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Remaniement : comment Macron poursuit sa stratégie multi-facettes de grignotage sur sa gauche
©LUDOVIC MARIN / AFP

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Le remaniement annoncé vendredi est probablement moins anodin qu'il n'y paraît. Il flanque Bruno Le Maire de deux secrétaires d'État (dont l'un aux côtés de Darmanin) qui devraient resserrer la surveillance autour d'un ministre difficile à gérer. Dans la foulée, Macron continue sa stratégie de grignotage à gauche.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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On avait parié sur une éviction brutale de Bruno Le Maire, qui multiplie les sorties tonitruantes et les initiatives perfides(comme la commande d'un rapport sur l'invention fiscale du temps où Macron était en charge du dossier à l'Élysée). Finalement, l'attribution du porte-parolat à Benjamin Griveaux à plein temps permet un mouvement de translation limité, mais qui comporte plus d'une facette.

Une spécialiste de la grande entreprise auprès de Le Maire

L'arrivée de Delphine Gény-Stephann auprès de Bruno Le Maire devrait enfin doter Bercy d'un ministre qui a une connaissance concrète de l'entreprise. Les différentes sorties et arbitrages de Bruno Le Maire sur le sujet, en l'état, montrent en effet la perception stratosphérique, voire lunaire, de l'entreprise par le ministre qui en est en charge.

Delphine Gény-Stéphann ne peut se revendiquer d'une expérience réussie dans la vie concrète des entreprises, mais elle a participé à de nombreux conseils d'administration d'entreprises dont l'État est actionnaire. Polytechnicienne, elle a commencé sa carrière à Bercy et s'est occupée des participations de l'État. Elle devrait donc apporter une ligne directe avec l'Élysée sur tous les sujets de cessions d'actifs et d'intervention dans le financement privé. 

On se souvient ici que c'est un sujet qui intéresse aussi particulièrement le secrétaire général de l'Élysée, Alexis Kohler. On voit poindre l'arbitrage sous-jacent: dans la pratique, le volet "économie" de Bery devrait commencer à reprendre une forme rationnelle, c'est-à-dire moins planante. 

Un hamoniste historique auprès de Darmanin

Olivier Dussopt, député socialiste qui n'a pas voté le projet de loi de finances pour 2018 manifeste la parfaite cohérence de son engagement en devenant secrétaire d'État... à Bercy. C'est la très grande prouesse de Macron de "renouveler" la politique en transformant la trahison et l'opportunisme en principe du futur. 

L'intéressé présente donc un avantage: il devrait jeter un oeil très politique sur les agissements de Bercy. Cet ancien porte-parole de Martine Aubry, proche de Hamon, est aussi président de l'association des petites villes de France. Il n'a donc pas hésité à dénoncer la baisse des emplois aidés dans les collectivités. 

On comprend donc qu'il est aussi un gage donné aux élus locaux, notamment aux maires, sur la prise en compte de leurs besoins. 

Le grignotage de Macron à gauche 

Ce faisant, la nomination d'Olivier Dussopt est un nouveau signal envoyé par Macron sur un ratissage à gauche. Après la nomination d'Éric Lombard à la tête de la Caisse des Dépôts, le choix d'Olivier Dussopt est un nouveau braconnage sur les terres de gauche que Macron peut considérer comme "rattrapables". 

En l'espèce, l'analyse des profils concernés est intéressante et en dit long sur la recomposition politique à l'oeuvre. 

Lombard est issu de la grande bourgeoisie industrielle et membre historique des Gracques. Cette mouvance "rocardienne", de centre gauche avait en son temps manifesté sa défiance pour Ségolène Royal et la gauche qu'elle incarnait. Lombard appartient à cette gauche libérale, européiste, éclairée, volontiers élitiste, qui paraît assez naturellement assimilable au macronisme.

Olivier Dussopt est d'une "nature" très différente. Il n'appartient pas à cette grande bourgeoisie orléaniste qui constitue l'un des piliers essentiels à la majorité actuelle. Il est plutôt issu de la "province fédéraliste", de cette France du sud de la Loire où la relation à l'État central est façonnée par des siècles de distance. 

C'est cette France-là qui frétille à l'idée d'une solidarité mutualiste plus que centralisée. Ce n'est pas la France de l'économie de marché au sens où nous l'entendons. Elle ne prise guère la libre concurrence et se méfie du grand capital. Mais c'est une France de petits bourgeois, de petits entrepreneurs qui sont attachés à leur "chez soi", à leur indépendance, et qui portent en eux une recherche d'équilibre proche de l'écologie et de la terre.

Il est intéressant de voir que cette France-là, celle des petites communes rurales, celle d'un revenu universel version solidariste au fond, se vit aussi comme Macron compatible. 

Le travail de ratissage à gauche continue. Qui sera le prochain?

Article publié initialement sur Entreprise.news

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