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Requiem pour un PS ? Benoît Hamon lance son mouvement à lui et tente de surfer sur l’intérêt qu’il suscite chez les sympathisants de gauche
©JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

Ambition

Ce samedi, l'ancien candidat socialiste réunit ses partisans au Palais des Congrès du Mans, pour tenter d'ancrer son mouvement M1717 dans le paysage politique, et lancer pour de bon l'aventure hors du PS. Un parti socialiste en miette, traversé par plusieurs crises.

Chloé Morin

Chloé Morin

Chloé Morin est ex-conseillère Opinion du Premier ministre de 2012 à 2017, et Experte-associée à la Fondation Jean Jaurès.

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Atlantico : ce 2 décembre, Benoît Hamon réunira les siens au Palais des congrès lors de la journée de fondation de son organisation. Comment décrire le défi auquel fait face cette partie de la gauche, incarnée principalement par le PS, prise en étau entre France Insoumise et LREM ? ​

Chloé Morin : Le Parti socialiste, qui a depuis des années eu le rôle de faire le lien entre les différentes sensibilités de la gauche dans la perspective de la conquête du pouvoir, est une étiquette politique est dévitalisée. Dans le dernier baromètre BVA, il reste le parti politique le moins populaire, à 17%.

Cette crise a des causes multiples. Il convient de les distinguer:

- Il y a d’abord le poids du bilan, et de ce qui a été vécu comme une forme de trahison - notamment sur la loi El Khomri, et déchéance de nationalité, qui ont marqué les militants et une partie de l’appareil ;

- Il y a, de manière plus profonde, une crise idéologique, que l’on peut apparenter à une crise de vocation: quelle est l’utilité, le combat premier de ce parti? Dès lors qu’il y a eu une forme de reddition idéologique apparente au libéralisme sur quelques sujets comme le marché du travail ou l’entreprise, la fonction de « protection économique » des plus faibles est interrogée.

- La gauche souffre également de ses divisions, que les dernières élections ont démontré de manière éclatante: la nécessité de faire gagner des idées de gauche ne l’emporte plus sur les divisions entre les différentes familles de la gauche.

- Enfin, une crise d'incarnation: bien souvent, par le passé, c’est un leadership fort qui a permis aux partis de surmonter leurs difficultés. Or, ce qui est frappant aujourd’hui, c’est que beaucoup de grandes figures ont disparu du paysage politique, sans que l’on puisse encore distinguer qui pourrait prendre la relève. Ainsi, lorsqu’Odoxa demande « qui pour représenter la gauche en 2022? », les personnalités qui émergent sont avant tout des personnalités connues - Valls, Montebourg, Hamon, Vallaud-Belkacem… dont certaines ne sont plus dans les partis dits « de gauche », voire sont en retrait de la vie politique. On note une nette domination de Benoit Hamon chez les sympathisants de gauche. Ces résultats font écho à sa popularité mesurée par les différents instituts, et tranchent avec le discours ambiant, qui voudrait qu’ayant fait un score ridicule aux dernières élections, il n’aurait pas d’avenir politique possible. Pour autant, à ce stade, nulle incarnation n’apparaît comme suffisamment forte et rassembleuse pour offrir un avenir présidentiel à la gauche, et certaines figures incarnent même ce que les gens rejettent le plus dans la vie politique: les combines internes plutôt que le souci de l’intérêt général.

Comment juger de l'état des forces des différents courants au sein du PS, entre ceux qui souhaitent apporter un soutien à LREM, ceux qui sont plus proches de la FI, et ceux qui souhaitent défendre une indépendance basée sur une ligne politique alternative ?

Si une majorité assez nette rejette désormais la politique menée par Emmanuel Macron, il reste au sein des sympathisants PS environs 40% qui soutiennent l’action de l’exécutif, et ce, alors même que l’immense majorité juge que la politique menée n’est pas « de gauche » (une majorité la juge même « de droite », selon Harris interactive). Ajoutons que lorsqu’on leur demande qui pourrait représenter la gauche en 2022, Manuel Valls arrive en seconde position auprès des sympathisants PS, à 21%, derrière Benoit Hamon qui obtient 29%. Or, Manuel Valls est une figure très clivante à gauche. Le fait qu’il reste soutenu alors même qu’il a abandonné sa famille politique révèle que les sympathisants PS restent profondément divisé vis à vis de la politique menée actuellement. Se juxtaposent un malaise réel suscité par une partie des mesures gouvernementales, et une culture de gouvernement dominante, qui oblige à être constructifs. Une nouvelle culture de l’opposition est peut être en train de naître, en lien avec l’aspiration à être acteur et à sortir des travers de la politique telle qu’elle s’est faite depuis des années.
Il est probable que le PS ne pourra sortir de cette division en cherchant seulement à choisir entre « soutien » et « opposition ». Il ne peut que tenter de dépasser ce débat, en proposant une offre autonome, nouvelle, et fortement incarnée. Une offre qui parte des besoins « non satisfaits » par l’offre politique actuelle - c’est exactement le pari réussi qu’avait fait Benoît Hamon pendant la primaire, en investissant le sujet du travail, du bien être au travail, de l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle, ou encore la santé environnementale.

Cela nécessitera aussi d’imposer sa propre lecture du paysage politique, ses propres lignes de clivage, alors qu’à l’heure actuelle ce sont LREM, LFI et le FN qui semblent avoir imposé l’idée que gauche et droite n’existaient plus, que le débat devait s’articuler entre « patriotes » et « mondialistes », « anti-européens » et « pro-européens », « réformistes » et "conservateurs » etc. Autant de lignes de fractures qui ne donnent pas de place aux ex partis de gouvernement, et rendent d’autant plus difficile pour les électeurs déboussolés de se repérer. Il faut donc que la gauche de gouvernement identifie les problèmes qui se posent au pays, les priorités qui doivent être les siennes, et propose de nouvelles clés de lecture du débat politique qui permettent à ses électeurs de se positionner.

Tout ceci représente une entreprise de reconstruction - du même ordre que celle opérée par Emmanuel Macron depuis le lancement de son mouvement. C’est ici qu’il faut donner du temps au temps: le temps de faire émerger des figures nouvelles, le temps de faire infuser ses idées et de reconquérir la confiance de ses anciens électeurs.

Quelles sont les prochaines étapes décisives pour cette partie de la gauche, entre le congrès du PS qui se tiendra au début de l'année 2018 jusqu'au prochaines élections européennes de 2019 ?

Les élections européennes seront nécessairement difficiles pour un PS qui n’a toujours pas de doctrine commune sur le sens et l’avenir de l'Europe. Il peut choisir de trancher entre être clairement pro-européen ou clairement euro-critique, mais aucune de ces deux positions ne sera facile à tenir face à LFI et à LREM, car ces deux partis ont des positions de longue date, clairement identifiées par les électeurs.

L’horizon du PS pourrait davantage être les prochaines élections locales, car il dispose encore de nombreux relais locaux, pourra jouer la carte de l’ancrage, faire valoir son bilan, miser éventuellement sur l’impopularité ou la fatigue de l’exécutif, et le faible ancrage local de LREM. Mais pour réussir, il lui faudra savoir réinvestir des thématiques qu’il avait semblé déserter ces dernières années: la proximité, le sujet de la production de la richesse au coeur des territoires périurbains et ruraux et de sa répartition, et plus globalement la protection des catégories sociales qui se sont le plus éloignées de lui - classes moyennes et populaires…- notamment sur tous les sujets liés au travail et au « bien vivre ».

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