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Alerte sur le niveau de lecture des petits Français : la faute à qui ? À nous tous (oui, vous aussi)
©Surlygirl

Ecole

Les compétences en lecture des petits Français ne cesse de régresser. Oui l'école est en partie responsable. Mais elle n'est pas la seule...

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Un paragraphe choc s'étale dans les unes des journaux nationaux : « Les compétences en lecture et compréhension des petits écoliers français en classe de CM1 sont en baisse par rapport au début des années 2000. L'étude internationale Pirls réalise ce test tous les cinq ans depuis 2001 dans cinquante pays et la France se place en 34ème position. Elle a le privilège avec les Pays-Bas, de régresser. Le problème est que ce n'est pas une surprise et les commentateurs qui pointent l'école du doigt pratiquent la simplification outrancière, comme si un tel classement, pour une démocratie de premier plan, pouvait tenir d'une responsabilité unique.

A l'école...

Que l'école balaie devant sa porte, si elle n'a pas tous les torts, elle en a quelques-uns. Elle lit et fait lire moins et moins longtemps. Le temps consacré aux apprentissages des bases du français a diminué drastiquement et un certain nombre de règles de français ne font plus l'objet d'apprentissages systématiques. A partir du CP, la lecture c'est comme le sport, plus on lit et mieux on lit, plus on systématise, avec des apprentissages par cœur, plus la lecture devient une habitude, un réflexe, quelque chose qui ne passe plus par le décryptage ânonné et laborieux entendu chez une majorité d'élèves de fin de CP, quand on en est là. Mais également, l'apprentissage de la langue passe par l'écrit, décrété rébarbatif et souvent délaissé, voire abandonné, au profit de cette chose supposée magique qu'est le clavier. Détrompons nous, tracer, c'est s'approprier, reconnaître, engranger, structurer et mettre en application ces règles devenues non ou peu apprises. Cette perte de sens et d'exigence ne date pas d'hier, elle a lentement fait son nid depuis une vingtaine d'années et plus même, mais les résultats tangibles sont là.

Ces élèves de CM1 d'aujourd'hui, testés en berne, sont les élèves de CP de Vincent Peillon, Benoît Hamon et Najat Vallaud-Belkacem, plus préoccupés de temps scolaires, avec une réforme en quatre jours et demi sur laquelle tout le monde sera revenu à la rentrée 2018. Du tripatouillage pour rien donc. Plus préoccupés aussi de grandes causes sociales : la lutte contre l'homophobie dès le CP, par exemple, si ce n'était pas si grave, on en rirait. Mais aussi la nutrition, le tri sélectif des déchets, le secourisme, le brevet de piéton, qui n'ont rien à faire à l'école, laquelle alterne les sensibilisations à une alimentation saine et la fête des anniversaires en classe avec des sodas, des gâteaux et des bonbons, on n'en est plus à une contradiction près. Plus préoccupés encore, de politique, avec la théorie du genre qui a fait couler beaucoup d'encre, l'accompagnement des sorties scolaires par des femmes voilées, les tentatives sans cesse alambiquées pour obliger les parents à une mixité ethnique à laquelle ils se refusent. Sur ces trois volets, l'école a laissé entrer en son sein des conflits et des préoccupations qui n'ont rien à faire dans les cartables, perdu beaucoup de temps et surtout perdu de vue ses missions principales. Mais le terrain était déjà bien prêt pour ces trois ministres dont on ne gardera pas un grand souvenir.

Chez les parents...

Il se passe aussi une petite révolution dans les familles, avec cette lecture qui n'est plus l'apanage d'un grand nombre de parents d'élèves de CP, de la génération des 25/35 ans, bien ancrée dans les pratiques modernes et autant postée devant les écrans que ses enfants, dès le plus jeune âge. Parents trentenaires comme enfants de six ans disposent de quatre à cinq écrans différents devant lesquels ils passent trois, quatre ou cinq heures par jour. Les enfants ne lisent plus beaucoup de manière spontanée, le peu qu'ils lisent, c'est encore à l'école et ils ne voient pas non plus leurs parents lire. Ne blâmons personne, la responsabilité entière se dilue dans le progrès technologique et l'utilisation imprévisible et immodérée parfois, que les personnes peuvent en avoir. Cela se fait au détriment de l'école qui demande une attitude active et un intéressement, une forme de volontarisme que ne nécessite pas le média à écran qui se satisfait d'une posture passive, voire captive.

Mais ne nous trompons pas, la lecture aussi nécessite justement cette attitude active, cette posture engagée après laquelle courent désormais quasiment tous les professeurs, tout le contraire de la passivité de mise devant les écrans. La posture n'est pas là, du moins, elle l'est chez très peu d'élèves, empiriquement, je dirais, un quart d'entre-eux. Cela vient du positionnement dans des familles horizontales, c'est à dire que les places respectives des parents et des enfants n'existent plus. On est à l'image de ces dessins d'enfants, plus ou moins toujours les mêmes. Les personnages y sont représentés en ribambelles, tous de la même taille et avec les mêmes caractéristiques, ceux qui savent, les parents, n'ont rien de plus. Illustrations fréquentes d'un malaise gradué dans lequel l'enfant est roi ou livré à lui même avec les technologies modernes en libre service. Contexte dans lequel l'accession au savoir ne représente symboliquement aucune plus-value pour un enfant déjà comblé, voire même blasé. Dans le pire des cas, apprendre représente même le risque de ne pas rester l'enfant préféré autour de qui tout va tourner, grandir signifiant alors perdre, son rôle d'enfant adulé. Ceci est toujours gradué, plus ou moins affirmé à l'école, mais se traduit globalement par une réticence à apprendre, un désintérêt, une apathie, ou même un refus. En moyenne, on a cette impression de rythme cahin-caha dans les apprentissages avec des enfants peu concentrés, bavards et aux attentions fugaces. Ils n'ont pas pour habitudes d'écouter les adultes, ces sont les adultes qui les écoutent habituellement. Jean-Paul Brighelli a dit cela à sa manière, du genre : parfois, à trop écouter les élèves, ce sont les profs qu'on n'entend plus.

Et ce qui fâche...

Enfin, il faut, pour comprendre ces statistiques PIRLS se remettre en tête que ce sont des chiffres moyens et Luc Ferry, également ancien ministre de l’Éducation nationale, n'a pas hésité, voici quelques dizaines de jours, à jeter son gros pavé dans la mare. "Si on supprimait les 15% de quartiers pourris qu'il y a en France, nous serions classés numéro 1 dans Pisa !", a t-il expliqué abruptement sur BFM-TV. Oui, Monsieur Ferry, c'est un peu raide, mais il y a du vrai. La journaliste Apolline de Malherbe lui réplique alors, « Quand il y a 98 nationalités dans un collège, c'est une richesse ». Non, Madame de Malherbe, ce n'est pas une richesse au sens dogmatique ou l'entend la bien-pensance, même si ça pourrait éventuellement le devenir. Du moins, on peut en rêver. Ces 98 nationalités, puisque c'est l'exemple retenu, représentent en premier lieu une difficulté, pour apprendre le français, pour obtenir de bonnes postures préalables aux apprentissages, pour repousser dehors des conflits extérieurs qui s'invitent à l'école, comme le conflit israélo-arabe, le conflit turco-kurde et bien d'autres. Plus globalement, dans ces quartiers souvent peu francophones, désignés comme « pourris » par Luc Ferry, il faudrait effectivement changer de cap, se soucier un peu moins, voire pas du tout, du respect de la culture et du racisme et un peu plus de règles scolaires, républicaines et d'apprentissages, à condition toutefois que les parents et leurs enfants adhèrent un minimum à ce qu'on leur propose et en cela, on rejoint cette idée que l'on ne peut apprendre la langue française contre son gré, que la raison en soit culturelle ou due à la profusion d'écrans et de biens matériels. Ceci dit, même si Luc Ferry a raison, certains quartiers font baisser la moyenne, ils ne sont pas responsables de toute la baisse.

A l'autre extrémité, d'autres font remonter la moyenne : 15 à 25 % de très bons élèves et de familles très porteuses. Ce sont ceux qui lisent, écrivent aussi et qui lisent même très bien, à la fois les livres et les écrans, qui ont des nouvelles technologies une utilisation active, une vision internationalisée et un avenir entre les mains. Le vrai échec se situe là, doublement, dans cette incapacité à maintenir la classe moyenne à son niveau d'antan et dans cette autre incapacité à transformer les apports extérieurs en Français instruits. Et de la même manière qu'elle n'est pas responsable seule du fiasco, l'école ne peut toute seule inverser cette tendance devenue très lourde.

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