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Pourquoi l’accord sur le Brexit pourrait bien ne pas satisfaire les électeurs britanniques qui l’ont voté
©Reuters

Dindons de la farce ?

Avec l'accord trouvé entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, le gouvernement britannique s’est acheté quelques jours de paix et la Commission européenne a pu montrer son art dans le maniement de la carotte et du bâton. Mais les électeurs pro-Brexit pourraient en être déçus.

Bruno Bernard

Bruno Bernard

Anciennement Arthur Young.
Ancien conseiller politique à l'Ambassade de Grande-Bretagne à Paris, Bruno Bernard est aujourd'hui directeur-adjoint de cabinet à la mairie du IXème arrondissement de Paris.

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  1. Atlantico : Une des principales motivations du vote en faveur du Brexit a été la volonté d'exprimer une insatisfaction à l'égard de l'immigration, notamment intra-européenne (Pologne principalement). Dans quelle mesure l'accord trouvé entre l'UE et le Royaume Uni pour le règlement du Brexit peut-il correspondre à cette demande de la population ? 

Bruno Bernard : Pour rendre du compte de l’impact de l’immigration en provenance d’autres pays de l’Union européenne il faut prendre conscience du nombre de personnes qui sont venues au Royaume-Uni dès 2004 au moment de l’élargissement de l’UE à l’est à 8 nouveaux pays (UE8) soit 53 000 personnes, principalement de nationalité polonaise.

En 2007, 112 000 citoyens de ces pays immigrèrent en Grande-Bretagne. Le niveau le plus bas étant enregistré en 2016 avec 48 000 personnes mais avec déjà 67 000 citoyens bulgares et roumains, l’immigration des deux derniers entrants dans l’Union européenne (UE2) semble avoir déjà pris le relais.

En 2015, il y avait 1,4 millions de citoyens des pays UE8 résidant au Royaume-Uni dont 813 000 polonais.

En 2017, l’Office for National Statistics a estimé à 2,38 millions le nombre d’employés issus de pays de l’Union européenne travaillant en Grande-Bretagne, 1,3 million viennent toujours des pays UE8 et déjà 347 000 sont issus de Bulgarie et de Roumanie.

En dépit du choix du Brexit, le pays conserve son attractivité économique aux yeux de nombreux européens, même si le solde migratoire britannique est actuellement le plus bas depuis 3 ans avec 246 000 personnes.

L’accord trouvé entre le gouvernement de Theresa May et la Commission européenne ne dit rien de spécifique sur un éventuel contrôle de l’immigration mais garantit le droit aux citoyens des pays membres de l’Union en Grande-Bretagne et aux citoyens britanniques installés dans les autres pays de l’UE le droit de rester.

En résumé aucune révélation, ni aucune réelle avancée sur le sujet particulier de l’immigration mais une constatation du statu quo qui semble satisfaire tout le monde sauf peut-être ceux qui en avaient fait la raison numéro 1 pour voter en faveur du Brexit. A signaler toutefois qu’aucun « Brexiteer » n’a condamné l’accord obtenu par Theresa May ce qui semble signifier qu’aucune ligne rouge n’a été franchie non plus.

  1. Quels sont les points spécifiques de l'accord qui pourraient poser le plus de rejet de la part de la population pro-Brexit ? 

L’accord permettant aux négociations du Brexit de se poursuivre n’avait pas pour but de régler la question de l’immigration d’Europe de l’Est au Royaume-Uni mais il ne devait pas l’encourager non plus. Ainsi est-il utile de rappeler que Theresa May alors ministre de l’Intérieur était en charge de réaliser l’engagement, très critiqué alors, de David Cameron en 2010 de ramener le solde migratoire à moins de 100 000 personnes par an. Elle a également pris cet engagement lors de la campagne de 2017. Elle a donc un positionnement plutôt ferme sur la question même si ses résultats ne plaident pas pour elle.

Cet accord existe pour garantir aux citoyens des deux parties déjà installés le droit de rester où ils sont. Cela peut irriter certains partisans du Brexit qui attachaient beaucoup d’importance à faire cesser le flux de main d’œuvre pas chère récemment issus de Bulgarie et de Roumanie et précédemment de Pologne ou de Lituanie mais ce n’était ni le moment ni le bon vecteur pour réclamer un durcissement des règles migratoires. S’il y a des doutes sur l’accord, ils portent plus sur la partie relative à la future frontière entre l’Irlande et le Royaume-Uni qui semble indiquer que si ce dernier quittera bien le marché unique, la frontière entre les deux pays restera « ouverte ». Il faudra du temps pour bien saisir les subtilités d’un texte qui demeure plutôt vague, à dessein, afin de le rendre le moins contraignant possible et prescripteur pour l’avenir. Ainsi la future relation entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne sera « unique et spéciale », difficile de faire moins explicite.

Cet accord existe pour permettre aux parties négociantes d’avancer et d’éviter l’enlisement qui menaçait et ainsi d’attaquer enfin les discussions intéressent réellement le gouvernement britannique : les discussions commerciales.

  1. Quels sont les risques politiques liés à une telle situation ? Quelles sont encore les forces politiques exprimant cette volonté de lutte contre l'immigration, et quelles seront les conséquences de l'accord trouvé sur leur positionnement ? 

Avec cet accord le gouvernement britannique s’est acheté quelques jours de paix et la Commission européenne a pu montrer son art dans le maniement de la carotte et du bâton mais aussi sa capacité à savoir ne pas aller trop loin dans l’intransigeance et la punition du pays sortant.

Cet accord a également révélé l’incroyable pouvoir politique dont dispose le DUP nord-irlandais (parti unioniste) dans la majorité parlementaire incroyablement ténue de Theresa May. Dans la même semaine, ses dirigeants ont montré qu’ils pouvaient soit torpiller un accord avec l’Union européenne soit lui donner corps et ainsi assurer la survie politique du Premier ministre britannique.

Politiquement cet accord a, à nouveau, révélé, l’absence de plan B chez les conservateurs britanniques, qu’ils soient pro ou anti Brexit, pour remplacer Theresa May et c’est certainement la meilleure garantie de survie du gouvernement de cette dernière. Après elle ce serait le chaos ou pire, Jeremy Corbyn.

Le vote pour le Brexit fut la combinaison de la rencontre de trois groupes d’électeurs : la classe moyenne supérieure eurosceptique, la classe ouvrière âgée et les plus pauvres qui, confrontés à la réalité de l’immigration de masse, en font leur préoccupation numéro un. Ces derniers ne votaient plus jusqu’au Brexit mais certains sont déjà retournés à l’abstention, n’ayant plus, paradoxalement, de véritable représentation avec la perte de substance du parti UKIP depuis la victoire du Brexit.

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