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Le retour du Japon : comment les “Abenomics” ont sorti l’archipel de son marasme économique et de son instabilité politique chronique
©Reuters

Pas si kamikaze...

Malgré les doutes formulés à l'égard de la politique économique mise en place au Japon à partir de 2012, les résultats sont là; près de 3 millions d'emplois créés, un taux de chômage de 2.8%, et une confiance retrouvée.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Shinzo Abe vient de remporter un nouveau succès électoral dans un pays pourtant en proie l'instabilité politique. Dans quelle mesure ce succès électoral peut-il découler du programme économique du parti du premier ministre, le Parti libéral démocrate ?

Nicolas Goetzmann : La politique dite des Abenomics est sous-estimée depuis le départ. Pour mémoire, cette stratégie économique avait un but très précis qui était de sortir le pays de la déflation qui l'écrasait depuis près de 20 ans. L'outil qui a été utilisé par Shinzo Abe, et son banquier central Haruhiko Kuroda, a été de mettre en place une politique monétaire très agressive pour parvenir à briser ce cycle déflationniste. Malgré les critiques unanimes face à cette stratégie, le résultat est impressionnant. L'observation de la courbe du PIB nominal japonais permet de se faire une idée du rôle tracteur que peut avoir une politique monétaire lorsque celle-ci est menée avec sang-froid. Depuis 2012, la demande (qui est le synonyme du PIB nominal) japonaise est parvenue à combler le retard accumulé depuis 1997.

Evolution du PIB nominal du Japon de 1997 à 2017

Et cela a changé les choses du point de vue de la population. Près de 3 millions d'emplois ont été créés depuis 2012, ce qui a permis au taux de chômage de tomber à un niveau de 2.8%, du jamais vu depuis l'entrée en crise du pays au début des années 90. Il est également intéressant de noter que pour les deux premiers trimestres de l'année 2017, le taux de croissance japonais, en termes nominaux, dépasse largement le chiffre de croissance potentielle qui a été attribué au pays. C’est-à-dire, en termes annualisés ; 4.6% de croissance nominale au 1er trimestre, et 3% au second. En termes réels, cette croissance a été de 4% au 1er trimestre, 2.5% au second, alors que la croissance potentielle estimée par le FMI ou l'OCDE est de 0.5% en termes annuel, ce qui veut dire que la croissance du 1er trimestre de cette année 2017 a fait deux fois mieux que le potentiel annuel du pays. Cela devrait nous inciter à ne pas trop prendre au sérieux ces notions de croissance potentielle pour les périodes de rattrape économique, ce qui est d'ailleurs le cas pour l'Europe d'aujourd'hui.

Que peut-on attendre du nouveau mandat de Shinzo Abe au plan économique ? 

Les premières années de Shinzo Abe ont permis au pays de sortir de son coma déflationniste, ce qui peut permettre d'espérer autre chose qu'un colmatage pour cette prochaine échéance qui court jusqu'à 2021. Puisque le plein emploi est désormais atteint, et que la relance monétaire devrait être poursuivie, les salaires vont pouvoir commencer à progresser sur des termes beaucoup plus favorables. D'autant plus que le Japon n'intègre que très peu d'immigrants dans un pays en situation de déclin démographique. Dans une telle configuration, les entreprises vont devoir affronter un pouvoir de négociation de plus en plus fort de la part des salarié(e)s, ce qui va se traduire en augmentations, mais également en investissements dans la robotique et l'automatisation. En poursuivant une telle politique, le potentiel est considérable. Et pour faire face aux risques que peut représenter le fait de ne pas être éduqué dans un tel marché, Shinzo Abe souhaite faire de l'éducation supérieure un système gratuit dans le pays. Autant dire que les logiques qui existent aujourd'hui au Japon sont en totale opposition à ce que l'on peut voir en Europe, et ce, malgré un endettement plus de deux fois supérieur au Japon.

Quelle est l'approche économique défendue par Shinzo Abe depuis son arrivée au pouvoir ? Quelles sont les leçons à tirer de cette situation, notamment pour les européens ?

Shinzo Abe, avant le parti conservateur britannique, ou la ligne économique de "Steve Bannon" qui a permis à Donald Trump de remporter les élections américaines, a été le premier à opérer une révolution économique d'un parti de droite occidental. Finis les dogmes autour des questions monétaires et fiscales, fini les vieilles rengaines de l'économie "moraliste" qui tend à faire croire à la population que rien n'est possible en dehors du sang et des larmes. Ces partis de droite ont compris la fin de l'ère d'un "néolibéralisme" basé sur des présupposés qui n'ont pas eu de résultats économiques autres que l'accroissement des inégalités et la précarisation de la société. Comme si cette précarisation était un mal nécessaire pour revenir vers la prospérité. Non, pour eux, le seul résultat qui compte, ce sont les emplois créés. Il ne s'agit plus de "faire confiance" aux entreprises avant que celles-ci ne se décident à remplir des objectifs incohérents, mais de forcer le destin en prenant enfin le contrôle de la macroéconomie, au lieu de laisser tout cela à des mains manifestement engluées dans des idées datant d'avant 2008. Une politique de l'autruche qui trouve sa plus belle illustration en Europe, et Emmanuel Macron ne fait pas du tout exception à ce phénomène.

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