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Catalogne : un référendum qui met les démocrates européens au pied du mur
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Atlantico Business

Le résultat du référendum met à mal beaucoup de certitudes chez la plupart des démocrates européens

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Tout le monde est gêné par ce qui vient de se passer en Espagne. Les commentaires sont assez prudents. Les marchés attentistes. Non seulement parce que le référendum est hors la loi, mais aussi parce que le résultat confirme le réveil des identités régionales. Ce réveil s‘opère d’ailleurs partout dans le respect de la démocratie. Laquelle démocratie a aussi permis la création des Etats nations qui servent de cadre officiel à nos organisations socio-politiques. L‘Espagne est aux prises avec cette contradiction. Comme l’Angleterre avec la Brexit, comme la France avec la montée des populismes de l’extrême droite et gauche, comme l’Allemagne, les Pays-Bas, la Hongrie et même l’Italie.

Comment harmoniser la résurgence des intérêts locaux et régionaux avec le respect des institutions nationales ?

Si on s’en tenait stricto sensu aux résultats du référendum en Catalogne, l’indépendance de la Catalogne aurait dû être solennellement proclamée et reconnue par tous les partenaires européens dès le lendemain. Et pourtant, ce résultat, avant même d’être analysé, a été reçu avec un sentiment mêlé de gène et d’embarras.

En Espagne d’abord, où il est hors de question d’accorder cette indépendance qui ressort d'un vote illégal, puisque le référendum était hors la loi.  Mais également en Catalogne où beaucoup se disent qu’ils ont peut-être mis le doigt dans l’inconnu. Quant aux partenaires européens, c’est « courage, fuyons ». Pas question de s’immiscer dans les affaires intérieures du voisin.

La réalité, c’est que ce référendum risque de créer une situation très compliquée un peu comme le Brexit, même si les objectifs sont assez différents. Même si le référendum était illégal. Cela dit, la mécanique est la même. Un vote démocratique crée une situation assez peu limpide avec des conséquences difficiles à évaluer, pas forcément positives, et surement systémiques.

Comme pour le Brexit, le vote catalan résume toutes les difficultés et toutes les contradictions d’une procédure démocratique qui a pourtant toutes les raisons formelles de produire de la légitimité.

Au risque de passer pour un affreux antidémocrate, risquons de lister toutes les raisons qui font que la procédure choisie n'a pas forcement toutes les onctions de la démocratie.

1e difficulté : le référendum. Dans la plupart des cas, le référendum qui consiste à demander à un peuple s‘il est d’accord ou pas avec telle ou telle décision aboutit à un résultat tranché. C’est oui ou non. Le problème est que, dans bien des cas, la question commanderait d’être nuancée ou expliquée, parce que la vie en société n’est jamais blanche ou noire. Pour statuer sur l’intérêt de l’indépendance de la Catalogne, il faudrait préciser de quelle indépendance on parle, à quelles conditions…. exactement comme pour le Brexit. Si non, les peuples sont à chaque fois déçus et frustrés. Ils ne reconnaissent pas la situation qu’ils ont pourtant contribué à créer par leur vote.

2e difficulté : la contradiction intérieure espagnole. La Catalogne est devenue ce qu’elle est de part son histoire, sa culture, sa géographie, mais aussi de part son appartenance à l’Espagne reconstruite après Franco et ensuite à l’Europe. Les catalans souhaitent des structures décentralisées parce que le centralisme espagnol leur a permis de toucher les fonds structurels européens. Ils ont eu accès a la mutualisation des dettes. La Catalogne est puissante économiquement, mais elle est aussi endettée, et son endettement est supportable parce que sa dette est mutualisée et portée en partie par l’Espagne. En bref, s’il y a un pays où les régions ont bénéficié d’une logique jacobine, c’est bien la Catalogne.

3e contradiction : celle qui partage les européens eux-mêmes. Les démocrates européens sont un peu perdus et ne savent plus où ils habitent. Les militants de la démocratie directe devraient saluer ce résultat avec panache, sauf qu’ils sont pour la plupart aussi souverainistes et jacobins. Ils sont donc partagés entre la légitimité du côté catalan et celle issue des votes espagnols.

Les militants de la démocratie en France sont partagés de la même façon. Approuver le vote catalan reviendrait à souhaiter la même évolution pour les bretons ou les normands, c’est à dire attenter à l’unité de l’Etat central. Or, pour ces militants du vote démocratique, le pouvoir de l’Etat central reste sacré. C’est la nation qui donne corps à l’Etat et à l’identité nationale, sauf que cette identité nationale est concurrencée et fragilisée (comme en Espagne) par le réveil des identités régionales.

4e contradiction : celle qui partage en deux la conception qu’on peut avoir de l‘évolution européenne. L’indépendance de la Catalogne n’est pas juridiquement contradictoire avec l’appartenance à l’Union européenne. Les pères de l’Europe avaient imaginé comme terme une Europe fédérale qui aurait progressivement intégré les nations. Ceci dit, ils avaient laissé la porte ouverte à une fédération des espaces régionaux. 

Prévenants, les rédacteurs du traité de l'Union ont ménagé dans un coin du texte la possibilité de permettre à des régions d’adhérer directement à l’Union européenne. Les rédacteurs pensaient à des pays en Europe qui ont déjà des structures fédérales avec des régions fortement indépendantes et qui auraient demandé une adhésion directe. Ça pourrait être le cas de la Catalogne ou une partie de la population qui a voté pour l’indépendance est aussi partisane de rester en Europe, alors qu’une autre partie préfèrerait quitter l’Union européenne.

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