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Lançons la bataille pour l'innovation et les emplois de demain
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La France doit investir dans l’innovation pour se constituer un portefeuille d’emplois lorsque l’innovation aura détruit les emplois d’hier et d’aujourd’hui, plaide le président de Quartz Investissements.

Jean-Manuel  Rozan

Jean-Manuel Rozan

Jean-Manuel Rozan a passé l'essentiel de sa carrière sur les marchés financiers en tant qu'investisseur. Il est aujourd'hui le co-fondateur du moteur de recherche Qwant et président de Quartz Investissements.

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De même que les fonds souverains des pays pétroliers doivent se constituer un portefeuille d’actifs qui leur donnera des revenus lorsqu’ils n’auront plus de pétrole, la France doit investir dans l’innovation pour se constituer un portefeuille d’emplois lorsque l’innovation aura détruit les emplois d’hier et d’aujourd’hui.

Le tsunami numérique et technologique qui nous vient va changer pour toutes et pour tous, la façon de travailler dans toutes les industries clés. Le transport, l’éducation, la santé, la distribution, l’énergie, l’agriculture, la finance entre autres vont être impactés de façon radicale.

Ces transformations qui bousculent notre économie et notre quotidien nous viennent vite et de partout. La bataille pour les inventer et les posséder est désormaismondiale, ne nous y trompons pas, elle se joue à coup de dizaine de milliards. Y participent : les grandes sociétés innovantes des dix dernières années (les Gafa notamment)qui ont des milliards de cash, les fonds d’investissements américains aussi, les fonds souverains de la planète, les grandes Family Office privées …

Pour prendre un seul exemple, le PIF (Public Investment Fund) d’Arabie Saoudite qui pèse actuellement 700 milliards et atteindra d’ici peu les 2 trillions, a récemment doté en une seule fois, Softbank à Londres, de 43 milliards de dollars à investir dans des sociétés innovantes. Et ce n’est qu’un début …

En France, le gouvernement d’Edouard Philippe a annoncé son intention de créer un grand Fonds pour l’Innovation et l’Industrie doté de 10 milliards d’euros, et le constituer en cédant les participations de l’Etat dans diverses sociétés existantes : une manière de « vendre le passé pour investir dans le futur » en quelque sorte.

L’intention est louable, mais au lieu d’investir l’ensemble de ces capacités, qui restent modestes à l’échelle des enjeux, il semble que le projet se limite à la volonté de mobiliseruniquement les intérêts des 10 milliards,soit environ trois cents millions par an ! Pourquoi brider ainsi ses capacités et pourquoi se limiter à l’innovation française ?

Ce projet-là n’est pas à la hauteur et ne porte pas l’ambition que le moment exige.

Par exemple, si en matière d’innovation dans l’éducation c’est une société étrangère qui crée une avancée décisive (des MOOC diplômants) il faut être parmi les premiers à souscrire à son capital et il faut proposer aux entrepreneurs de cette société tous les avantages « du package impatrié » pour venir installer une activité en France et faire en sorte que leurs solutions se diffusent plus viteavec nous et chez nous.

Dans ce quinquennat notre gouvernement va investir 15 milliards dans la formation, c’est en effet une urgence. Très bien ! Mais investir pour quelles formations ? Quels métiers ? Et qui va former les formateurs aux métiers de demain qui n’existent pas aujourd’hui ?

La solution à ce problème gigantesque réside certainement dans l’innovation d’aujourd’hui et de demain. Peut-être en France et peut-être au-delà ? Pourquoi alors se priver de regarder et d’investir ailleurs ?

Allons au bout de notre raisonnement. Si l’on parle de transition alimentaire et écologique, la France doit comprendre, connaitre et investir dans les technologies des sociétés les plus innovantes, partout dans le monde, comme par exemple celles de sociétés qui construisent des fermes verticales écologiques aux portes de villes américaines.

On peut bien sûr adopter le même raisonnement pour la transformation alimentaire, la transformation numérique, la transformation écologique, pour l’innovation dans les fintech, le transport, la distribution, la robotique, l’intelligence artificielle…

De plus, le système français a permis l’éclosion (CIR, BPI, aides diverses) de sociétés qui atteignent maintenant une taille intéressante, et qui vont bientôt lever des sommes allant de cent à trois cents millions d’euros pour leur développement. C’est ce qu’on appelle « le late stage ». Très gros bémol : Il n’y a pratiquement pas en Europe, et pas en France de source de capital qui ait pour vocation de mettre dans des délais très courts des « tickets » financiers d’importance dans les sociétés qui en ont immédiatement besoin pour grossir et se développer. Des délais qui, de la requête initiale au dépôt du chèque, ne devraient pas excéder trois mois : on en est pour l’instant en France très loin.

Le problème n’est pas qu’il n’y ait pas chez nous de professionnels compétents de nationalité françaisepour comprendre et analyser ces innovations et ces sociétés. Il y en a beaucoup, à la CDC, à la BPI, dans les banques, dans les fonds d’investissements,au sein de Business France, dans nos Ambassades.

Il y a aussi au sein de French Tech, énormément de gens jeunes, talentueux et motivés qui sont capables d’être un réseau de veille et d’intelligence mondiale au service de l’innovation. Et évidemment, beaucoup de français très compétents dans la Silicon Valleyq ui ont entendu le discours du Président Macron à Vivatech et son appel à l’audace entreprenariale, au patriotisme économique et à la responsabilité et solidarité sociale de ceux qui auront réussi.

De plus, notre gouvernement a déjà peaufiné un système complet motivant pour attirer les entrepreneurs de tous les pays : les avantages fiscaux aux impatriés, le nouveau dispositif de dit French Tech visa …

La France dispose donc de nombreux atouts pour conduire et surtout gagner cette bataille en faveur de l’innovation et de l’emploi. Il ne nous manque plus que de doter, avec une vraie ambition, notre beau pays, de ce grand Fonds pour l’innovation qui saura déployer intelligemment ces dix premiers milliards et devenir la pierre angulaire de notre dispositif d’investissement et d’attractivité.

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