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Cincinnatus, le nouveau groupe politique qui voudrait faire exploser la centralisation technocratique française
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Nouveau souffle

Cincinnatus a été lancé pour en finir avec l'Etat jacobin. Dans les colonnes d'Atlantico, ce groupe politique estime notamment que "le temps ou la France pouvait être dirigée par un quarteron de dirigeants et de hauts fonctionnaires est révolu".

François Vigne

François Vigne

François Vigne est entrepreneur.

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Atlantico : L'idée force du groupe politique que vous lancez est d'en finir avec l'Etat jacobin. Vous considérez qui plus est que la majorité LREM au pouvoir a amplifié la vision française classique, "centralisatrice et jacobine, qui consiste à transformer nos citoyens en simples spectateurs et à confier la décision politique à des experts non élus et loin du terrain". Pour nous faire l'avocat du diable, en quoi remplacer des experts non élus et loin du terrain par des experts non élus venus de la société civile serait-il une garantie d'efficacité ? Et si les élus locaux sont certainement très armés pour comprendre les fractures et les forces de la société française au quotidien, le sont-ils pour penser les changements du monde en tant que tels ?

Sebastien Laye : Au fondement de notre démarche se trouve notre diversité. Si nous avons des spécialistes et professionnels dans certains domaines, nous ne sommes pas des experts dans la mesure où nous ne sommes pas un aéropage de profils techniques monolithiques. Il y a parmi nous des entrepreneurs, des élus locaux, un retraité, des responsables associatifs. Je parlerais plus de groupe citoyen actif dans le débat public que de mouvement politique. Il ne s’agit pas en effet de remplacer les anciens experts par de nouveaux, mais de capitaliser enfin sur  l’intelligence collective des français, donc de trouver de nouvelles forces vives au sein de toutes les professions ( ce dont les partis classiques sont bien incapables).  Si nos gouvernants avaient accès à une vraie expertise au-delà des cercles de hauts fonctionnaires, la construction des politiques publiques seraient beaucoup plus efficaces. Nous n’avons pas mis en avant uniquement les élus locaux et nous ne sommes pas un organe corporatiste de défense de leurs seuls intérêts. Nous voulons défendre le principe de subsidiarité, une décision politique proche du citoyen et une revalorisation de nos territoires: il est évident que ce combat ne peut se mener qu’avec les élus locaux eux-mêmes. Mais à titre personnel, je suis un entrepreneur revenu en France après dix ans aux Etats Unis et de plus en plus souvent dans les medias ; je veux avant tout être un porte-parole de ces élus de terrain que je côtoyé aussi via le monde de l’entreprise.

François Vigne : Il ne s’agit surtout pas de remplacer des experts par d’autres experts non élus, d’où qu’ils viennent. Nous ne sommes pas des experts, mais des faiseurs, acteurs engagés, désireux de mettre nos expériences et nos compétences complémentaires au service de notre pays et de nos concitoyens pour un temps limité. Nous n’avons pas été élèves dans les mêmes écoles, ni suivi les mêmes carrières formatées. Cette diversité et cette complémentarité sont notre force. Quant aux élus locaux, ils sont tout aussi capables que des technocrates parisiens de penser les changements du monde. Il suffit d’aller sur le terrain pour le comprendre. Pour autant, l’idée n’est pas de demander aux élus locaux de concevoir et gérer la politique internationale de la France. Ce serait l’inverse du principe de subsidiarité. A chacun sa place pour un même service de la France.

Vous mettez en cause la vision très technocratique d'Emmanuel Macron et de la République en marche : en quoi selon vous s'agit-il d'une vision impuissante à régler les défis politiques majeurs auxquels la France fait face ? Et quel est le diagnostic que vous faites des priorités politiques qui pourraient ramener le pays à une prospérité mieux partagée, socialement comme territorialement ? 

Sebastien Laye : Le temps ou la France pouvait être dirigée par un quarteron de dirigeants et de hauts fonctionnaires est révolu. Le monde est devenu trop complexe pour cela et la passion française pour le commandement et la verticalisation (jupiterisation ?) a fini par se retourner contre l’efficacité de nos politiques publiques. La méthode de gouvernance n’est donc pas la bonne. Nous prônons le retour de deux notions ayant disparu dans le débat public: la liberté et la responsabilité. Elles impliquent de redonner plus d’autonomie aux entrepreneurs, de réduire la bureaucratie et la dépense publique, et de recentrer l’Etat sur ses missions régaliennes (un domaine, notamment celui de l’insécurité, ou il est en échec patent). Les reformes de Macron, sous couvert de modernisme, aboutissent à une extension de l’Etat et de la bureaucratie, comme en attestent l’étatisation de l’assurance chômage ou le maintien de déficits importants; la drogue de la dépense publique a déjà anesthésie notre économie sans pour autant nous permettre de défendre les plus faibles. Nous devons à tout prix circonscrire les missions de l’Etat et définir les minimums qu’il doit garantir aux citoyens.

François Vigne : La première priorité de l’exécutif devrait être de transformer l’Etat et de reprendre la maîtrise des finances publiques. Mais ce sont des chantiers auxquels le président Macron et son gouvernement préfèrent ne pas s’attaquer. Il est beaucoup plus facile de réformer le droit du travail, applicable au secteur privé, ou de mettre sous pression les finances communales que de réformer les structures administratives de l’Etat et réduire leurs coûts. Pourtant, c’est bien de la crise des services publics, ainsi que de l’excès de nos dépenses publiques et prélèvements obligatoires, que la plupart des difficultés françaises procèdent, à commencer par le manque de compétitivité de l’économie nationale et l’explosion de nos déficits publics et commerciaux. La reconstruction de l’Etat est et pour nous la mère de toutes les batailles !

Une décentralisation plus poussée et mieux pensée serait-elle vraiment de nature à permettre à la France de mieux négocier sa place dans la mondialisation ? Qu'il s'agisse de questions de monnaies, de taux de change, de négociations commerciales, de flux migratoires, de difficultés d'intégration de populations immigrées voire d'inquiétude civilisationnelle, la France n'a-t-elle pas aussi besoin d'un pouvoir central ayant une vision forte ? Dit autrement, les difficultés que nous vivons à l'heure actuelle sont sont-elles dues à un problème de gouvernance française ou à un problème de vision ? 

Sebastien Laye :Si vous regardez l’organisation politique et institutionnelle d’Etats comme l’Allemagne et les USA, les deux dimensions- nationales et territoriales- sont entremêlées. Les grandes problématiques fiscales, économiques et migratoires nécessitent une vision nationale certes, mais l’exécution ne suit pas sans une méthode d’application décentralisée. J’utiliserais ici l’analogie avec une grande entreprise : les Comex sont utiles, mais la prise de décision doit se faire au plus près du terrain. Par ailleurs, si vous avez une organisation mettant tout le monde devant ses responsabilités sur le terrain, vous pouvez vous prémunir des dérives ou échecs du pouvoir central ; c’est ce que j’observe à l’heure actuelle aux Etats Unis. Le chaos washingtonien n’a pas contaminé les autres Etats ou sphères de la vie américaine….A l’inverse en France, certains échelons de l’administration centrale commencent a déjà à travestir certaines bonnes volontés au gouvernement : Darmanin vient d’en faire l’amère expérience avec son projet de « droit à l’erreur » dont il ne reste rien.

François Vigne : Il faut surtout repenser la décentralisation telle qu’elle a été développée depuis 36 ans. Il lui manque un élément essentiel : le principe de responsabilité. Quelles que soient les erreurs commises par un exécutif local, il n’en assume jamais, ou si rarement, les conséquences. Or la responsabilité doit être le corollaire du pouvoir de décision. Subsidiarité et responsabilité sont les deux principes de la décentralisation que nous voulons mettre en oeuvre. Quant à la place de la France dans la mondialisation, elle suppose, comme vous le dites très justement, une vision de la France, de l’Europe, du monde et de la place de l’homme dans ce système en profonde mutation. C’est bien cette vision qui manque aujourd’hui. Je vois bien l’enchaînement des réformes technicistes, mais je ne vois toujours pas en quoi ces réformes sont mises au service d’’une vision forte pour la France et d’un progrès partagé pour tous les citoyens.

Pourquoi avez-vous décidé de créer un nouveau groupe politique en dehors d'un parti ? Les vieux partis n'ont plus beaucoup d'idées et n'ont pas su s'adapter à l'évolution du monde mais cela doit-il pour autant signifier qu'il n'en faille plus ? Une démocratie représentative peut-elle fonctionner sans parti ?  

Sebastien Laye : Non les partis ne sont pas morts mais ils ne peuvent plus fonctionner comme de simples écuries ou association de militants. Nous préférons reconstruire la vie politique par la base, justement par des initiatives issues de la société civile ou du monde associatif, en collaboration avec les élus locaux. Les deux piliers sont  indispensables : sans le premier, vous avez l’ancien parti radical socialiste ; sans le second, une technocratie nouvelle génération. Notre pays n’a besoin ni de l’un ni de l’autre.

François Vigne : Je ne crois pas qu’une démocratie puisse durablement fonctionner sans partis. Les partis ont une triple fonction d’exercice du pouvoir, de remontée des informations du terrain vers l’exécutif et de diffusion des messages de l’exécutif vers le terrain. La mort des partis risque de laisser la voie ouverte à l’exercice du pouvoir personnel et à la mort de la démocratie. Ceci précisé, il est urgent de renouveler de fond en comble l’offre des partis, leur conception même et leur organisation. Nous n’avons collectivement pas encore tiré les conséquences de la transformation digitale et du rôle croissant des réseaux sociaux dans le débat citoyen. Près de 230 ans après la révolution française, nous devons repenser en profondeur la démocratie française pour la mettre en phase avec les défis et les outils du XXIème siècle.

Si vous deviez vous rapprocher d'un parti ou envisager un programme de gouvernement ou de coalition, avec qui pourriez-vous le faire ? 

Sebastien Laye : Certains d’entre nous (c’est mon cas) n’ont jamais appartenu à un parti politique; d’autres sont des anciens de l’UDI ou LR. Un dialogue avec ces deux formations est nécessaire alors qu’elles travaillent à leur refondation; mais aussi avec les forces laïques de gauche en pointe sur le combat contre les extrémistes et les dérives communautaires.

François Vigne : La question est prématurée. La politique est aussi l’art de la composition et il faut pouvoir et savoir, en démocratie, gouverner avec d’autres. Encore faut-il que les autres partis sachent où ils habitent ! Au vu de leur actualité, il ne semble pas que ce soit le cas… Laissez-nous construire et fédérer d’abord ! la question des alliances éventuelles viendra plus tard.

Vous comptez dans vos rangs plusieurs personnalités ayant tenté de se présenter à la présidentielle comme François Vigne ou Jean-Pierre Gorges, le maire de Chartres, en quoi votre groupe est-il différent des autres "écuries" ? 

François Vigne : Il n’y a pas que la présidentielle dans la vie ! Et il n’y a, derrière notre initiative, aucun plan personnel. Notre objectif est simple. Après l’effondrement du système politique qui exerçait le pouvoir depuis plus de 35 ans, nous voulons reconstruire pour donner un avenir à la France et à notre démocratie. L’élection présidentielle est dans plus de 4 ans. Et beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts d’ici-là. Chaque chose en son temps !

Fondateurs du groupe : Anne Borriello, Francois Vigne, Sébastien Laye, Sébastien Véron, Jean Pierre Gorges, Jacques Condat, retraité, Florent Gauthier, Mathilde Iclanzan.

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