autre facteur de risque majeur de diabète de type 2 : l’allongement de l’espérance de vie est l’autre cause principale de l’épidémie de diabète.

La prévention du diabète de type 2 repose donc d'abord et avant tout sur une alimentation diversifiée et équilibrée, adaptée aux besoins caloriques et sur la pratique quotidienne d'un exercice physique. Les commodités de vie apportées par les progrès techniques et l'augmentation du niveau de vie poussent les populations à avoir de moins en moins d'activité physique. Pendant ce temps, l'industrie agroalimentaire pousse les consommateurs à manger beaucoup et des aliments gras et sucrés. Il y a donc une inadéquation patente entre les apports caloriques et les besoins. Quant au lien de corrélation entre le niveau d'éducation et le diabète de type 2, il réside probablement dans l'accès aux informations concernant la prévention, leur compréhension, leur acceptation et leur appropriation. De plus, les ressources financières et le niveau de vie sont habituellement liés au niveau d'éducation. Or, les aliments les moins coûteux sont les plus gras et les plus sucrés.

Il existe deux types de diabète : le diabète de type 1, dont l’origine est génétique et qui touche principalement les jeunes enfants, et le diabète de type 2 qui apparaît plus tardivement et atteint principalement les personnes âgées. Les autres causes de ce type de diabète seraient aussi la sédentarité ainsi que la surcharge pondérale. De nombreuses personnes en seraient d’ailleurs atteintes sans forcément être au courant. Quels sont les moyens, pour les pouvoirs publics, permettant d'améliorer la situation ?

Il y a énormément à faire en matière d'éducation sanitaire et de détection des personnes à risque de diabète. L'incidence du diabète de type 2 – c'est-à-dire le nombre de nouveaux cas par an - est associée à une alimentation riche en graisses saturées, en sucres raffinés, en boissons sucrées - y compris les jus de fruits -, en sel et en viande rouge, ainsi qu’à un mode de vie sédentaire – peu d'activité physique - et à un sommeil insuffisant.

En se basant sur ces observations, des essais thérapeutiques ont évalué le bénéfice d’une prise en charge nutritionnelle. Une étude conclut sans discussion à l’efficacité des mesures hygiénodiététiques : l’incidence du diabète est réduite de 58 % au cours des trois années d’un suivi intensif de sujets à haut risque de diabète (sujets pré diabétiques), ciblant une réduction modeste du poids, une augmentation des activités physiques d’endurance et une amélioration de la qualité des apports alimentaires. Une analyse à grande échelle incluant cette étude et d’autres essais confirme l’efficacité d’une intervention visant le changement du mode de vie (réduction de 49 % de l’incidence du diabète à moyen terme). Autrement dit, la prise en charge de sujets prédiabétiques pendant 3 à 5 ans évite qu'ils ne deviennent diabétiques. Le bénéfice du suivi en vue d’obtenir un changement des habitudes persiste plusieurs années : sept ans après, l'incidence du diabète dans le groupe pris en charge est réduite de 41 % par rapport au groupe témoin. Toutefois, le bénéfice de la prise en charge finit par disparaître à la longue, ce qui exclut l’hypothèse d’un effet mémoire de l’intervention initiale.

En somme, il s'agit de détecter les sujets à haut risque de diabète de type 2 – sujets pré diabétiques- et leur faire bénéficier de programmes éducatifs, qu'il faut toutefois simplifier et rendre moins coûteux. C'est là un enjeu essentiel de santé publique : le diabète de type 2, c'est essentiellement l'affaire d'une détection précoce des individus à haut risque et de leur prise en charge hygiénodiététique. Mais c'est aussi celle d'une éducation de toute la population à moins et surtout mieux manger, et à avoir une activité physique régulière, essentiellement une activité d'endurance.

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