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19ème Congrès du PC chinois : Xi Jinping face aux 5 années qui pourraient transformer la Chine en superpuissance incontestée
©Carlos Barria / Reuters

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Le 19e congrès du Parti communiste chinois commence mercredi 18 octobre et devrait poser les jalons de la politique chinoise des cinq prochaines années.

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont est enseignant-chercheur à l'Université catholique de Lille où il dirige le Master Histoire - Relations internationales. Il est également directeur de recherche à l'IRIS, responsable du programme Asie-Pacifique et co-rédacteur en chef d'Asia Focus. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur les quetsions asiatiques contemporaines. Barthélémy Courmont (@BartCourmont) / Twitter 

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Valérie Niquet

Valérie Niquet

Valérie Niquet est Maître de recherche et responsable du pôle Asie à la FRS.  Elle est l'auteure du livre "La puissance chinoise en 100 questions" aux éditions Tallandier.

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Atlantico : Le XIXe congrès du Parti communiste chinois s'ouvre ce 18 octobre à Pékin, échéance majeure dans le pays, et qui aboutira à la reconduction de Xi Jinping et de Li Kequiang dans leurs fonctions pour les 5 prochaines années. Du rééquilibrage de la croissance vers un modèle de consommation, en passant par la géopolitique, le projet de nouvelle route de la soie, les risques de mouvements sociaux et l'enjeu écologique qui occupe le pays, Quels sont les principaux enjeux auxquels le pays devra faire face au cours de ces 5 prochaines années ?

Barthélémy Courmont : La période qui s'ouvre sera déterminante à plusieurs égards. D'abord parce que les défis sont grands, ensuite parce que le contexte international impose un engagement accru de la Chine. Les dirigeants chinois, à l'époque le tandem composé par Hu Jintao et Wen Jiabao, avaient énoncé dès 2008 de vastes reformes économiques et sociales devant répondre à la crise économique internationale, et faire progressivement passer la Chine vers un modèle de consommation. Ces réformes se sont soldées par un abandon progressif d'un modèle de croissance comme dogme, une élévation sensible des niveaux de vie, et une relance de la consommation intérieure. Le premier mandat de Xi Jinping a poursuivi sur cette ligne, avec notamment le premier ministre Li Keqiang, proche de Hu Jintao. Les défis intérieurs n'en demeurent cependant pas moins considérables. Les incertitudes liées à la baisse de la croissance et ses effets sur la population sont ainsi un enjeu majeur pour la stabilité du pouvoir. Les problèmes environnementaux ou encore alimentaires sont aussi d'immenses défis, d'autant que la société civile se monte vigilante. Sur la scène internationale, les Etats-Unis semblent en retrait depuis l'élection de Donald Trump (qui sera prochainement en visite en Chine), et Pékin se positionne comme un champion de la mondialisation, comme l'a annoncé Xi Jinping à Davos en début d'année, mais aussi comme un acteur plus responsable et engagé des enjeux globaux (questions environnementales notamment) et des problèmes sécuritaires contemporains. Cette affirmation de puissance, qui accompagne le retrait américain, consacre l'opportunisme de la Chine, et est l'une des grandes évolutions relevées lors du premier mandat de Xi Jinping. Elle devrait se confirmer dans les cinq prochaines années, Le contexte international étant favorable. 

Valérie Niquet : Les principaux enjeux pour la Chine seront de préserver une croissance économique suffisante pour satisfaire les besoins considérables d la population. C’est là que se situe en effet le principal facteur de légitimité du parti communiste. En dépit des progrès accomplis, les besoins demeurent colossaux, notamment en ce qui concerne la prise en charge des besoins sociaux que sont la retraite - avec le vieillissement de la population et les effets de la politique de l’enfant unique -, l’éducation et la santé. En dépit de multiples déclarations, la croissance demeure en effet très largement portée par les investissements et la dette, qui compensent les difficultés du régime à réellement encourager une progression importante de la consommation des ménages.

La prise en charge des problèmes liés à la pollution sont également vitaux pour la Chine elle-même comme pour l’ensemble du monde, la RPC étant le premier émetteur de gaz à effet de serre et de gaz polluants. Mais là aussi, les limites liées à l’absence de réel contrôle - notamment par la medias - et de système légal freinent les progrès nécessaires. Enfin, sur la scène internationale, la Chine doit redresser une image dégradée, particulièrement au niveau-régional en Asie, en raison d’une stratégie souvent perçue comme trop agressive, notamment en mer de Chine ou face à l’Inde. Plus immédiatement, l’évolution de la situation en Corée du Nord, et la relation avec les Etats-Unis, seront de véritables tests pour Pékin. C’est cet ensemble d’éléments qui pourrait faire de la Chine une véritable grande puissance responsable reconnue sur la scène internationale. 

En quoi l'issu du parti peut-il modifier la donne sur la façon dont ces enjeux seront traités ? Quelles sont les "variations" possibles en fonction du résultat de la composition du comité permanent du bureau politique du PCC ? 

Barthélémy Courmont : Ce congrès fait plus que conforter Xi Jinping dans ses fonctions, pour un second mandat, comme ses prédécesseurs. En se montrant très ferme sur la règle du départ à 68 ans, il marque surtout une rupture avec la vieille garde de Jiang Zemin encore très présente dans les arcanes du pouvoir, et tourne ainsi la page des années 1990. De nombreux membres du politburo vont ainsi se retirer, et ne resteront quasiment que des proches de Xi, notamment Xu Qiliang, Zhao Leji, ou encore Fan Changlong. Parmi ceux qui vont se retirer figurent des hommes de Jiang Zemin et, dans une moindre mesure de Hu Jintao. À leur place, ce sont d'autres proches de Xi Jinping qui prendront la relève. C'est ainsi à une véritable transition de la Chine de Jiang à celle de Xi que nous assistons, et cette recomposition du politburo va offrir au président Chinois un mandat solide, après cinq ans consacrés à l'élimination progressive des factions rivales, sur fond de lutte contre la corruption. Dans un système marqué deux mandats de cinq ans successifs pour le président et le premier ministre, le second marque le temps de la consolidation du pouvoir et de l'affirmation des réformes engagées lors du premier mandat, et qui montrent des signes encourageants. 

Valérie Niquet : Il est difficile de décrypter les évolutions futures du parti communiste. Si Xi Jinping réussi à imposer son autorité sans partage sur l’ensemble du comité permanent du bureau politique qui dirige la Chine, on peut toutefois craindre une évolution allant dans le sens de plus d’autoritarisme, et d’un retour encore plus accentué vers des positions idéologiques qui pourraient remettre en cause le principe de pragmatisme qui est au coeur des succès de la RPC depuis le lancement de la politique de réforme par Deng Xiaoping en 1979.  Inquiet des évolutions des équilibres mondiaux, craignant tout scénario à la soviétique, Xi Jinping semble mettre l’accent sur la reprise en main du parti et de l’armée, notamment en utilisant la menace des campagnes de lutte anticorruption, mais aussi sur la société, les médias et la production intellectuelle. Ce faisant, il risque de renforcer paradoxalement, le camp de ceux qui s’inquiète de ses pouvoirs trop importants. 

Quels sont les atouts du pays pour parvenir aux résultats escomptés ? 

Barthélémy Courmont : De manière traditionnelle, la stabilité politique de la Chine est son principal atout. Xi Jinping a parfaitement assimilé cette vérité, notamment en renforçant son pouvoir lors de son premier mandat à l'aide de la vaste campagne anti corruption dont il fut l'inspirateur, et qui lui permit de se débarrasser de nombreux rivaux. Cette stabilité ne saurait cependant se réduire à des manœuvres politiques, tant elle repose aussi et surtout sur la capacité de l'Etat-parti à offrir de bons résultats et à asseoir sa légitimité. Sur la scène internationale, la Chine profite de ses réserves de capitaux - un autre atout - pour engager de vastes projets d'investissements visant, notamment, à pérenniser sa croissance. Ces projets connus sous le nom d'initiative de la ceinture et de la route, et initiés en 2013 par Xi Jinping, constituent une véritable transformation des équilibres économiques et politiques mondiaux, et placent la Chine au cœur de la mondialisation. C'est une force, qui porte en elle des responsabilités importantes et une prise de risque, mais qui marque plus que les chiffres la transition de puissance avec les Etats-Unis à laquelle nous sommes en train d'assister. 

Valérie Niquet : En économie, la  Chine avait comme principaux atouts, la formidable envie de progrès de sa population, une main-d’œuvre bon marché, et une forte attractivité auprès des investisseurs internationaux. Ces éléments ont toutefois tendance à se réduire. En matière d’innovation, si la Chine dispose de moyens humains et financiers importants, elle est limitée par l’absence de liberté de pensée qui caractérise le régime chinois.  Au niveau stratégique, la Chine possède encore une forte « puissance de frappe » financière, qui lui permet de lancer d’énormes projets - sans grand souci de la rentabilité réelle - comme la Route de la soie (OBOR). Toutefois, là aussi les résultats escomptés en termes d’influence ne sont pas toujours au rendez-vous et la méfiance à l’égard des objectifs de puissance de la RPC est réelle. 

Son principal atout est peut-être de pouvoir jouer le rôle - face aux Etats-Unis de Donald Trump - de puissance « raisonnable. Mais là aussi, sur des sujets comme la Corée du Nord, son immobilisme est perçu de manière de moins en moins positive sur la scène internationale, y compris en Corée du Sud.

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