Immigration clandestine : le double jeu d’Obama <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Immigration clandestine : 
le double jeu d’Obama
©

Trans Amérique Express

Il y a entre 12 et 20 millions de clandestins aux États-Unis. Pour la plupart des "latinos". Si l’administration fait la chasse aux criminels, elle tolère ceux qui viennent chercher du travail, alors que la majorité des Américains s’y opposent.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

Voir la bio »

Coup de filet spectaculaire la semaine dernière aux États-Unis. Fin mars, les hommes de l’ICE, « Immigration & Customs Enforcement », l’agence chargée du contrôle des frontières, ont arrêté 3000 clandestins soupçonnés d’avoir commis des crimes sur le territoire américain. Ils vont être renvoyés dans leur pays d’origine.

L’opération s’appelait Cross Check. C’est la troisième en moins d’un an. En mai 2011 puis en septembre, en effet, les mêmes hommes avaient déjà mené « le raid plus important de leur histoire » pour mettre la main sur 2 400 puis 2 900 « étrangers criminels et fugitifs» (« convicted criminal aliens and fugitives ») dont certains étaient des meurtriers, des chefs de gangs ou des trafiquants de drogue, et d’autres de simples pères de famille arrêtés pour conduite en état d’ébriété…

Le but de ces opérations était le même. Frapper l’imagination à quelques mois d’une échéance électorale pour montrer que l’administration prend à bras le corps la question de l’immigration clandestine. Quand, en réalité, elle a choisi de laisser faire, voire de la favoriser. Comme l’ont fait les autres administrations avant elle…

Les États-Unis comptent entre douze millions (chiffre officiel) et vingt millions de clandestins. La moitié d’entre eux sont d’origine mexicaine. Les trois quarts sont des hispaniques, ou « latinos », entrés en traversant le Rio Grande qui marque la frontière sud des États-Unis. D’où leur surnom de « wet feet », (« pieds mouillés »). Cette frontière s’étend du Texas à la Californie, sur près de 5000 kilomètres. 20 000 gardes-frontières sont chargés de les surveiller ainsi que l’ensemble des frontières terrestres américaines couvrant 13 000 kilomètres.

Officiellement, l’administration Obama condamne et combat cette immigration clandestine. Les États-Unis sont un pays d’accueil. A condition d’entrer selon les règles. « Nous sommes une nation d’immigrants, mais nous sommes aussi une nation de droit, a dit Barack Obama en 2011… (les clandestins) trichent, ils ne font pas la queue comme les autres, ils bafouent la loi, leur présence est un affront pour tous ceux qui essayent de venir légalement. »

Une opinion partagée par l’immense majorité des électeurs. 78% des Américains sont opposés aux lois d’amnistie qui périodiquement permettent de régulariser plusieurs millions de clandestins. Ils sont favorables au contraire à une reconduction systématique aux frontières. Chez les électeurs noirs, la proportion monte à 88%. 71% souhaitent également punir les patrons qui embauchent des clandestins. Non par de simples amendes, mais par des peines de prison. 80% sont opposés à toute couverture sociale pour les clandestins.

Du coup chaque année quelques 400 000 clandestins sont reconduits dans leur pays. Sans que cela suscite d’émoi particulier dans la population ou de polémique dans les journaux. Les Américains ont un respect sans faille pour la primauté de la loi. Or, entrer illégalement aux États-Unis, c’est violer cette loi. Un comportement qui ne peut être toléré, encore moins récompensé (même des années plus tard) par un titre de séjour.

Or Barack Obama, en dépit de ses discours, a décidé de faire à peu près cela. Au motif de mettre un terme à l’hypocrisie qui entoure la question de l’immigration clandestine, son administration se concentre sur la chasse aux clandestins ayant basculé dans la criminalité, petite ou grande, mais tolère ouvertement ceux qui viennent pour travailler, c’est-à-dire l’immense majorité d’entre eux. De quoi se concilier, au passage, les bonnes grâces de la communauté hispanique, première minorité aux États-Unis, riche désormais de plus de cinquante millions d’électeurs !

De fait, si beaucoup condamnent l’immigration illégale, peu cherchent vraiment à l’endiguer. Et pour cause, tout le monde, ou presque, en profite.

Elle profite d’abord au clandestin lui-même, qui une fois entré aux États-Unis, trouve du travail pour survivre et subvenir aux besoins de sa famille restée derrière en attendant de venir le rejoindre ; elle profite aux employeurs qui ont ainsi un réservoir de main d’œuvre bon marché sans cesse renouvelé ; elle profite au gouvernement parce que les clandestins font tourner des pans importants de l’économie américaine, l’agriculture, la construction, la restauration ; enfin elle profite même au Mexique qui réduit son propre chômage et reçoit des devises en retour…

Ceux qui n’en profitent pas sont les États, parce qu’ils doivent supporter les coûts de cette présence en matière de santé, et souvent en matière d’éducation, pour les enfants de migrants nés ou entrés aux États-Unis. Les clandestins étant inégalement répartis sur le territoire américain (25% d’entre eux se trouvent en Californie) ce fardeau affecte très sévèrement les États du sud-ouest, Texas, Nouveau Mexique, Arizona et Californie. Ceux qui n’en profitent pas non plus sont les ouvriers américains, dont les salaires sont systématiquement tirés vers le bas

Du coup ce sont les États qui se sont portés à la pointe de ce combat se substituant au gouvernement. L’Alabama a introduit une législation rendant la vie des clandestins quasi impossible sur son sol. Avant cela l’Arizona avait passé sa propre loi, très restrictive, contre l’immigration clandestine. Elle a été invalidée depuis parce qu’elle empiétait sur des prérogatives du gouvernement fédéral. L’affaire est désormais devant la Cour Suprême. En attendant le sheriff Arpaio s’est fait une réputation nationale en détenant les clandestins dans des tentes en plein désert, pour ne pas ponctionner les contribuables…

Obama, continue d’appeler de ses vœux une réforme « globale » de la politique américaine en matière d’immigration. La dernière loi remonte à 1986. Votée par un Congrès à majorité démocrate, « L’Immigration Reform and Control Act of 1986 », qui s’accompagnait d’une amnistie pour six millions de clandestins, devait régler la question une fois pour toute…

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !